Avez-vous droit au compte en banque "low cost" ?


Si vous vous retrouvez soudain en difficulté financière, n'hésitez pas à demander à votre banque de souscrire à son offre "low cost" pour clientèle financièrement fragile. Elles sont beaucoup moins chères que les offres ordinaires, pour un service presque complet. Et si vous perdez vos revenus, certains établissements offrent même des services bancaires de base complètement gratuits !
PAPEETE, le 29 mai 2019 - Saviez-vous qu'il était possible en Polynésie d'avoir un compte en banque avec accès aux services web, alertes par SMS, quatre virements en agence par mois et même des chèques de banques gratuits... Pour 360 francs par mois tout compris ? Toutes les banques du territoire proposent ces offres "low cost" défiant toute concurrence, réservées aux "clientèles financièrement fragiles". Les ressortissants du RSPF ont même droit aux "services bancaires de base", des comptes complètement gratuits.

La semaine dernière nous publiions un comparatif des tarifs pratiqués par les quatre banques de Polynésie. Si vous êtes un petit consommateur, le privilège d'être client dans l'un de ces établissements vous coûtera jusqu'à 10 250 francs par an. Avec une carte internationale et un accès à la gestion de compte sur internet, comptez le double.

Mais un grand nombre de Polynésiens a droit à une offre bien plus avantageuse. Si vous êtes identifié comme "clientèle financièrement fragile", donc avec de nombreux incidents de compte, en surendettement ou en interdit bancaire, la loi oblige les banques à vous offrir un service complet pour 360 francs par mois (voir encadré). La carte de paiement, l'accès à la gestion en ligne, les alertes SMS, les virements en agence, tout est compris dans le prix de ces OCF (Offres Clientèle Fragile). La seule chose qui vous manquera, ce sera le chéquier et la carte internationale.

Ces comptes sont attractifs. Un service équivalent avec les offres commerciales des banques coûte autour de 2000 francs par mois, soit cinq fois plus cher ! De plus, les clients qui en bénéficient peuvent garder ce compte jusqu'à ce qu'ils décident d'eux-mêmes de le supprimer pour choisir une autre offre, par exemple pour obtenir une carte de paiement internationale ou un chéquier, après une amélioration de leur situation financière...

LA LOI DEMANDE AUX BANQUES DE CONTACTER LES CLIENTS QUI Y ONT DROIT

Un responsable de l'IEOM, notre banque centrale, nous explique que "la législation impose aux banques d'identifier elles-mêmes les clientèles fragiles dans leurs fichiers, en fonction des critères légaux et de leur appréciation. Elles doivent aussi leur adresser des offres par courrier papier. C'est l'IEOM qui se charge de vérifier qu'elles le font effectivement. Mais peu de gens répondent..."

Nous avons contacté les quatre établissements bancaires polynésiens pour leur demander combien de leurs clients ont droit aux comptes OCF et combien y ont effectivement souscrit. La Banque de Tahiti et la Socredo nous ont répondus.

A la Banque de Tahiti, le service communication assure que "chaque mois, environ 800 clients sont ciblés comme clientèle en situation de fragilité, et à ce titre nous leur proposons notre OCF Tiare Solidarité. Un courrier est envoyé tous les mois aux personnes ciblées. À ce jour, nous avons 12 clients qui ont souscrits à cette offre." L'offre n'est donc pas un grand succès...

Même constat à la Socredo. Le directeur général de la banque, Matahi Brothers, nous explique que "nous envoyons tous les trimestres une lettre à nos 843 clients répondant aux critères, donc en surendettement, en interdit bancaire ou ayant eu au moins 10 incidents de compte en trois mois. Mais nous n'avons convaincu que 80 clients en tout."

Pour lui, "les gens qui sont dans cette situation ont pour objectif principal de s'en sortir rapidement, donc ils ne veulent pas renoncer à leur chéquier et à leur Visa. De plus, ils ont le sentiment que c'est un peu stigmatisant. Nous avons beaucoup plus de clients sur notre Offre Solidarité dans le cadre du Droit au compte. C'est un compte gratuit réservé aux personnes au RSPF avec carte privative, paiements par prélèvements et virements et des chèques de banque. Nous avons lancé cette Offre Solidarité en 2006 et nous avons déjà 1000 clients qui en profitent."

UN COMPTE GRATUIT POUR LES RESSORTISSANTS DU RSPF

Car comme la Socredo, toutes les banques proposent ces Services bancaires de base, comme imposé par la loi. Ils n'offrent pas de chéquier, de découvert ou d'alerte par SMS. Sinon ces services de base sont similaires aux OCF et incluent même l'accès à la gestion de compte par Internet... Une très bonne affaire en sommes.

Dans la loi, ces comptes de base gratuits sont réservés aux personnes ayant essuyé un refus d'ouverture de compte par une banque. Mais la Socredo les a ouverts à tous les ressortissants du RSPF il y a plus d'une décennie, et désormais entre 100 et 200 Polynésiens y souscrivent chaque mois, ce qui explique très probablement le désamour des Polynésiens pour les OCF. Le président de la Socredo est d'ailleurs très fier de ce succès : "Nous sommes sensibilisés au succès de l'accès aux services bancaires. La moitié de nos clients gagne moins de 100 000 francs par mois. Nous considérons nos offres Solidarité et nos offres OCF comme complémentaires, destinées à des publics différents mais en difficulté."

