Aux assises de Paris, le silence de Peter Cherif, proche des assaillants de Charlie Hebdo


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Paris, France | AFP | mardi 17/09/2024 - Il gardera le silence... au moins "pour aujourd'hui". Le vétéran du jihad Peter Cherif, jugé devant les assises de Paris notamment pour son rôle auprès de l'un des assaillants du journal satirique Charlie Hebdo en 2015, a refusé mardi de s'exprimer à la barre.

C'était la grande inconnue de ce procès, qui a débuté lundi : parlera? parlera pas?

Dès le début de cette deuxième journée d'audience, Peter Cherif donne le ton, alors que la présidente de la cour d'assises spéciale lui demande de raconter son parcours de vie.

"Je ne souhaite pas m'exprimer, Madame la présidente", répond-il.

La veille, il avait simplement déclaré ne pas reconnaître les faits qui lui sont reprochés.

Le jihadiste de 42 ans est jugé par la cour d'assises spécialement composée, pour association de malfaiteurs terroriste criminelle entre 2011 et 2018, période de sa présence au Yémen au sein d'Al-Qaïda dans la Péninsule arabique (Aqpa), ainsi que pour la séquestration en bande organisée en 2011, pendant plus de cinq mois, de trois humanitaires français.

Mais c'est surtout sa potentielle implication dans la tuerie commise à Paris dans les locaux de Charlie Hebdo par les frères Chérif et Saïd Kouachi le 7 janvier 2015, qui est au coeur du procès. 

Les juges d'instruction estiment qu'il a "facilité l'intégration au sein d'Aqpa d'un des frères Kouachi, très probablement Chérif", et qu'il avait "connaissance" de "la mission" de perpétrer un attentat en France confiée à son ami d'enfance lors d'un court séjour à l'été 2011 au Yémen.

Entendu à l'automne 2020 comme témoin lors du procès des attentats de janvier 2015, commis notamment par les frères Kouachi, il avait assuré n'avoir "rien à voir" dans ces attaques puis s'était muré dans le silence.  

Pourtant, l'homme n'a pas toujours été mutique. En février 2019, lorsqu'elle le rencontre en détention, il est "assez loquace", explique devant la cour d'assises l'enquêtrice de personnalité mandatée par la justice.

Il lui raconte son enfance, le traumatisme occasionné par la mort de son père alors qu'il n'avait que 14 ans, sa "colère" vis-à-vis de sa mère qui voulait l'empêcher de le voir, son basculement dans la délinquance jusqu'à l'âge de 20 ans. 

Puis "son besoin de se remettre dans le droit chemin", sa décision de s'engager dans l'armée et son découragement après une blessure aux chevilles lors d'un saut en parachute, puis sa conversion et sa radicalisation en 2003, et enfin ses divers périples en Syrie, Irak, au Yémen puis à Djibouti.

- "Pas de réponse" -

Mais ce mardi, l'attitude est tout autre. "Qu’est ce qui fait qu’aujourd'hui vous ne vouliez pas évoquer votre parcours de vie ? est-ce qu’on peut le comprendre ?", lui demande la présidente de la cour d'assises. 

"Je ne souhaite pas répondre à votre question Madame la présidente", répond l'accusé en costume gris et cravate noire, bras croisés et regard baissé.

La magistrate enchaîne les questions. "Pas de réponse", répète-t-il.

Prenant la relève, un des deux avocats généraux tente de provoquer une réaction en le piquant au vif, mais l'accusé se retranche un peu plus dans le silence.

Vient le tour des avocats des parties civiles.

"Ce qui m’étonne c'est que tout au long du dossier, vous n’avez cessé de faire état de votre désir de justice", observe Me Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo, "Peut-on prétendre chercher la justice quand on refuse d’y participer ?"

"C’est une bonne question", relève Peter Cherif, sans en dire plus. 

Evoquant les parties civiles présentes dans la salle, Me Malka demande: "Ce ne serait pas du respect de répondre aux questions qui vous sont posées ?" 

L'accusé garde le silence. Mais avant que la présidente ne prononce la suspension d'audience, il prend soudainement la parole.

"Je tiens dès à présent à présenter mes excuses si mon attitude vis-à-vis des parties civiles suscite de la frustration", dit-il, expliquant ne pas avoir les capacités de s'exprimer "face à un auditoire aussi conséquent" alors qu'il est depuis six ans à l'isolement en détention.

"S’il y a des questions intelligentes qui visent à apaiser le débat, peut-être que j’y répondrai. En tout cas pour aujourd'hui, je ne répondrai pas à vos questions", conclut-il.

le Mardi 17 Septembre 2024 à 07:29 | Lu 211 fois