"Dès le 30 juin nous mettrons d’abord en place un régime d’astreintes puis nous en viendrons aux sanctions. (…) La déclaration est obligatoire", insiste Jacques Mérot à propos des informations obligatoires à adresser à l'observatoire des concentrations. Moins d'une entreprise sur trois s'est manifestée à 10 jours de l'échéance.
PAPEETE, 20 juin 2016 - Moins d'une entreprise sur trois assujetties à l’obligation de faire une déclaration à l’observatoire des concentrations s'est manifestée auprès de l’Autorité de la concurrence, à dix jours de la date limite du 30 juin. Le président de l’Autorité, Jacques Mérot, parle de "retard à l’allumage" et rappelle que les retardataires s'exposent à des sanctions financières.
"Les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires total hors taxes supérieur à 500 millions Fcfp ou à 200 millions Fcfp dans le commerce de détail à dominante alimentaire sont tenues de déclarer auprès de l'Autorité polynésienne de la concurrence, avant le 30 juin de chaque année, leur capital social et sa répartition ainsi que les participations qu'elles détiennent au sein d'autres entreprises", précise le code de la concurrence annexé à la loi de Pays du 23 février 2015.
En Polynésie, l'observatoire des concentrations attend les déclarations de 70 entreprises exerçant dans le commerce de détail à dominante alimentaire et de 210 parce que leur chiffre d’affaires annuel est supérieur à 500 millions Fcfp. Mais ces déclarations comptables tardent à arriver : "30% se sont manifestées à ce jour", précise Jacques Mérot, président de l'Autorité de la concurrence : "Nous constatons un petit retard à l’allumage". En fonction depuis février dernier, le gendarme des pratiques commerciales locales fait encore face à une certaine réticence du marché.
A quoi attribuez-vous ce "retard à l’allumage" ?
Jacques Mérot : Je ne sais pas l’analyser. On peut penser que c'est parce que l'obligation est nouvelle : le droit n’est entré en vigueur qu’au mois de février. C’est la première fois que l’on demande ces déclarations. Mais ça fait quand même trois mois que nous communiquons sur le sujet. Et je rappelle qu’il y a un régime de sanctions – d’astreintes d’abord, puis de sanctions. Peut-être que les entreprises n’ont pas mesuré quel était l’impact des sanctions ; mais elles sont plutôt lourdes. Et il me semble qu’il y a un intérêt réel à se manifester dans les temps.
Pourtant, personne ne peut ignorer que l’Autorité de la concurrence est en fonction. Comment expliquer cette situation ?
Jacques Mérot : Je pense qu’il y a beaucoup de négligence, surtout. Je pense aussi que certaines entreprises n’ont pas compris que nous attendions la communication des comptes de 2014 (bilans, comptes de résultats et statuts à jour, ndlr). Nous travaillons à N-2 ; nous l’avons indiqué. Certaines entreprises auront donc probablement attendu d’avoir leurs comptes de 2015 et cela peut avoir provoqué un certain retard. Mais c’est bien les chiffres de 2014 que nous attendons. Ils peuvent être communiqués dès le premier janvier de l’année N.
Les entreprises qui ne se seront pas manifestées avant le 30 juin s’exposent-elles à des sanctions ?
Jacques Mérot : Elles peuvent l’être, si on applique la loi fermement. Dès le 30 juin nous mettrons d’abord en place un régime d’astreintes puis nous en viendrons aux sanctions. (…) La déclaration est obligatoire.
Avez-vous les moyens au-delà de cette date d’exercer cette pression sur les contrevenants ?
Jacques Mérot : Oui, ce régime c’est nous qui le prononçons. De même que pour tout ce qui touche à la concurrence : dès qu’il y a sanction d’amende, ou d’astreinte dans ce cas-là, c’est l’Autorité qui décide.
Quel est l’enjeu pour l’Autorité du recueil de ces informations ?
