PAPEETE, 15 avril 2018 - Tahiti Infos ouvre une tribune, dans chacune de ses éditions jusqu'au jeudi 19 avril, afin de permettre aux leaders des six listes qui se présentent aux élections territoriales de décliner leurs ambitions pour le Pays, l'esprit de leur programme politique, l'attitude qu'ils envisagent en cas de second tour, et d'autres considérations en lien avec les élections du 22 avril et du 6 mai pour le renouvellement des représentants de l'assemblée. Nous avons choisi d'observer l'ordre de présentation défini par l'Etat, lors du tirage au sort du 28 mars dernier. Jeudi, Marcel Tuihani nous a présenté les priorités du programme politique de Te Ora Api o Porinetia. Vendredi, nous nous sommes entretenus avec le leader Oscar Temaru, président du Tavini Huiraatira et tête de la liste présentée par le parti souverainiste aux élections territoriales. Aujourd'hui, entretien avec Tauhiti Nena chef de file de la plateforme E Reo Manahune.
Où situez-vous la liste d’union E Reo Manahune, dans l’offre politique pour les Territoriales ?
C’est une plateforme politique qui regroupe des partis constitués tels que Tau Hoturau, Heiura-Les verts avec Jacky Bryant, Te Hiti Tau Api avec Quito Braun-Ortega, et des personnalités de la société civile. Tous les représentants de Tau Hoturau sont membres du mouvement En Marche. Nous avons des représentants d’autres partis également. Je pense que tous aspirent à une alternance durable et à un profond changement, comme le prône notre programme. Nous voulons bâtir une Polynésie plus prospère, plus juste et plus solidaire.
Aujourd’hui, que retenez-vous de votre engagement au Tavini Huirtaatira ?
En 2004, je m’étais engagé politiquement contre le système clientéliste du Tahoera’a. Je constate que ces pratiques se poursuivent encore aujourd’hui. (…) J’ai soutenu le Taui et je pense qu’aujourd’hui encore il y a une réelle volonté de changement.
Je ne regrette pas mon passage au Tavini. J’ai œuvré pour le bien du groupe UPLD (Union pour la démocratie, ndlr). Si j’ai longtemps soutenu le Tavini, c’est parce que nous étions en phase sur la question des essais et des conséquences du nucléaire. Je suis issu de l’Enseignement protestant. Et on sait que l’Eglise protestante est très engagée sur cette thématique également.
Aujourd’hui, je conduis la plateforme E Reo Manahune et je suis entouré de personnes convaincues que notre mouvement incarne la voie du changement.
Avez-vous rencontré des difficultés dans la constitution de votre plateforme pour les Territoriales ?
Ça fait des mois que je me prépare à cette élection. Nous avions une liste de 73 personnalités issues de Tau Hoturau. Il est vrai que j’ai ensuite été amené à rencontrer beaucoup de partis, dont certains grands que je ne citerai pas. Si je m’engage aujourd’hui dans ces élections territoriales, si j'ai créé mon parti puis rassemblé cette plateforme, c’est parce que je suis convaincu qu’il faut du changement à la tête du Pays. Que ce soit le Tahoera’a ou le Tapura, c’est la même chose. J’ai quitté le Tavini. Ce n’est pas pour les rejoindre aujourd’hui. Et d’ailleurs on voit bien que ce parti se renferme sur lui-même.
Votre affiche de campagne met en avant le slogan « Meilleurs ensemble ». L’union c’est primordial ?
"Meilleurs ensemble", c’est parce qu’aujourd’hui on se doit d’être unis et performants pour le bien de notre pays. La Polynésie a des atouts : cette richesse maritime, cette richesse de notre population. Nous avons aussi la chance d’avoir le soutien de l’Etat.
