Be my eyes : Mata Hotu marche pour la vue


PAPEETE, le 06 octobre 2016 - Pour la journée mondiale de la vue le samedi 8 octobre, l'association Mata Hotu organise une rencontre entre voyants, malvoyants et non-voyants de 9h à 16h dans le parc Paofai.

Le samedi 8 octobre, l'association Mata Hotu organise une journée de rencontre entre voyant, malvoyants et non-voyants à l'occasion de la journée mondiale de la vue. L'événement se tiendra dans le parc Paofai entre 9 h et 16 h. L'association proposera différentes activités avec des ateliers sportifs et ludiques. Ainsi parmi les animations organisées par les membres de l'association, il y aura des ateliers pour se mettre à leur place. Ainsi ils proposent aux voyants de : préparer des plats sans voir, manger sans voir, se déplacer, ranger ses affaires, faire de la musique, consulter son téléphone le tout sans voir. Parmi les activités sportives proposées, il y aura la pétanque, le vélo en tandem et la musculation.

A partir de 13h00, une animation musicale participative sera menée par les membres de l'association. Les visiteurs pourront participer gratuitement à toutes les activités et sont encouragés à se joindre à l'événement musical.

Deux bus seront également mis en place pour permettre aux personnes non-voyantes et malvoyantes de tout Tahiti de participer à cette journée. "Nous prévoyons un bus pour la côte Est au départ de Tautira et pour le côté ouest un autre au départ de Teahupoo." Le ramassage commencera dès 6h30 du matin et le retour se fera à la fin de l'évènement c’est-à-dire 16 h.

L'objectif de l'événement est de sensibiliser les voyants à la situation des malvoyants et non-voyants en Polynésie. "Il n'y a aucun repère pour nous les non-voyants. Par exemple, j'ai fait le test dans le parc Paofai, rien n'est signalisé pour nous. Pour essayer de ne pas me perdre, j'ai dû longer l'herbe, parce que c'est la seule bordure qu'on a pour nous repérer. Si j'essaie de sortir du Parc, à moins d'être accompagnée d'un voyant, je ne la trouverai pas ", indique Diego Tetihia, président de l'association Mata Hotu.

Aujourd'hui, l'association estime à 448, le nombre de malvoyants ou non-voyants en Polynésie, "nous allons lancer un recensement du nombre de non-voyants et malvoyants en Polynésie, afin de mieux cerner et prendre en charge le handicap notamment pour les enfants ", ajoute Diego Tetihia.

Le risque pour une personne handicapée sensorielle est de se fermer au monde. "Le repli sur soi et l'isolement peuvent mener à des régressions personnelles fortes et c'est ce que l'association veut éviter. Il faut pouvoir donner un champ des possibles aux non-voyants et malvoyants", conclut le secrétaire de l'association Jean-Marc Poursin.

Rainui Poursin, 25 ans "mon projet c'est de devenir professeur de musique en collège et en lycée"

Rainui Poursin a 25 ans. Elle est en deuxième année de licence de musicologie à la Sorbonne et elle suit ses cours par correspondance. C'est un des rares membres de l'association à avoir obtenu son baccalauréat, mais également à avoir entamé des études supérieures. "Mon projet, c'est de devenir professeur de musique en collège et en lycée", dit-elle timide.

En tant que femme non-voyante, elle rencontre toute une série de difficultés. "Je ne peux pas me regarder dans un miroir pour juger mon apparence. Je ne suis pas bête. Je sais que même si on est gentille, l'apparence physique compte beaucoup. Ce que je souhaite, c'est d'être comme les autres, aussi jolie que n'importe quelle autre fille. "

Pour la jeune fille, le maquillage ou bien la cuisine sont de vrais défis "je prends plus de temps ne serait-ce que pour me maquiller ou faire la cuisine. Pour apprendre une nouvelle recette, je dois dans un premier temps apprendre à m'approprier les gestes. Ce n'est possible que par la répétition. Pour ça, il faut que je sois accompagnée d'un voyant qui soit patient et qui prenne le temps de m'apprendre pour qu'ensuite, je sois capable de le répéter seule".

Rainui souhaiterait pouvoir passer son CAPES afin d'apporter du bien-être aux enfants par la musique.

La musique prend une grande place dans la vie de la jeune femme, c'est en pratiquant la flûte traversière pendant 10 ans qu'elle découvre la pédagogie positive et qu'elle arrive à s'épanouir. "J'ai découvert les bienfaits de la musique. La musique comme on dit:- adoucit les mœurs -et ça nous apporte du bien-être. Ça a de la profondeur. Grâce à la musique, on peut communiquer beaucoup de choses et se comprendre", conclut-elle.
Ses objectifs à court terme sont dans un premier temps finir sa licence de musicologie et de passer le CAPES afin de pouvoir enseigner et enfin toucher du doigt son projet.

Trois questions à Diego Tetihia, président de l'association Mata Hotu

Quelles sont les principales difficultés aujourd'hui pour une personne non voyante ?
Les difficultés que nous rencontrons, aujourd'hui, sont nombreuses. La plus importante est la question de l'accessibilité. Il n'y a pas vraiment de points de repères pour les personnes malvoyantes. SI nous allons dans la ville, il y a des difficultés sur les trottoirs, il y a des étagères, des engins garés sur les trottoirs, il y a des voitures mal garées… Tout cela fait que c'est difficile pour une personne non voyante de se promener en ville.

Quels autres problèmes rencontrés vous ?
Même les transports en commun ne sont pas adaptés. Dans les bus, rien ne nous signale les arrêts. Ainsi si nous ne sommes pas avec une personne voyante, il est nous très compliqué, voire impossible de savoir à quel arrêt nous nous trouvons, ou bien quelles est la direction finale du bus que nous voulons prendre.

Est-ce qu'il y a aujourd'hui un organisme où les jeunes et enfants polynésiens peuvent apprendre le braille ?
Aujourd'hui, l'association est la seule sur le territoire à pouvoir enseigner le braille. L'inconvénient est que faute de moyen et depuis 2008, nous n'avons plus de local. Nous devons donc nous déplacer pour faire des cours à domicile. Nous donnons des cours à qui veut. Nous espérons que le Pays nous redonnera le budget pour former les jeunes malvoyants et non-voyants à lire le braille.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Jeudi 6 Octobre 2016 à 10:27 | Lu 995 fois