Jacques Mérot : C’est d’avoir un état des lieux, une photographie de départ de la situation de concentration polynésienne globalement et par secteur. Nous produirons un rapport en septembre prochain qui donnera cette information. Ensuite, année après année, le rapport aura pour vocation de montrer les évolutions de manière globale et plus précise, par secteur. Ces données seront bien sûr confidentielles : nous ne révélerons pas les données individuelles. Ce qui compte pour nous, ce sont les agrégations. Nous voulons une photographie globale et ces informations sont le seul moyen de l’obtenir. J’ajoute que c’est une mission légale.
Que se passe-t-il si vous constatez des phénomènes de concentration ?
Jacques Mérot : La concentration n’est pas un problème en soi. L'Autorité doit la connaître. Mais la concentration devient problématique dès lors qu’elle vient entraver le fonctionnement concurrentiel. Nous avons, à côté de l’observatoire, la mission de prévenir les risques concurrentiels qui trouveraient leur origine dans ces phénomènes de concentration. Ce sont, par exemple, les dossiers dont nous venons de publier les notifications qui nous ont été faites : le groupe Grey ; le groupe HNA qui rachète les hôtels Wane... Là, il y a bien une concentration. Notre examen sera de regarder si cette concentration pose un problème concurrentiel. Cela peut très bien ne pas être le cas. En métropole sur 200 notifications annuelles, 190 ne posent aucun problème. Dix demandent un examen approfondi et il peut arriver que la concentration soit acceptée moyennant des engagements de l’entreprise en cause. Quand ce n’est pas possible, l’autorité peut dire « non » (…). Ici aussi, on peut aller vers un « non », en tenant compte de la spécificité de notre milieu insulaire. Notre objectif – le seul que nous devons avoir – est de savoir si ces opérations de concentration posent potentiellement un problème de concurrence pour plus tard : c’est une action de prévention.
D’autre part, la mission que nous avons de détecter et de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles, nous l’exerçons lorsque l'on constate qu’une position dominante, en cas de concentration, donne lieu à des abus. L’examen des concentrations, c’est de la prévention.
Votre attention se porte-telle sur certains secteurs en particulier ? On pense notamment à l’agroalimentaire.
Jacques Mérot : Celui-là, il est déjà très concentré. L’observatoire des concentrations va nous donner une image très précise (…). Au-delà des rumeurs nous voulons connaître la situation réelle. Ensuite, puisque ce secteur est concentré, nous serons particulièrement attentifs à tout mouvement de concentration ultérieur. Nous serons également attentifs à la création de surfaces commerciales nouvelles. Dans notre rôle de contrôle des concentrations ou de création, transformation, de surfaces commerciales, nous avons un rôle de prévention, sachant que nous sommes déjà dans un milieu très concentré.
Dans un cas comme celui-là, où la concentration préexiste à la création de l’Autorité de la concurrence, quels sont vos moyens d’action ?
Jacques Mérot : Un moyen prévu par la loi de Pays, par le droit de la concurrence, qui est que lorsque, dans un secteur économique nous avons des préoccupations de concurrence, nous pouvons intervenir pour remettre en cause le cas échéant des situations préexistantes.
Avez-vous la capacité d’imposer à une entreprise en situation dominante de se séparer d’une partie de ses actifs ?
Jacques Mérot : C’est une mesure extrême. Avant cela, on peut demander des engagements de comportement au groupe qui se trouve être en position très dominante. D’abord on peut lui demander de ne pas en abuser, faute de quoi nous pourrions sanctionner. On peut lui demander de prendre des engagements : c’est une voie intermédiaire qui évite, le cas échéant, d’aller à la sanction et qui a le bénéfice immédiat de permettre au marché de fonctionner correctement même si un opérateur se trouve en situation très dominante.
En dernier recours, l’injonction structurelle peut aller jusqu’à imposer à l’entreprise de vendre une partie de ses magasins. Mais avant cette mesure ultime, il y a bien des intermédiaires qui permettent de restaurer un fonctionnement acceptable, sur le plan concurrentiel. Il ne faut pas être jusqu’au-boutiste : il faut tenir compte de là où on est de là où on veut arriver. Le mouvement sera progressif.
Factuellement, par rapport à la date butoir du 30 juin, les grosses entreprises du secteur agroalimentaire se sont-elles déjà manifestées ?
