Aviation: les biocarburants prennent leur envol


MONTREAL, 29 octobre 2011 (AFP) - Le transport aérien entame un tournant: plusieurs compagnies font voler leurs avions avec un mélange de kérosène et de biocarburants venant d'algues, d'autres plantes ou de graisses animales, ont indiqué des experts réunis ces derniers jours à Montréal.

Au départ de cette accélération il y a une norme approuvée l'été dernier par l'organisation mondialement reconnue ASTM (American Society for Testing and Materials). Elle permet qu'un carburant utilisé par un avion de ligne soit composé à parts égales de kérosène et de carburant alternatif, d'origine synthétique ou biologique, a indiqué à l'AFP Jane Hupe, chef de la branche Environnement de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

Les premiers sont obtenus par la gazéification du charbon et les seconds à partir de matières végétales et animales. Ils ne nécessitent aucune modification technique des avions.

La scène du film "Retour vers le futur" montrant un savant mettre une peau de banane dans le réservoir de son véhicule volant, n'est pas loin de devenir réalité.

Depuis juillet dernier, la compagnie allemande Lufthansa assure un vol quotidien entre Hambourg et Francfort avec un avion dont un moteur consomme un tel mélange produit par le finlandais Neste à partir des plantes jatropha et camelina et de graisses animales.

La compagnie britannique Thomson Airways a suivi début octobre avec un premier vol entre Birmingham et les îles Canaries. Certains vols de la Finnair entre Helsinki et Amsterdam, de la KLM entre Amsterdam et Paris et d'Iberia entre Madrid et Barcelone utilisent également de tels carburants, a énuméré Mme Hupe.

Aeromexico a été la première compagnie à effectuer un vol transatlantique, entre Mexico et Madrid, avec du biocarburant tiré de la plante jatropha.

D'autres sont prêts à suivre, en cherchant leur chemin particulier adapté aux conditions locales.

Telle Etihad, la compagnie d'Abou Dhabi, associée à Boeing et Honeywell UOP (carburants) au sein du consortium SBRC conduit par l'Institut Masdar, un organisme de recherche des Emirats Arabes Unis.

"SBRC concentre ses efforts sur la viabilité de biocarburants durables dans un environnement désertique sec", a indiqué à l'AFP Linden Coppell, la patronne du service environnement d'Etihad.

Pour cela, le consortium crée des élevages de poissons et de crevettes qui produisent de la biomasse dont se nourrissent les plantes halophiles vivant dans le milieu salé, notamment les salicornes, qui peuvent servir à fabriquer du biocarburant.

Le groupe Virgin Australia, pour sa part, compte utiliser des déchets de l'industrie forestière et céréalière. Mais il tente aussi, a indiqué à l'AFP le chef de sa division du développement durable David White, de fabriquer "un carburant durable via la pyrolyse de l'eucalyptus mallee qui pousse dans les régions céréalières dans l'Ouest australien".

"Le prochain défi est la commercialisation des carburants alternatifs", autrement dit leur production de masse à un coût acceptable pour le marché, indique Jane Hupe. Mme Coppell et M. White sont d'accord, même si leurs programmes n'en sont pas encore là.

Car les biocarburants sont chers, beaucoup plus chers que le kérosène. Mais si leur utilisation se généralise, des économies d'échelle feront chuter leur coût.

Plusieurs consortiums y travaillent, associant producteurs, avionneurs, chercheurs, et autorités d'aviation civile: CAAFI aux Etats-Unis, SWAFEA et Alfa-Bird en Europe, Abraba au Brésil, et Aireg en Allemagne.

Ceux-ci cherchent à concilier trois impératifs: économie, environnement et impact social, a encore indiqué Mme Hupe.

Les Etats-Unis, grand consommateur d'énergie, croient aux biocarburants: ils veulent que leur aviation en consomme 3,7 milliards de litres en 2018.

Rédigé par Par Michel VIATTEAU le Samedi 29 Octobre 2011 à 06:24 | Lu 503 fois