Ensuite, nous sommes dans un mode de scrutin qui demande aux partis d’être forts, pour se qualifier au second tour. Tau Hoturau avait certainement des chances d’y arriver seul ; mais nous avons voulu mettre toutes les chances de notre côté pour y parvenir. La plateforme E Reo Manahune arrivera au second tour. On constate bien qu’il y a une attente, sur le terrain. Je me suis déplacé aux Marquises, à Rangiroa, section Tuamotu-ouest, aux îles Sous-le-vent. Je dois encore me déplacer aux Tuamotu-est et aux Australes. Mais, sur le terrain, on voit bien que les gens comprennent que l’option du changement, c’est E Reo Manahune et les personnalités de la société civile qui constituent notre groupe. Je suis donc assez confiant.
Quel résultat pensez-vous faire le 22 avril ?
On devrait avoir entre 15 000 et 25 000 voix au premier tour. Je pense qu’il y aura autour de 130 000 votants. A partir de là, je suis presque sûr que l’on va y arriver. J’attendais d'avoir des retours de terrain. Je reviens des Marquises et des Tuamotu-ouest. Comparé aux campagnes que j’ai menées il y a deux ans, nous avons pratiquement quadruplé nos effectifs. Je suis particulièrement satisfait.
Quelles sont les grandes lignes de votre programme en matière d’environnement ?
La priorité est l’éducation, la sensibilisation et l’information des jeunes et des parents afin que l’on participe ensemble à la protection de l’environnement. Ensuite, il est vrai que le Pays doit mener une politique volontariste, concernant les déchets et autres. A ce titre, il faut revoir la fiscalité et notamment en faveur des Tuamotu. La perle rapporte autour de 20 milliards par an à la collectivité et aucune fiscalité particulière n’a jamais été mise en place pour aider les communes des lieux de production à mener une politique de gestion et de protection de l’environnement.
Le nucléaire est une question clé également, en matière d’environnement. On se doit de sensibiliser l’Etat au sujet des déchets nucléaires. Si demain nous sommes élus, dans les accords que l’on mettra en place, la pierre angulaire sera la reconnaissance des méfaits des essais nucléaire. Vous savez, si avec mon équipe nous avons décidé de soutenir Emmanuel Macron à la présidentielle, c’est parce que c’est l’un des seuls candidats qui s’étaient exprimés sur la colonisation et le fait nucléaire. L’Etat a une dette envers la Polynésie et doit prendre en charge les problèmes de santé liés aux maladies radio-induites et aux conséquences du nucléaire.
Quelles sont selon vous les priorités en matière de santé publique et de solidarité ?
Je suis pour une Polynésie plus juste. Il est important de revoir certains leviers du système de la Protection sociale généralisée. Prenons l’exemple de certains retraités. Il faut savoir que plus de 5 000 d'entre eux touchent aujourd’hui moins de 80 000 francs de pension mensuelle, c’est-à-dire moins que le Minimum vieillesse. Pourtant, ils ont travaillé et cotisé. Je ne trouve pas cela normal. On trouve également des incohérences dans le système de solidarité envers les handicapés. Trouvez-vous normal que lorsque deux ressortissants de la Cotorep (Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, ndlr) se marient, on coupe une pension ? Il y a beaucoup à faire pour plus de justice et une réelle solidarité.
Ensuite, nous devons faire en sorte que tous les Polynésiens soient égaux devant la prise en charge de santé. Dans certains archipels, il peut se passer plusieurs mois sans que la population n’ait de médecin. Il faut mettre en place partout des dispensaires et s’assurer qu’il y ait des médecins. Cela permettra de réguler les dépenses de santé et de faire des économies sur les dépenses d’évasan.
L’urgence, pour le Pays est de mettre en place une réelle politique pour lutter contre le problème de l’obésité. On sait que la moitié des dépenses de santé sont liées aux maladies non transmissibles. On doit agir par une réelle politique sportive, sur l’amélioration de l’hygiène de vie de nos concitoyens. Je pense que le gouvernement actuel n’est pas à l’écoute des spécialistes. (…)
Pour réformer le système de la Protection sociale généralisée, comment souhaitez-vous agir ?
