ALAIN JOCARD / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 04/12/2024 - Il est 20h26 quand la sentence tombe, fatale. "Pour la motion, 331". Michel Barnier se lève et quitte fugitivement l'hémicycle. En un instant, il vient de devenir le deuxième Premier ministre censuré sous la Ve République, après seulement trois mois en poste.
Le Palais Bourbon vient de vivre une journée comme il en connaît peu, suspendue à une motion de censure inéluctable, qui plonge le pays dans une incertitude plus profonde.
Jusqu'au bout, Michel Barnier aura tenté de convaincre, décortiquant les reproches de chacun de ses pourfendeurs avec argumentation et patience. "Déstabilisation institutionnelle", "moment de vérité"... Mais face à une Assemblée aussi fracturée, face à une gauche et un Rassemblement national déterminés à le faire tomber, aucun mot ne pouvait suffire.
Car la messe était dite depuis longtemps. La longue ovation du bloc central à l'adresse du Savoyard en fut l'ultime signal: la scène a surtout ressemblé à une cérémonie d'adieux. Le Premier ministre, "touché", n'a pu d'ailleurs réprimer un mouvement de main en direction de son coeur, comme pour dire "merci".
Sonnés, tête basse, les ministres sortent enfin de leur torpeur et se lèvent pour applaudir à leur tour leur chef de file. Mais l'échec est amer: tous, ou presque, savent qu'ils s'apprêtent à faire leurs cartons, après une parenthèse de trois petits mois seulement.
Les yeux rivés sur son smartphone, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin voit peut-être défiler les centaines d'heures passées à l'Assemblée et au Sénat à défendre les textes budgétaires, finalement sanctionnés dès le premier 49.3 de l'automne.
Entre solennité et accès de colère, l'après-midi dans l'hémicycle aura résumé toute l'impasse politique du moment. Avec à la manoeuvre, une Marine Le Pen concentrée et grave, qui a longuement annoté son discours avant de porter l'estocade, soutenue par 140 parlementaires convaincus.
Jean-Luc Mélenchon ne pouvait pas rater ça, lui non plus: discrètement, il se faufile en tribune, parmi les spectateurs, pour observer la prise de parole de sa rivale. Un peu plus tôt, le leader insoumis emmenait son air satisfait dans les jardins de l'Assemblée. Et osait une plaisanterie: "Il y a quelque chose aujourd'hui ?"
- "Frémissement" -
Au regard du branle-bas de combat qui se tient au Palais Bourbon, cela ne fait aucun doute, il se passait bien quelque chose.
Des dizaines d'équipes TV sont en place depuis le matin, des journalistes internationaux venus couvrir cet événement unique depuis plus de 60 ans s'activent et se bousculent. Miki Hashimoto, reporter japonaise, n'est "venue que deux fois en 30 ans". Mais "la situation est exceptionnelle: c'est le frémissement de ce qu'il se passe dans le monde entier", dit-elle.
Les huissiers et agents du Palais suent à grosses gouttes. Il a même fallu retirer des meubles pour faire de la place. Dans le personnel, "personne n'a vécu la censure avant", reconnaît l'une d'entre eux. "On bat tous les records", dit un administrateur.
Les parlementaires, eux, errent au milieu de cette effusion. L'air triomphant de Laure Lavalette (RN), qui multiplie les interviews, répond à la mine grave de Gabriel Attal (Renaissance), qui file à toute vitesse vers l'hémicycle.
- "Semeurs de chaos" -
"On vit une petite fraction d'histoire", glisse le RN Thomas Ménagé. L'Insoumis Eric Coquerel va plus loin: "Nous faisons l'histoire". En séance, les invectives fusent. LFI ? "Che-guevaristes de carnaval", lance Marine Le Pen. Les lepénistes ? Des "semeurs de chaos", tonne Laurent Wauquiez (Les Républicains).
Mais dans les couloirs, tout le monde est déjà projeté sur la suite. La sentence ? Elle semblait irrévocable depuis plusieurs jours. Alors l'avenir est à écrire.
"Il nous faut ouvrir le jeu", dit le député écologiste Pouria Amirshahi, dans une encadrure de porte, entouré par cinq journalistes qui gribouillent sur leur cahier. Un peu plus loin, le porte-parole du groupe socialiste, Arthur Delaporte, plaide pour "l'alternance", que les "macronistes sortent du déni".
Gérald Darmanin est collé à son téléphone, François Hollande patiente lui sagement sur les bancs rouge vif de la chambre basse.