Jacques Mérot : Je n’ai pas le détail. Ces données sont adressées au service d’instruction de l’Autorité de la concurrence. Je n'ai que des données d'ordre général. Mais je sais, pour en avoir discuté il y a plusieurs mois avec l’acteur dominant dans ce secteur, qu’il est parfaitement informé de ses obligations.
N’avez-vous pas l’impression d’arriver dans un monde qui fonctionnait depuis des années avec ses règles et de déranger un peu ?
Jacques Mérot : Des habitudes, il y en a partout et elles peuvent changer. Par la force quelque fois, sous la contrainte extérieure sans que l’on ne puisse rien y faire. On peut toujours croire que l’on peut tout régenter, mais à un moment ça finit par céder. Il vaut mieux accompagner le mouvement. J’ai le sentiment que c’est l’option qui a été retenue à travers les textes adoptés. De bon ou de mauvais gré, après tout ce n’est pas mon problème. Le droit positif aujourd’hui, c’est qu’il y a un droit de la concurrence qui donne des missions à l’Autorité. Dès lors, nous sommes là pour amener de l’ordre dans le fonctionnement concurrentiel. Notre mission est de faire en sorte que l’économie fonctionne bien. Et en matière de concurrence, c’est faire que toute entreprise qui souhaite intervenir sur un marché puisse le faire, sans qu’une autre, autrement que par ses mérites, lui mettent des barrières ou agisse par influence pour l’empêcher. Tant que c’est par les mérites, nous sommes dans les règles du jeu : le meilleur gagne et c’est normal.
L’Autorité de la concurrence se met en place graduellement. Quand estimez-vous être en mesure d’être pleinement en fonction ?
Jacques Mérot : Nous avons commencé. C’est vrai que nous ne sommes pas encore dans la pleine mesure et nous l’atteindrons avant la fin de l’année. Cela suppose essentiellement que tous les textes soient pris. Aujourd’hui nous pouvons déjà travailler convenablement.
Nous attendons encore que l’Etat prenne un texte qui relève de sa compétence et qui est lié au pouvoir d’enquête de l’Autorité et aux voies contentieuses. Il s’agit d’une extension, d’une adaptation du code métropolitain du commerce à la Polynésie française. C’est en cours. Les choses avancent. Ensuite nous aurons la plénitude de nos pouvoirs d’investigation.
Et puis localement une disposition pourrait également être prise en ce qui concerne la nomination d’un commissaire de gouvernement au sein de l’Autorité. Aujourd’hui nous faisons sans. Mais l’intérêt du débat que nous pourrions avoir sur telle ou telle affaire serait que le gouvernement puisse exprimer sa position, via ce représentant.
Quelles sont les vertus que peut attendre l’économie locale de l’action de l’Autorité ?
Jacques Mérot : Lorsque vous favorisez l’entreprise, vous apportez du dynamisme dans l’économie : tout nouvel opérateur est obligé d’apporter du dynamisme pour s’installer ; les opérateurs en place sont obligés de faire preuve de dynamisme pour se défendre. Plus on crée de dynamisme dans l’économie, plus on favorise l’innovation commerciale. La compétition fait baisser les prix ; améliore l’offre de produits. Tout cela génère un accroissement du commerce. Et donne lieu à de la création d’emplois. Je crois que c’est ce que recherche tout gouvernement aujourd’hui. (…)
Pensez-vous que cela est bien compris dans le milieu politique local ?
Jacques Mérot : Non, je ne suis pas sûr. Je crois que certains le comprennent bien ; d’autres sont encore dans l’idée que l’économie ne peut être qu’administrée. C’est vrai qu’il est difficile de faire la conversion du jour au lendemain. Les pays anglo-saxons ont été plus rapides à la faire. La France n’a fait sa conversion que dans les années 80, et par étapes. C’est un constat. Je ne juge pas. Mais notre rôle est aussi d’expliquer ça et de faire en sorte que le politique évolue. L’une des directions de salut de l’économie polynésienne est de s’ouvrir pour qu’il y ait un plus grand dynamisme. (…) Les économistes ont chiffré que si l’économie devenait plus concurrentielle, on pourrait gagner jusqu’à 10 % de PIB. Alors je ne pense pas que l’avenir soit dans la conservation d’une main mise sur une économie très administrée. Mais c’est un chemin qui prendra certainement plusieurs années.