Dès notre prise de fonction, nous réunirons les spécialistes et les professionnels de la santé, la société civile. Mais vous savez, je pense que si l’on mettait en place un réseau de dispensaires, on pourrait faire d’énormes économies en matière de santé. Plusieurs milliards.
Ensuite, il faut réorienter les aides pour privilégier les actions en faveur de la santé. Nous avons travaillé avec des techniciens. Nous attendons d’être au pouvoir pour régler ce problème avant la fin de l’année. Le gouvernement n’a apporté aucune solution. On n’a toujours aucune visibilité. Nous, on mettra en place une PSG avec plus de justice et de solidarité. Il faudra faire de gros efforts au niveau des médicaments, de la prise en charge, des évasans, pour réduire les dépenses là où c’est possible et mieux soutenir les archipels qui souffrent réellement aujourd’hui.
La caisse des retraites est annoncée en cessation de paiement pour 2020, faute de réforme. Comment gérer cette urgence ?
On ne touchera pas au système des retraites. La solution, c’est de créer 5 000 emplois. C’est de relancer l’activité. En investissant dans les secteurs d’avenir, en particulier dans les archipels – l’agriculture bio à forte valeur ajoutée, l’élevage, les métiers de la mer, le tourisme écologique, culturel et sportif –, chaque année on peut créer des centaines d’emplois durable. Aujourd’hui, nous avons des milliers de CAE (Contrats d’accès à l’emploi, ndlr), CVD (Corps de volontaires au développement, ndlr) et autres dispositifs d’aide à l’emploi qui ne se concrétisent en CDI que dans 1 % des cas. Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas investis au profit de ces secteurs d’avenir. Si demain on oriente ces aides vers les secteurs de l’agriculture, de la pêche, de l’aquaculture, je peux vous dire qu’à la fin de l’année on comptera 3 000 CDI (Contrats à durée indéterminée, ndlr). Cela doit devenir une priorité du Pays.
De même, les petites et moyennes entreprises souffrent des charges. Des dispositifs d’incitation à l’embauche en contrepartie d’un allègement de charges pendant trois ans peuvent également favoriser la création d’emplois. Aujourd’hui, ce sont toujours les mêmes entreprises qui bénéficient de ces aides. C’est un système clientéliste entretenu par le Pays et qui nous coûte plus de 600 millions. Il y a autour de 20 000 entreprises en Polynésie. On peut créer entre 2 000 à 3 000 emplois. (…)
Le problème des retraites trouvera sa solution dans la relance de l’activité. (…)
Quelle politique sociale proposez-vous pour venir en aide aux familles polynésiennes ?
Pour venir en aide aux familles, il faut régler le problème des cantines scolaires. Le repas est entre 100 et 200 francs à Uturoa ou Tautira. Il est gratuit pour les familles qui relèvent du RST (Régime de solidarité de Polynésie française, ndlr), puisqu’il y a une aide de 300 francs. Mais quand on est dans une école publique de Papeete, les factures sont entre 450 francs et 700 francs. Ceux qui sont au RST doivent payer le surplus et n’ont pas les moyens. Ceux qui ont un emploi payent encore plus cher. Il y a des leviers pour venir en aide aux familles. (…)
Au niveau des transports, il faut revoir la desserte terrestre, maritime et aérienne en mettant en place une continuité territoriale.
Aider les familles, c’est aussi privilégier le logement. Je me déplace actuellement dans les quartiers de Papeete, de Faa’a et d’ailleurs. Il y a des gens qui vivent dans des maisons vraiment pourries et dangereuses pour les enfants. Des dispositifs d’aide existent. Le Pays doit soutenir en priorité ceux qui sont réellement dans le besoin. Il ne faut pas tenir compte de l’appartenance politique des Polynésiens qui sont dans la nécessité.
Plus généralement, que proposez-vous pour la jeunesse ?
Les jeunes ont besoin de s’épanouir. Cela doit passer par une réelle politique éducative et sportive. Il faut soutenir les associations culturelles qui préparent le Heiva. Les jeunes, il faut les occuper. Il faut former des cadres associatifs. L’objectif est aussi de promouvoir les principes de solidarité, d’entraide et de dépassement de soi. Il faut former des adultes équilibrés.
