Benoît Chassaing : "Le microbiote intervient dans la communication entre l’intestin et le cerveau"


PAPEETE, le 25 mars 2019 - Spécialiste du microbiote intestinal, le professeur Benoît Chassaing de l’Institut des sciences biomédicales d’Altanta aux États-Unis est de passage en Polynésie dans le cadre du Village de l’alimentation et de l’innovation (VAI). Il parlera de son sujet d’étude, cet écosystème niché dans l’intestin qui est considéré comme notre second cerveau.

Tahiti infos : Vous êtes spécialiste du microbiote. Pour commencer pouvez-vous nous définir le microbiote ?
Benoît Chassaing : "Il s’agit d’un ensemble de microorganismes, des bactéries, des virus, des champignons, des phages, des parasites qui constituent un écosystème en équilibre. Ce micriobiote se trouve dans l’intestin. C’est ce que l’on appelle aussi la flore intestinale."

Tahiti infos : Les études concernant le micriobiote sont assez récentes, pourquoi ?
Benoît Chassaing : "C’est vrai qu’elles ont pris de l’ampleur ces 15 à 20 dernières années. Cette évolution est en lien avec l’évolution des outils de recherche, et notamment des outils de séquençage1 qui sont devenus plus abordables financièrement pour les laboratoires."

Tahiti infos : Que faites-vous exactement ?
Benoît Chassaing : "Après ma thèse j’ai enchainé avec un post-doc aux États-Unis. Je suis devenu professeur assistant à l’université. Je travaille à l’Institut des sciences biomédicales d’Atlanta et projette de rentrer en France pour monter un laboratoire d’ici à la fin de l’année. Mon sujet d’étude est le microbiote. Avec mon équipe, nous essayons de comprendre quel est le rôle des facteurs génétiques et environnementaux sur le microbiote, et comment le microbiote peut jouer un rôle bénéfique ou au contraire délétère sur la santé. Pour cela nous utilisons des outils de séquençage et utilisons pour modèle certains additifs alimentaires qui agissent sur le microbiote."

Tahiti infos : Qu’est-ce qui ressort de vos travaux ?
Benoît Chassaing : "Le microbiote a un rôle très important, et il est notamment en lien étroit avec le système immunitaire de l’organisme. Son déséquilibre pourrait être responsable de l’apparition d’allergies, de maladies auto-immunes, et il pourrait aussi avoir un rapport avec l’obésité, le diabète de type II. Au laboratoire, nous avons montré que certains additifs alimentaires, les agents émulsifiants qui sont présents dans de nombreux produits transformés, altèrent directement le microbiote intestinal ce qui conduit au développement de dérégulations métaboliques."

Tahiti infos : On parle de l’intestin comme du second cerveau, quel rapport avec le microbiote ?
Benoît Chassaing : "Il y a des millions de neurones au niveau de l’intestin. Ce système nerveux communique de manière très étroite avec le cerveau. De plus, le microbiote intervient dans la communication entre l’intestin et le cerveau et il pourrait avoir une influence sur le fonctionnement cérébral. De ce fait, il joue un rôle sur le stress, l’anxiété, les maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson, d’Alzheimer…"

Tahiti infos : Qu’est-ce qui perturbe l’équilibre du microbiote ou au contraire participe à son maintien ?
Benoît Chassaing : "L’alimentation est le facteur d’influence numéro 1, elle a un rôle positif ou négatif. Une alimentation trop grasse, trop riche en additifs, agents émulsifiants, édulcorants a des conséquences délétères. L’activité physique a un rôle positif. Il semble que les antibiotiques, la pollution aient un rôle néfaste également. Des études sur la flore intestinale de personnes vivant en tribu dans des environnements loin de toute urbanisation versus des personnes vivants en milieu urbain montrent une grande différence de richesse. En tribu, les habitants ont une flore microbienne d’une grande richesse, tandis qu’en ville, les habitants ont une flore appauvrie … On essaie donc de trouver des solutions pour retrouver un microbiote disons, normal."

Tahiti infos : Quand le microbiote se met-il en place au cours de la vie ?
Benoît Chassaing : "Dans le ventre de la mère, le bébé n’ait pas encore de flore intestinale. La colonisation commence lors de l’accouchement avec les bactéries vaginales, puis avec le lait… D’où l’importance du mode d’accouchement. En cas de césarienne, la colonisation bactérienne de l’intestin du nouveau-né est altérée, ce qui favoriserait le développent de certaines pathologies chroniques. Des études sont menées pour transplanter un microbiote de type « vaginale » chez les enfants nés par césarienne. Par la suite, le microbiote évolue tout au long de la vie, sous l’influence de nombreux facteurs."

Tahiti infos : Après une perturbation, le microbiote peut-il retrouver son équilibre ?
Benoît Chassaing : "Les yaourts par exemple sont très bons, car riches en probiotiques ces mirco-organismes vivants utilisés par le microbiote. Les fibres sont aussi à privilégier. Mais il n’y a pas d’ingrédients miracles. Ainsi, il semble que certains micro-organismes de la flore intestinale puissent disparaître définitivement. Des recherches sont menées sur des possibilités de transplantation."

1 Le séquençage, sous-entendu séquençage de l’ADN, consiste à établir l’ordre d’enchaînement des nucléotides. Autrement dit, on extrait une partie d’ADN (l’ADN c’est une molécule qui code toutes les caractéristiques d’un individu, c’est un peu le mode d’emploi de l’organisme) et on détermine l’ordre des nucléotides (les constituants élémentaires de l’ADN). Séquencer c’est mettre au jour le langage codé de l’ADN.

Pratique

Le village de l’alimentation et de l’innovation (VAI) se tiendra du 28 au 30 mars à la Maison de la culture sur le thème Sens et émotion.

Benoît Chassaing donnera une conférence intitulé "Le Microbiote intestinal au cœur de notre santé. Pourquoi mieux se nourrir ?" le jeudi 28 mars à 18 heures au petit théâtre de la Maison de la culture.

Accès libre

Contacts

Site internet
Facebook : village de l’alimentation et de l’innovation.
Instagram : @village_vai


Rédigé par Delphine Barrais le Lundi 25 Mars 2019 à 07:49 | Lu 2118 fois