"Les entreprises ayant réalisé un chiffre d'affaires total hors taxes supérieur à 500 millions Fcfp ou à 200 millions Fcfp dans le commerce de détail à dominante alimentaire sont tenues de déclarer auprès de l'Autorité polynésienne de la concurrence, avant le 30 juin de chaque année, leur capital social et sa répartition ainsi que les participations qu'elles détiennent au sein d'autres entreprises", précise le code de la concurrence annexé à la loi de Pays du 23 février 2015.
En Polynésie, l'observatoire des concentrations attend les déclarations de 70 entreprises exerçant dans le commerce de détail à dominante alimentaire et de 210 parce que leur chiffre d’affaires annuel est supérieur à 500 millions Fcfp. Mais ces déclarations comptables tardent à arriver : "30% se sont manifestées à ce jour", précise Jacques Mérot, président de l'Autorité de la concurrence : "Nous constatons un petit retard à l’allumage". En fonction depuis février dernier, le gendarme des pratiques commerciales locales fait encore face à une certaine réticence du marché.
A quoi attribuez-vous ce "retard à l’allumage" ?
Jacques Mérot : Je ne sais pas l’analyser. On peut penser que c'est parce que l'obligation est nouvelle : le droit n’est entré en vigueur qu’au mois de février. C’est la première fois que l’on demande ces déclarations. Mais ça fait quand même trois mois que nous communiquons sur le sujet. Et je rappelle qu’il y a un régime de sanctions – d’astreintes d’abord, puis de sanctions. Peut-être que les entreprises n’ont pas mesuré quel était l’impact des sanctions ; mais elles sont plutôt lourdes. Et il me semble qu’il y a un intérêt réel à se manifester dans les temps.
Pourtant, personne ne peut ignorer que l’Autorité de la concurrence est en fonction. Comment expliquer cette situation ?
Jacques Mérot : Je pense qu’il y a beaucoup de négligence, surtout. Je pense aussi que certaines entreprises n’ont pas compris que nous attendions la communication des comptes de 2014 (bilans, comptes de résultats et statuts à jour, ndlr). Nous travaillons à N-2 ; nous l’avons indiqué. Certaines entreprises auront donc probablement attendu d’avoir leurs comptes de 2015 et cela peut avoir provoqué un certain retard. Mais c’est bien les chiffres de 2014 que nous attendons. Ils peuvent être communiqués dès le premier janvier de l’année N.
Les entreprises qui ne se seront pas manifestées avant le 30 juin s’exposent-elles à des sanctions ?
Jacques Mérot : Elles peuvent l’être, si on applique la loi fermement. Dès le 30 juin nous mettrons d’abord en place un régime d’astreintes puis nous en viendrons aux sanctions. (…) La déclaration est obligatoire.
Avez-vous les moyens au-delà de cette date d’exercer cette pression sur les contrevenants ?
Jacques Mérot : Oui, ce régime c’est nous qui le prononçons. De même que pour tout ce qui touche à la concurrence : dès qu’il y a sanction d’amende, ou d’astreinte dans ce cas-là, c’est l’Autorité qui décide.
Quel est l’enjeu pour l’Autorité du recueil de ces informations ?
Jacques Mérot : C’est d’avoir un état des lieux, une photographie de départ de la situation de concentration polynésienne globalement et par secteur. Nous produirons un rapport en septembre prochain qui donnera cette information. Ensuite, année après année, le rapport aura pour vocation de montrer les évolutions de manière globale et plus précise, par secteur. Ces données seront bien sûr confidentielles : nous ne révélerons pas les données individuelles. Ce qui compte pour nous, ce sont les agrégations. Nous voulons une photographie globale et ces informations sont le seul moyen de l’obtenir. J’ajoute que c’est une mission légale.