Les jeunes ont également besoin d’être accompagnés pour préparer leur entrée dans la vie active. Ce n’est pas normal que 50 % des étudiants ne terminent pas l’année, à l’université. L’année dernière il y a eu 23 % de réussite aux examens. Je pense qu’il y a un souci. Est-ce une question de logement, d’accès aux bourses, de transport ? Il faut que ce soit une préoccupation du Pays. (…)
Pourtant, les besoins existent. Il nous faut des médecins (…), au niveau de l’enseignement du second degré, nous avons 2 200 postes en Polynésie. Seulement 600 sont occupés par des Polynésiens. On a besoin de techniciens en aquaculture. On n’est pas capable de développer notre agriculture. Il faut former nos jeunes et surtout leur donner de la visibilité.
En cas disqualification au second tour, que feriez-vous ?
J’ai été approché par de grands partis. S’il s’agissait pour moi de siéger à l’assemblée, je les aurais déjà rejoints. Si nous ne soutenons pas le Tapura, c’est parce que les pratiques clientélistes de ce parti sont exactement les mêmes que celles du Tahoera’a Huiraatira. Nous n’avons rien de plus à faire avec le Tavini. On a quitté l’UPLD. Aujourd’hui, le parti se présente sous l’égide du Tavini. Ce sont des personnes qui veulent se renfermer. Nous sommes pour l’ouverture. Nous avons un programme de développement. Nous sommes convaincus que nous y arriverons. Ce que je vois actuellement sur le terrain me rassure. Je reste confiant pour le deuxième tour.
La formation politique que vous présentez aux Territoriales sera-t-elle en lice aux municipales de 2020, à Papeete ?
On va se présenter. A Papeete, il y a des urgences. Papeete est la commune la plus riche de Polynésie. Comment peut-on accepter que ce soit la commune où l’eau est la plus chère, celle où les administrés payent la cantine scolaire la plus chère ? Comment peut-ont concevoir aussi que le maire ne fasse rien pour réduire les dépenses de fonctionnement ? Elles sont de plus de 50 % sur 7 milliards de budget annuel. En faisant des économies, Papeete sera capable de mieux soutenir ses administrés qui en ont le plus besoin. C’est la même logique que nous avons pour la gestion du Pays. Celle d’une politique plus juste.
Où situez-vous la liste d’union E Reo Manahune, dans l’offre politique pour les Territoriales ?
C’est une plateforme politique qui regroupe des partis constitués tels que Tau Hoturau, Heiura-Les verts avec Jacky Bryant, Te Hiti Tau Api avec Quito Braun-Ortega, et des personnalités de la société civile. Tous les représentants de Tau Hoturau sont membres du mouvement En Marche. Nous avons des représentants d’autres partis également. Je pense que tous aspirent à une alternance durable et à un profond changement, comme le prône notre programme. Nous voulons bâtir une Polynésie plus prospère, plus juste et plus solidaire.
Aujourd’hui, que retenez-vous de votre engagement au Tavini Huirtaatira ?
En 2004, je m’étais engagé politiquement contre le système clientéliste du Tahoera’a. Je constate que ces pratiques se poursuivent encore aujourd’hui. (…) J’ai soutenu le Taui et je pense qu’aujourd’hui encore il y a une réelle volonté de changement.
Je ne regrette pas mon passage au Tavini. J’ai œuvré pour le bien du groupe UPLD (Union pour la démocratie, ndlr). Si j’ai longtemps soutenu le Tavini, c’est parce que nous étions en phase sur la question des essais et des conséquences du nucléaire. Je suis issu de l’Enseignement protestant. Et on sait que l’Eglise protestante est très engagée sur cette thématique également.
Aujourd’hui, je conduis la plateforme E Reo Manahune et je suis entouré de personnes convaincues que notre mouvement incarne la voie du changement.