Toutes les banques et l'IEOM se réuniront la semaine prochaine lors de l'atelier Inclusion Financière pendant la Conférence Économique pour discuter de ce sujet. Peut-être pourront-ils se mettre d'accord sur une amélioration des offres OCF, par exemple en réduisant les conditions contraignantes imposées par les banques (les 10 incidents de compte en trois mois retenus par la Socredo par exemple, un seuil élevé), ou en améliorant les offres. En attendant, si vous vous retrouvez en difficulté et n'avez plus les moyens de payer 2000 francs de frais bancaires chaque mois, n'hésitez pas à profiter de ces offres !


5000 personnes financièrement fragiles en Polynésie

En nous basant sur les critères légaux, nous calculons que 5000 personnes en Polynésie sont en situation financièrement fragile. Il faut additionner toutes les personnes en situation de surendettement (304 Polynésiens en 2018), celles qui sont en interdit bancaire (2468 personnes en fin d'année dernière) et tous ceux qui ont eu des "irrégularités de compte" répétées pendant trois mois. Il s'agit principalement de personnes qui ont soudainement des difficultés à rembourser leurs crédits ou découverts (3,3% des créances des particuliers étaient considérées comme "douteuses" l'année dernière, soit environ 2500 foyers qui se retrouvent en difficulté pour rembourser leurs dettes), un groupe qui inclut aussi les 1 775 personnes qui ont eu un chèque rejeté et les 39 personnes qui se sont fait retirer leur carte bancaire au dernier trimestre 2018.

De plus, 34 000 foyers polynésiens relèvent du RSPF (ouvrant-droits en 2017) et peuvent ouvrir un compte de base gratuit à la Socredo.

Qui y a droit ?

Les offres pour clientèle fragile ont été créées par la loi du 26 avril 2013 et étendues aux Outre-Mer en août 2014. Les critères de fragilité financière décrit dans le Code Monétaire et Financier sont :
1- Plusieurs irrégularités de fonctionnement du compte ou d'incidents de paiement pendant trois mois consécutifs, cumulées au montant des ressources portées au crédit du compte et tous les autres éléments dont la banque aurait connaissance et qu'elle "estime de nature à occasionner des incidents de paiement, notamment les dépenses portées au débit du compte" (par exemple une perte d'emploi avec un crédit à rembourser) ;
2- Les personnes qui ont un chèque impayé ou une déclaration de retrait de carte bancaire inscrit pendant trois mois consécutifs au fichier de la Banque de France ;
3- Les personnes en situation de surendettement.

Dans le cadre du Droit au compte, toute personne dépourvue de compte de dépôt et qui s’est vue refuser l’ouverture d’un compte de dépôt par une banque a le droit de demander à l'IEOM de lui "désigner un établissement bancaire pour bénéficier d’un compte de dépôt et du service bancaire de base gratuit associé au droit au compte". Mais la Socredo offre ces services de base à tous les ressortissants du RSPF depuis 2006.

Ce que prévoit la loi

Les banques doivent proposer des offres spécifiques à leur clientèle financièrement fragile, à un tarif fixé à 360 francs par mois tout compris. Cette offre ne contient pas de chéquier mais inclut obligatoirement :

1- La tenue, la fermeture et, le cas échéant, l'ouverture du compte de dépôt ;
2- Une carte de paiement à autorisation systématique ;
3- Les dépôts et retraits d'espèces dans l'agence de l'établissement teneur du compte ;
4- Quatre virements mensuels, dont au moins un virement permanent, ainsi que des prélèvements automatiques en nombre illimité ;
5- Deux chèques de banque par mois ;
6- Un moyen de consultation du compte à distance ;
7- Un système d'alertes sur le niveau du solde du compte ;
8- La fourniture de relevés d'identités bancaires ;
9- Le plafonnement spécifique des commissions d'intervention à 500 francs par opération (au lieu de 1000 francs pour les clients normaux) et à 2500 francs par mois ;
10- Un changement d'adresse une fois par an.

Les Comptes de base fournissent les même services, mais sans inclure les alertes par SMS et sans limiter le nombre de virements en agence par mois. De plus, ils sont gratuits.

Les offres des banques

- L'OPT propose le pack "Nati".
- La Banque de Polynésie propose l'offre "Generis". Par rapport à l'offre légale, les clients ont droit à un virement occasionnel supplémentaire.
- La Banque de Tahiti propose le Forfait Tiare Solidarité. Il suit les obligations légales, avec une précision supplémentaire dans ses conditions d'utilisation : les virements et prélèvements prévus dans l'offre incluent la Polynésie, mais aussi la France métropolitaine, la Nouvelle-Calédonie et Wallis et Futuna.
- La Socredo propose son Offre Clientèle Fragile.

Toutes les banques proposent aussi les Services bancaires de base.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 29 Mai 2019 à 16:47 | Lu 13604 fois