Que se passe-t-il si vous constatez des phénomènes de concentration ?
Jacques Mérot : La concentration n’est pas un problème en soi. L'Autorité doit la connaître. Mais la concentration devient problématique dès lors qu’elle vient entraver le fonctionnement concurrentiel. Nous avons, à côté de l’observatoire, la mission de prévenir les risques concurrentiels qui trouveraient leur origine dans ces phénomènes de concentration. Ce sont, par exemple, les dossiers dont nous venons de publier les notifications qui nous ont été faites : le groupe Grey ; le groupe HNA qui rachète les hôtels Wane... Là, il y a bien une concentration. Notre examen sera de regarder si cette concentration pose un problème concurrentiel. Cela peut très bien ne pas être le cas. En métropole sur 200 notifications annuelles, 190 ne posent aucun problème. Dix demandent un examen approfondi et il peut arriver que la concentration soit acceptée moyennant des engagements de l’entreprise en cause. Quand ce n’est pas possible, l’autorité peut dire « non » (…). Ici aussi, on peut aller vers un « non », en tenant compte de la spécificité de notre milieu insulaire. Notre objectif – le seul que nous devons avoir – est de savoir si ces opérations de concentration posent potentiellement un problème de concurrence pour plus tard : c’est une action de prévention.
D’autre part, la mission que nous avons de détecter et de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles, nous l’exerçons lorsque l'on constate qu’une position dominante, en cas de concentration, donne lieu à des abus. L’examen des concentrations, c’est de la prévention.
Votre attention se porte-telle sur certains secteurs en particulier ? On pense notamment à l’agroalimentaire.
Jacques Mérot : Celui-là, il est déjà très concentré. L’observatoire des concentrations va nous donner une image très précise (…). Au-delà des rumeurs nous voulons connaître la situation réelle. Ensuite, puisque ce secteur est concentré, nous serons particulièrement attentifs à tout mouvement de concentration ultérieur. Nous serons également attentifs à la création de surfaces commerciales nouvelles. Dans notre rôle de contrôle des concentrations ou de création, transformation, de surfaces commerciales, nous avons un rôle de prévention, sachant que nous sommes déjà dans un milieu très concentré.
Dans un cas comme celui-là, où la concentration préexiste à la création de l’Autorité de la concurrence, quels sont vos moyens d’action ?
Jacques Mérot : Un moyen prévu par la loi de Pays, par le droit de la concurrence, qui est que lorsque, dans un secteur économique nous avons des préoccupations de concurrence, nous pouvons intervenir pour remettre en cause le cas échéant des situations préexistantes.
Avez-vous la capacité d’imposer à une entreprise en situation dominante de se séparer d’une partie de ses actifs ?
Jacques Mérot : C’est une mesure extrême. Avant cela, on peut demander des engagements de comportement au groupe qui se trouve être en position très dominante. D’abord on peut lui demander de ne pas en abuser, faute de quoi nous pourrions sanctionner. On peut lui demander de prendre des engagements : c’est une voie intermédiaire qui évite, le cas échéant, d’aller à la sanction et qui a le bénéfice immédiat de permettre au marché de fonctionner correctement même si un opérateur se trouve en situation très dominante.
En dernier recours, l’injonction structurelle peut aller jusqu’à imposer à l’entreprise de vendre une partie de ses magasins. Mais avant cette mesure ultime, il y a bien des intermédiaires qui permettent de restaurer un fonctionnement acceptable, sur le plan concurrentiel. Il ne faut pas être jusqu’au-boutiste : il faut tenir compte de là où on est de là où on veut arriver. Le mouvement sera progressif.
Factuellement, par rapport à la date butoir du 30 juin, les grosses entreprises du secteur agroalimentaire se sont-elles déjà manifestées ?
Jacques Mérot : Je n’ai pas le détail. Ces données sont adressées au service d’instruction de l’Autorité de la concurrence. Je n'ai que des données d'ordre général. Mais je sais, pour en avoir discuté il y a plusieurs mois avec l’acteur dominant dans ce secteur, qu’il est parfaitement informé de ses obligations.