Avez-vous rencontré des difficultés dans la constitution de votre plateforme pour les Territoriales ?
Ça fait des mois que je me prépare à cette élection. Nous avions une liste de 73 personnalités issues de Tau Hoturau. Il est vrai que j’ai ensuite été amené à rencontrer beaucoup de partis, dont certains grands que je ne citerai pas. Si je m’engage aujourd’hui dans ces élections territoriales, si j'ai créé mon parti puis rassemblé cette plateforme, c’est parce que je suis convaincu qu’il faut du changement à la tête du Pays. Que ce soit le Tahoera’a ou le Tapura, c’est la même chose. J’ai quitté le Tavini. Ce n’est pas pour les rejoindre aujourd’hui. Et d’ailleurs on voit bien que ce parti se renferme sur lui-même.
Votre affiche de campagne met en avant le slogan « Meilleurs ensemble ». L’union c’est primordial ?
"Meilleurs ensemble", c’est parce qu’aujourd’hui on se doit d’être unis et performants pour le bien de notre pays. La Polynésie a des atouts : cette richesse maritime, cette richesse de notre population. Nous avons aussi la chance d’avoir le soutien de l’Etat.
Ensuite, nous sommes dans un mode de scrutin qui demande aux partis d’être forts, pour se qualifier au second tour. Tau Hoturau avait certainement des chances d’y arriver seul ; mais nous avons voulu mettre toutes les chances de notre côté pour y parvenir. La plateforme E Reo Manahune arrivera au second tour. On constate bien qu’il y a une attente, sur le terrain. Je me suis déplacé aux Marquises, à Rangiroa, section Tuamotu-ouest, aux îles Sous-le-vent. Je dois encore me déplacer aux Tuamotu-est et aux Australes. Mais, sur le terrain, on voit bien que les gens comprennent que l’option du changement, c’est E Reo Manahune et les personnalités de la société civile qui constituent notre groupe. Je suis donc assez confiant.
Quel résultat pensez-vous faire le 22 avril ?
On devrait avoir entre 15 000 et 25 000 voix au premier tour. Je pense qu’il y aura autour de 130 000 votants. A partir de là, je suis presque sûr que l’on va y arriver. J’attendais d'avoir des retours de terrain. Je reviens des Marquises et des Tuamotu-ouest. Comparé aux campagnes que j’ai menées il y a deux ans, nous avons pratiquement quadruplé nos effectifs. Je suis particulièrement satisfait.
Quelles sont les grandes lignes de votre programme en matière d’environnement ?
La priorité est l’éducation, la sensibilisation et l’information des jeunes et des parents afin que l’on participe ensemble à la protection de l’environnement. Ensuite, il est vrai que le Pays doit mener une politique volontariste, concernant les déchets et autres. A ce titre, il faut revoir la fiscalité et notamment en faveur des Tuamotu. La perle rapporte autour de 20 milliards par an à la collectivité et aucune fiscalité particulière n’a jamais été mise en place pour aider les communes des lieux de production à mener une politique de gestion et de protection de l’environnement.
Le nucléaire est une question clé également, en matière d’environnement. On se doit de sensibiliser l’Etat au sujet des déchets nucléaires. Si demain nous sommes élus, dans les accords que l’on mettra en place, la pierre angulaire sera la reconnaissance des méfaits des essais nucléaire. Vous savez, si avec mon équipe nous avons décidé de soutenir Emmanuel Macron à la présidentielle, c’est parce que c’est l’un des seuls candidats qui s’étaient exprimés sur la colonisation et le fait nucléaire. L’Etat a une dette envers la Polynésie et doit prendre en charge les problèmes de santé liés aux maladies radio-induites et aux conséquences du nucléaire.
Quelles sont selon vous les priorités en matière de santé publique et de solidarité ?
