"Avant, la famille était plus importante que tout le reste"


À 68 ans, Teura Maopi revient sur son enfance à Raiatea.
PAPENOO, le 7 mars 2019 - Dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, la rédaction de Tahiti Infos a décidé de mettre en avant une "matahiapo". Nous avons rencontré Teura Maopi, 68 ans, de Papenoo. Cette mère de famille revient sur sa vie à Raiatea, son île natale, où elle a tout appris auprès de sa mère. Témoignage.

C'est dans son fare OPH dans la vallée de la Maroto que Teura Maopi, 68 ans, nous reçoit. Cette polynésienne au grand cœur a accepté de nous ouvrir les portes de son cœur, pour partager avec nous son histoire.

En effet, dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, Tahiti Infos a voulu mettre en avant une polynésienne et plus particulièrement, une matahiapo, pour qu'elle nous raconte sa vie d'avant et ses impressions face à la vie d'aujourd'hui.

LE FA'A'APU : L'UNIVERS DE SON ENFANCE


Teura a grandi à Fetuna, sur l'île de Raiatea. Avec sa mère, Teura n'aura pas une vie de tout repos. "Mon père est décédé, alors que je n'avais que cinq mois. Ma mère nous a éduqué seule". C'est à l'âge de 8 ans que Teura fréquentera l'école, mais à 13 ans, "j'ai quitté l'école pour travailler avec maman. Nous allions dans notre champ de vanille, nous faisions aussi du coprah", se rappelle-t-elle.

Le trajet pour se rendre au champ de vanille n'était pas très praticable, puisqu'il se situait sur la montagne. "La plupart du temps, on y allait. Pour le mariage de nos vanilles, ma mère s'y rendait parfois seule. Je restais à la maison pour préparer le repas. Quand tout était prêt, je soufflais dans une conque marine pour qu'elle revienne. À cette époque, nous regardions le soleil. Lorsqu'il était au zénith, on savait que c'était l'heure de la pause et qu'il fallait rentrer", raconte Teura.

Pour la récolte de la vanille, Teura et sa maman prenaient des sacs, "et on descendait avec la moitié. Ce n'était pas évident parce que le champ était assez éloigné de la maison. On se reposait de temps en temps, mais aussitôt on y retournait. On ne pouvait pas laisser notre champ comme cela, il fallait en prendre soin."

Face à cette vie assez rude, Teura se donnait à fond. Le plus important pour elle, était d'aider sa mère. "Malgré le fait que nous n'avions plus notre père, nous étions heureux avec notre maman, elle portait les deux casquettes. Elle nous a tout appris."

UNE FAMILLE UNIE


"Avant, la famille était plus importante que tout le reste", assure-t-elle. "Nous étions heureux".

Avec ses frères et sœurs, ainsi que les jeunes de son île, les rencontres étaient toujours joviales. "Nous allions tous à l'école du dimanche". Une vie paisible bercée entre l'agriculture, première ressource de l'île en ce temps-là, la vie à la maison et la pêche. "Dans mon enfance, une pièce de 20 francs représentait beaucoup pour nous. On pouvait acheter plusieurs choses. L'argent n'avait pas autant d'importance qu'aujourd'hui. Nous étions tous solidaires et nous avons conservé cela avec mes frères et sœurs."

Le partage et la solidarité rythmaient la vie des familles de Raiatea. "Lorsque nous allions pêcher avec notre filet, on partageait nos poissons avec les membres de notre famille. Une coutume qui perdure encore aujourd'hui."

TAHITI : L'ILE QUI LUI FERA DÉCOUVRIR L'AMOUR

Mais à l'âge de 16 ans, Teura quittera son île natale pour Tahiti. "Ma sœur voulait que je la rejoigne pour y travailler, afin d'aider notre mère. J'ai pris le bateau et j'ai travaillé en tant que femme de ménage chez des particuliers."

L'adolescente comprendra vite que le train de vie est bien différent de celui de Raiatea. "Ce n'était pas évident pour moi, parce que je n'étais pas habituée. Des fois, j'allais à la pêche comme je le faisais à Raiatea. À Tahiti, c'était différent, il y avait tout, mais tout était payant aussi."

Un an plus tard, Teura rencontrera l'homme de sa vie, avec qui, elle aura sept enfants. "J'ai eu 6 garçons et une fille. Je leur ai transmis ce que ma mère m'a appris. Je leur ai appris à préparer leur foyer, ainsi que la couture, parce que c'était mon travail. Deux de mes enfants ont continué sur cette voie."

La couture aura un impact dans la vie de Teura et son mari. "Dès que je suis tombée enceinte de mon premier enfant, j'ai arrêté de travailler pour des personnes, j'ai décidé de me lancer dans la couture. Je faisais des tifaifai, des taies d'oreiller et quand j'en obtenais au moins 10, j'allais les vendre au marché. C'est comme cela que je nourrissais mes enfants. À cette époque-là, mon mari n'avait pas de travail stable."

Aujourd'hui, Teura Maopi peut être fière du parcours de ses enfants, puisque la plupart travaillent dans l'Education. En 2015, elle perdra son mari dans un tragique événement naturel. Cet épisode malheureux renforcera le caractère de cette femme qui dédie sa vie à sa famille.

Sur sa propriété à Papenoo, Teura s'occupe de son petit jardin fleuri. Elle aimerait cependant que le polynésien n'oublie pas ses racines.


Teura et un de ses enfants, Martial.

Rédigé par Corinne Tehetia le Jeudi 7 Mars 2019 à 21:55 | Lu 2892 fois