N’avez-vous pas l’impression d’arriver dans un monde qui fonctionnait depuis des années avec ses règles et de déranger un peu ?
Jacques Mérot : Des habitudes, il y en a partout et elles peuvent changer. Par la force quelque fois, sous la contrainte extérieure sans que l’on ne puisse rien y faire. On peut toujours croire que l’on peut tout régenter, mais à un moment ça finit par céder. Il vaut mieux accompagner le mouvement. J’ai le sentiment que c’est l’option qui a été retenue à travers les textes adoptés. De bon ou de mauvais gré, après tout ce n’est pas mon problème. Le droit positif aujourd’hui, c’est qu’il y a un droit de la concurrence qui donne des missions à l’Autorité. Dès lors, nous sommes là pour amener de l’ordre dans le fonctionnement concurrentiel. Notre mission est de faire en sorte que l’économie fonctionne bien. Et en matière de concurrence, c’est faire que toute entreprise qui souhaite intervenir sur un marché puisse le faire, sans qu’une autre, autrement que par ses mérites, lui mettent des barrières ou agisse par influence pour l’empêcher. Tant que c’est par les mérites, nous sommes dans les règles du jeu : le meilleur gagne et c’est normal.
L’Autorité de la concurrence se met en place graduellement. Quand estimez-vous être en mesure d’être pleinement en fonction ?
Jacques Mérot : Nous avons commencé. C’est vrai que nous ne sommes pas encore dans la pleine mesure et nous l’atteindrons avant la fin de l’année. Cela suppose essentiellement que tous les textes soient pris. Aujourd’hui nous pouvons déjà travailler convenablement.
Nous attendons encore que l’Etat prenne un texte qui relève de sa compétence et qui est lié au pouvoir d’enquête de l’Autorité et aux voies contentieuses. Il s’agit d’une extension, d’une adaptation du code métropolitain du commerce à la Polynésie française. C’est en cours. Les choses avancent. Ensuite nous aurons la plénitude de nos pouvoirs d’investigation.
Et puis localement une disposition pourrait également être prise en ce qui concerne la nomination d’un commissaire de gouvernement au sein de l’Autorité. Aujourd’hui nous faisons sans. Mais l’intérêt du débat que nous pourrions avoir sur telle ou telle affaire serait que le gouvernement puisse exprimer sa position, via ce représentant.
Quelles sont les vertus que peut attendre l’économie locale de l’action de l’Autorité ?
Jacques Mérot : Lorsque vous favorisez l’entreprise, vous apportez du dynamisme dans l’économie : tout nouvel opérateur est obligé d’apporter du dynamisme pour s’installer ; les opérateurs en place sont obligés de faire preuve de dynamisme pour se défendre. Plus on crée de dynamisme dans l’économie, plus on favorise l’innovation commerciale. La compétition fait baisser les prix ; améliore l’offre de produits. Tout cela génère un accroissement du commerce. Et donne lieu à de la création d’emplois. Je crois que c’est ce que recherche tout gouvernement aujourd’hui. (…)
Pensez-vous que cela est bien compris dans le milieu politique local ?
Jacques Mérot : Non, je ne suis pas sûr. Je crois que certains le comprennent bien ; d’autres sont encore dans l’idée que l’économie ne peut être qu’administrée. C’est vrai qu’il est difficile de faire la conversion du jour au lendemain. Les pays anglo-saxons ont été plus rapides à la faire. La France n’a fait sa conversion que dans les années 80, et par étapes. C’est un constat. Je ne juge pas. Mais notre rôle est aussi d’expliquer ça et de faire en sorte que le politique évolue. L’une des directions de salut de l’économie polynésienne est de s’ouvrir pour qu’il y ait un plus grand dynamisme. (…) Les économistes ont chiffré que si l’économie devenait plus concurrentielle, on pourrait gagner jusqu’à 10 % de PIB. Alors je ne pense pas que l’avenir soit dans la conservation d’une main mise sur une économie très administrée. Mais c’est un chemin qui prendra certainement plusieurs années.