Je suis pour une Polynésie plus juste. Il est important de revoir certains leviers du système de la Protection sociale généralisée. Prenons l’exemple de certains retraités. Il faut savoir que plus de 5 000 d'entre eux touchent aujourd’hui moins de 80 000 francs de pension mensuelle, c’est-à-dire moins que le Minimum vieillesse. Pourtant, ils ont travaillé et cotisé. Je ne trouve pas cela normal. On trouve également des incohérences dans le système de solidarité envers les handicapés. Trouvez-vous normal que lorsque deux ressortissants de la Cotorep (Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel, ndlr) se marient, on coupe une pension ? Il y a beaucoup à faire pour plus de justice et une réelle solidarité.
Ensuite, nous devons faire en sorte que tous les Polynésiens soient égaux devant la prise en charge de santé. Dans certains archipels, il peut se passer plusieurs mois sans que la population n’ait de médecin. Il faut mettre en place partout des dispensaires et s’assurer qu’il y ait des médecins. Cela permettra de réguler les dépenses de santé et de faire des économies sur les dépenses d’évasan.
L’urgence, pour le Pays est de mettre en place une réelle politique pour lutter contre le problème de l’obésité. On sait que la moitié des dépenses de santé sont liées aux maladies non transmissibles. On doit agir par une réelle politique sportive, sur l’amélioration de l’hygiène de vie de nos concitoyens. Je pense que le gouvernement actuel n’est pas à l’écoute des spécialistes. (…)
Pour réformer le système de la Protection sociale généralisée, comment souhaitez-vous agir ?
Dès notre prise de fonction, nous réunirons les spécialistes et les professionnels de la santé, la société civile. Mais vous savez, je pense que si l’on mettait en place un réseau de dispensaires, on pourrait faire d’énormes économies en matière de santé. Plusieurs milliards.
Ensuite, il faut réorienter les aides pour privilégier les actions en faveur de la santé. Nous avons travaillé avec des techniciens. Nous attendons d’être au pouvoir pour régler ce problème avant la fin de l’année. Le gouvernement n’a apporté aucune solution. On n’a toujours aucune visibilité. Nous, on mettra en place une PSG avec plus de justice et de solidarité. Il faudra faire de gros efforts au niveau des médicaments, de la prise en charge, des évasans, pour réduire les dépenses là où c’est possible et mieux soutenir les archipels qui souffrent réellement aujourd’hui.
La caisse des retraites est annoncée en cessation de paiement pour 2020, faute de réforme. Comment gérer cette urgence ?
On ne touchera pas au système des retraites. La solution, c’est de créer 5 000 emplois. C’est de relancer l’activité. En investissant dans les secteurs d’avenir, en particulier dans les archipels – l’agriculture bio à forte valeur ajoutée, l’élevage, les métiers de la mer, le tourisme écologique, culturel et sportif –, chaque année on peut créer des centaines d’emplois durable. Aujourd’hui, nous avons des milliers de CAE (Contrats d’accès à l’emploi, ndlr), CVD (Corps de volontaires au développement, ndlr) et autres dispositifs d’aide à l’emploi qui ne se concrétisent en CDI que dans 1 % des cas. Pourquoi ? Parce qu’ils ne sont pas investis au profit de ces secteurs d’avenir. Si demain on oriente ces aides vers les secteurs de l’agriculture, de la pêche, de l’aquaculture, je peux vous dire qu’à la fin de l’année on comptera 3 000 CDI (Contrats à durée indéterminée, ndlr). Cela doit devenir une priorité du Pays.
De même, les petites et moyennes entreprises souffrent des charges. Des dispositifs d’incitation à l’embauche en contrepartie d’un allègement de charges pendant trois ans peuvent également favoriser la création d’emplois. Aujourd’hui, ce sont toujours les mêmes entreprises qui bénéficient de ces aides. C’est un système clientéliste entretenu par le Pays et qui nous coûte plus de 600 millions. Il y a autour de 20 000 entreprises en Polynésie. On peut créer entre 2 000 à 3 000 emplois. (…)
Le problème des retraites trouvera sa solution dans la relance de l’activité. (…)
Quelle politique sociale proposez-vous pour venir en aide aux familles polynésiennes ?
