Bientôt un bateau à propulsion éolienne pour relier les îles de la Polynésie française?


Papeete, le 21 juin 2016 - Cet après-midi, un projet innovant sur la mise en place d'un navire à propulsion vélique a été présenté lors d'une conférence au Conseil économique, social et culturel de Polynésie française. Si l'idée était acceptée, le Fenua serait le premier à se lancer.
Le projet semble fou mais n'est pas irréalisable. Depuis plus de deux ans, une équipe d'ingénieurs, d'architectes naval et de commandants de bord, membre de Eole marine colportage (EMC), un département de l'ONG Watever, travaillent à l'élaboration d'un projet de mise à l'eau d'un bateau à propulsion éolienne pour relier les îles de la Polynésie française. Fini les immenses cargos où le nombre de places pour les passagers est limité. Terminé, aussi, les fumées noirâtres qui s'échappent de ces gratte-ciels flottants et participent à la dégradation de l'état du Fenua. Le vent a tourné.
"De plus en plus de régions du monde sont exclues du transport international, qui devient de plus en plus grand, gigantesque, en prenant des proportions ridicules. C'est vers elles que nous avons décidé de nous tourner et plus particulièrement vers la Polynésie française et ses archipels. Nous nous sommes dit qu'il fallait quelque chose d'innovant et qu'il était possible de se servir du vent pour le transport maritime. Le vent a aidé au déplacement des populations pendant des millénaires, les Polynésiens sont bien placés pour le savoir…", explique Alain Connan, membre d'EMC et ancien commandant de la marine marchande. L'équipe d'experts a consulté l'ensemble des armateurs locaux pour leur parler du projet.

UN RETOUR AUX SOURCES

Le comité d'experts de EMC.
Selon l'équipe d'EMC, de nombreux professionnels du secteur du transport maritime seraient favorables à un tel projet. "Nous ne venons pas en donneur de leçon, précise Alain Connan. Nous sommes venus pour proposer des solutions afin de réduire les coûts de transport pour les armateurs et aussi pour protéger l'environnement. Car, ce n'est pas sur les sociétés de pétrole sur lesquelles il faut compter pour changer. Il faut bien innover, et c'est à nous de le faire!" Chaque armateur a apporté sa pierre à l'édifice et a participé à l'amélioration du projet. Devant le conseil économique et social de Polynésie française, les experts ont présenté un navire hybride à deux moyens de propulsion : éolienne (énergie renouvelable) et électro-thermique permanente et suffisante pour toutes manœuvres de ports et franchissement de passes. "Ce serait un grand cargo, capable de transporter du frêt et des passagers, avec une énergie principalement basée sur le vent", ajoute Gérald Similowski, architecte naval.
Les experts ont effectué des simulations de ces trajets sur ces cinq dernières années. Desserte des Marquises, des Tuamotu ou encore des Raromatai, au départ de Tahiti, différents scénarii ont été pensés. "D'après nos résultats, il est possible d'envisager une économie d'énergie d'au moins 30 à 40 %", explique Yves Marre, membre d'EMC, ancien d'air France et engagé depuis 25 ans dans l'humanitaire maritime au Bengale. En revanche, les temps de traversée seraient identiques à ceux actuels. Par exemple, pour la desserte des îles sous le vent, le Hawaiki Nui, actuel cargo, effectue le trajet à une vitesse de 10 nœuds, il en serait de même pour le bateau nouvelle génération.
Devant l'assemblée de maires et d'élus, le projet a connu de nombreux encouragements. Le ministre de la Recherche, Patrick Howell, a précisé qu'au niveau des autorités du pays, aucune décision n'avait encore été prise. "Nos ancêtres ont utilisé l'énergie du vent pour passer d'une île à une autre. Il est temps pour nous de nous remettre en question et de prendre notre avenir entre nos mains. Dans ce cadre, ce projet nous interpelle…"
Si le projet venait à voir le jour, la Polynésie française serait pionnière en la matière. Par la suite, ce type de transport pourrait être décliné dans les autres nations du Pacifique "isolées car elles n'intéressent personne", afin que, elles aussi, puissent naviguer à leur aise. Pour Alain Connan, ancien marin et connaisseur du territoire, il n'y a aucun doute : "C'est une très belle opportunité de porter haut les couleurs de la Polynésie."

Qu'est-ce que l'EMC?

Eole Marine Colportage est un département de l'ONG Watever créée par Marc Van Peteghem, Yves Marre, Gérald Similowski et Alain Connan qui a pour but de promouvoir des navires de charge adaptés spécifiquement à différentes régions du monde en tenant compte de la préservation de la planète, de la protection des populations maritimes isolées et des impératifs économiques et commerciaux des armateurs.
Pour répondre à ce défi, le groupe a choisi de travailler sur la question du transport maritime à propulsion éolienne. Les experts d'EMC ont choisi comme premier terrain d'expérimentation la Polynésie française et ses cinq archipels, bien concernés par cette problématique.

"C'est un projet qui peut répondre à la problématique des archipels"

Un tavana des Tuamotu a félicité le comité d'experts pour la présentation du projet: "Nous ne pouvons que adopter un avis favorable à ce genre d'initiative. C'est un projet qui veut répondre à la problématique des archipels, et c'est une bonne chose. Aujourd'hui, pour me rendre à une île qui se trouve à 50 kilomètres de chez moi, je suis obligé de prendre l'avion jusqu'à Faa'a et à reprendre l'avion pour me rendre dans les Tuamotu, si, et seulement, si, il y a de la place. Ce projet de bateau à propulsion éolienne va nous permettre d'évoluer vers le futur et il aura un bon impact environnemental. Enfin, il va pouvoir donner le choix aux populations de se déplacer en Polynésie."

Rédigé par Amelie David le Mardi 21 Juin 2016 à 20:00 | Lu 3345 fois