Dans le camp gouvernemental, c'est aussi l'heure des embrassades et des remerciements. En public dans l'hémicycle, mais aussi en privé: pendant les opérations de vote, les ministres se sont éclipsés pour un temps. A Matignon, un pot de départ les attendait.
Le Palais Bourbon vient de vivre une journée comme il en connaît peu, suspendue à une motion de censure inéluctable, qui plonge le pays dans une incertitude plus profonde.
Jusqu'au bout, Michel Barnier aura tenté de convaincre, décortiquant les reproches de chacun de ses pourfendeurs avec argumentation et patience. "Déstabilisation institutionnelle", "moment de vérité"... Mais face à une Assemblée aussi fracturée, face à une gauche et un Rassemblement national déterminés à le faire tomber, aucun mot ne pouvait suffire.
Car la messe était dite depuis longtemps. La longue ovation du bloc central à l'adresse du Savoyard en fut l'ultime signal: la scène a surtout ressemblé à une cérémonie d'adieux. Le Premier ministre, "touché", n'a pu d'ailleurs réprimer un mouvement de main en direction de son coeur, comme pour dire "merci".
Sonnés, tête basse, les ministres sortent enfin de leur torpeur et se lèvent pour applaudir à leur tour leur chef de file. Mais l'échec est amer: tous, ou presque, savent qu'ils s'apprêtent à faire leurs cartons, après une parenthèse de trois petits mois seulement.
Les yeux rivés sur son smartphone, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin voit peut-être défiler les centaines d'heures passées à l'Assemblée et au Sénat à défendre les textes budgétaires, finalement sanctionnés dès le premier 49.3 de l'automne.
Entre solennité et accès de colère, l'après-midi dans l'hémicycle aura résumé toute l'impasse politique du moment. Avec à la manoeuvre, une Marine Le Pen concentrée et grave, qui a longuement annoté son discours avant de porter l'estocade, soutenue par 140 parlementaires convaincus.
Jean-Luc Mélenchon ne pouvait pas rater ça, lui non plus: discrètement, il se faufile en tribune, parmi les spectateurs, pour observer la prise de parole de sa rivale. Un peu plus tôt, le leader insoumis emmenait son air satisfait dans les jardins de l'Assemblée. Et osait une plaisanterie: "Il y a quelque chose aujourd'hui ?"
- "Frémissement" -
Au regard du branle-bas de combat qui se tient au Palais Bourbon, cela ne fait aucun doute, il se passait bien quelque chose.
Des dizaines d'équipes TV sont en place depuis le matin, des journalistes internationaux venus couvrir cet événement unique depuis plus de 60 ans s'activent et se bousculent. Miki Hashimoto, reporter japonaise, n'est "venue que deux fois en 30 ans". Mais "la situation est exceptionnelle: c'est le frémissement de ce qu'il se passe dans le monde entier", dit-elle.
Les huissiers et agents du Palais suent à grosses gouttes. Il a même fallu retirer des meubles pour faire de la place. Dans le personnel, "personne n'a vécu la censure avant", reconnaît l'une d'entre eux. "On bat tous les records", dit un administrateur.
Les parlementaires, eux, errent au milieu de cette effusion. L'air triomphant de Laure Lavalette (RN), qui multiplie les interviews, répond à la mine grave de Gabriel Attal (Renaissance), qui file à toute vitesse vers l'hémicycle.
- "Semeurs de chaos" -
"On vit une petite fraction d'histoire", glisse le RN Thomas Ménagé. L'Insoumis Eric Coquerel va plus loin: "Nous faisons l'histoire". En séance, les invectives fusent. LFI ? "Che-guevaristes de carnaval", lance Marine Le Pen. Les lepénistes ? Des "semeurs de chaos", tonne Laurent Wauquiez (Les Républicains).
Mais dans les couloirs, tout le monde est déjà projeté sur la suite. La sentence ? Elle semblait irrévocable depuis plusieurs jours. Alors l'avenir est à écrire.
"Il nous faut ouvrir le jeu", dit le député écologiste Pouria Amirshahi, dans une encadrure de porte, entouré par cinq journalistes qui gribouillent sur leur cahier. Un peu plus loin, le porte-parole du groupe socialiste, Arthur Delaporte, plaide pour "l'alternance", que les "macronistes sortent du déni".
Gérald Darmanin est collé à son téléphone, François Hollande patiente lui sagement sur les bancs rouge vif de la chambre basse.
Dans le camp gouvernemental, c'est aussi l'heure des embrassades et des remerciements. En public dans l'hémicycle, mais aussi en privé: pendant les opérations de vote, les ministres se sont éclipsés pour un temps. A Matignon, un pot de départ les attendait.