Pour venir en aide aux familles, il faut régler le problème des cantines scolaires. Le repas est entre 100 et 200 francs à Uturoa ou Tautira. Il est gratuit pour les familles qui relèvent du RST (Régime de solidarité de Polynésie française, ndlr), puisqu’il y a une aide de 300 francs. Mais quand on est dans une école publique de Papeete, les factures sont entre 450 francs et 700 francs. Ceux qui sont au RST doivent payer le surplus et n’ont pas les moyens. Ceux qui ont un emploi payent encore plus cher. Il y a des leviers pour venir en aide aux familles. (…)
Au niveau des transports, il faut revoir la desserte terrestre, maritime et aérienne en mettant en place une continuité territoriale.
Aider les familles, c’est aussi privilégier le logement. Je me déplace actuellement dans les quartiers de Papeete, de Faa’a et d’ailleurs. Il y a des gens qui vivent dans des maisons vraiment pourries et dangereuses pour les enfants. Des dispositifs d’aide existent. Le Pays doit soutenir en priorité ceux qui sont réellement dans le besoin. Il ne faut pas tenir compte de l’appartenance politique des Polynésiens qui sont dans la nécessité.
Plus généralement, que proposez-vous pour la jeunesse ?
Les jeunes ont besoin de s’épanouir. Cela doit passer par une réelle politique éducative et sportive. Il faut soutenir les associations culturelles qui préparent le Heiva. Les jeunes, il faut les occuper. Il faut former des cadres associatifs. L’objectif est aussi de promouvoir les principes de solidarité, d’entraide et de dépassement de soi. Il faut former des adultes équilibrés.
Les jeunes ont également besoin d’être accompagnés pour préparer leur entrée dans la vie active. Ce n’est pas normal que 50 % des étudiants ne terminent pas l’année, à l’université. L’année dernière il y a eu 23 % de réussite aux examens. Je pense qu’il y a un souci. Est-ce une question de logement, d’accès aux bourses, de transport ? Il faut que ce soit une préoccupation du Pays. (…)
Pourtant, les besoins existent. Il nous faut des médecins (…), au niveau de l’enseignement du second degré, nous avons 2 200 postes en Polynésie. Seulement 600 sont occupés par des Polynésiens. On a besoin de techniciens en aquaculture. On n’est pas capable de développer notre agriculture. Il faut former nos jeunes et surtout leur donner de la visibilité.
En cas disqualification au second tour, que feriez-vous ?
J’ai été approché par de grands partis. S’il s’agissait pour moi de siéger à l’assemblée, je les aurais déjà rejoints. Si nous ne soutenons pas le Tapura, c’est parce que les pratiques clientélistes de ce parti sont exactement les mêmes que celles du Tahoera’a Huiraatira. Nous n’avons rien de plus à faire avec le Tavini. On a quitté l’UPLD. Aujourd’hui, le parti se présente sous l’égide du Tavini. Ce sont des personnes qui veulent se renfermer. Nous sommes pour l’ouverture. Nous avons un programme de développement. Nous sommes convaincus que nous y arriverons. Ce que je vois actuellement sur le terrain me rassure. Je reste confiant pour le deuxième tour.
La formation politique que vous présentez aux Territoriales sera-t-elle en lice aux municipales de 2020, à Papeete ?
On va se présenter. A Papeete, il y a des urgences. Papeete est la commune la plus riche de Polynésie. Comment peut-on accepter que ce soit la commune où l’eau est la plus chère, celle où les administrés payent la cantine scolaire la plus chère ? Comment peut-ont concevoir aussi que le maire ne fasse rien pour réduire les dépenses de fonctionnement ? Elles sont de plus de 50 % sur 7 milliards de budget annuel. En faisant des économies, Papeete sera capable de mieux soutenir ses administrés qui en ont le plus besoin. C’est la même logique que nous avons pour la gestion du Pays. Celle d’une politique plus juste.