Auckland plus que jamais au centre du Pacifique cette semaine


AUCKLAND, mercredi 7 septembre 2011 (Flash d’Océanie) – La quarante-deuxième édition du sommet annuel des dirigeants du Forum des Îles du Pacifique a officiellement débuté mercredi matin avec la séance inaugurale plénière qui réunit quinze États membres, plus une chaise vide : celle de Fidji, toujours exclu de cette organisation depuis mai 2009, faute d’un retour rapide à la démocratie.
Même si la question fidjienne, avant même le début de cette réunion (qui marque aussi le quarantième anniversaire du FIP), a monopolisé les couloirs, l’agenda officiel, du point de vue des organisateurs, est axé autour de thèmes comme ceux du développement durable, de la prospérité, de la sécurité régionale et de la paix, des changements climatiques ou encore de l’intégration économique régionale.
Aux côtés des musiciens et danseurs emblématiques du Pacifique, armés de ukulélés pour agrémenter la cérémonie d’ouverture, une large part a aussi été consacrée aux discours, sur les lieux d’un nouvel espace, le « Cloud », sur le front de mer d’Auckland, qui servira aussi de point focal pour les invités devant assister, dans quelques jours aux phases finales de la coupe du monde de rugby.
Dans son allocution, John Key, Premier ministre néo-zélandais, hôte de la réunion et qui assure désormais la Présidence tournante du FIP, a voulu mettre l’accent sur la notion de « famille » océanienne et sur les défis auxquels est confrontée cette région.
Il a aussi voulu souligner les opportunités en matière de tourisme, de pêcheries ou d’agriculture, que les États océaniens peuvent atteindre en portant un effort soutenu sur son capital jeunesse via l’enseignement et la formation.
M. Key et son homologue australienne, Julia Gillard, venaient tout juste d’annoncer une nouvelle initiative australo-néozélandaise en matière d’amélioration de l’accès des populations océaniennes à l’enseignement public, avec pour objectif affiché (et une facture de quelque quatre cent millions de dollars) de parvenir à l’horizon 2020 à scolariser soixante quinze pour cent des enfants océaniens de moins de dix ans.

Fidji, toujours et encore Fidji

Dans son allocution de bienvenue, mercredi 7 septembre 2011 (tout comme lors d’un autre discours prononcé le 11 août 2011 à l’Université d’Auckland à l’occasion du quarantième anniversaire de la première réunion des pays fondateurs du Forum), M. Key n’a fait aucune référence directe à la situation fidjienne, ni à l’exclusion de cet archipel du FIP après le putsch de décembre 2006.
En fait, le mot « Fidji » n’a pas été prononcé une seule fois.
Face à une position dure des deux membres les plus influents au sein du FIP, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, qui appliquent des sanctions (portant notamment sur des interdictions de visas pour les personnes -et leurs proches- participant au régime actuel du Premier ministre contre-amiral Franck Bainimarama), les États insulaires du Pacifique ont en de nombreuses occasions, ces derniers mois, exprimé des points de vue divergents.
Les plus « compréhensifs » vis-à-vis de la situation fidjienne, qui acceptent le plan de retour à la démocratie annoncé depuis juillet 2009 par l’homme fort de Suva (des élections promises pour septembre 2014) sont principalement issus de la Mélanésie (Vanuatu, Papouasie-Nouvelle-Guinée, îles Salomon), ces États formant eux-mêmes un groupe subrégional, le Groupe Mélanésien Fer de Lance (GMFL, qui inclut aussi le mouvement indépendantiste FLNKS de Nouvelle-Calédonie).
Depuis 2010, M. Bainimarama est parvenu à agrandir ce cercle en ouvrant le GMFL à d’autres pays océaniens, dont Kiribati.
Il a aussi décliné ce concept en une réunion baptisée depuis 2010 « S’Engager pour le Pacifique » et dont la dernière édition a été calée la semaine dernière, se posant ainsi en sorte d’ « Alter-Forum ».
De l’autre côté, des pays polynésiens comme Samoa (dont le Premier ministre est l’un des plus virulents détracteurs du Contre-amiral Bainimarama) sont ostensiblement alignés sur la position australo-néo-zélandaise.
John Key, ces derniers jours, a tenté de minimiser le soutien de ce nouveau groupement informel et, lors d’une conférence de presse mardi, se déclarait confiant que la majorité des États du FIP demeurait favorable au maintien de la suspension de Fidji tant que des signes tangibles de retour à la démocratie ne seraient pas constatés.
Ses propos étaient assez rapidement démentis par une première déclaration ouverte : celle de Kiribati, dont le Président Anote Tong, s’est posé mercredi en avocat d’une réintégration de Fidji au sein du Forum.
Arguant lui aussi du principe « familial » qui fait que « on ne rejette pas l’un de ses enfants tout simplement parce qu’il a fait une bêtise », M. Tong a aussi déclaré à la presse qu’il était persuadé que d’autres petits pays insulaires membres du FIP partageaient son point de vue, mais « qu’ils ne le diront pas ».
« Si vous avez six enfants et que l’un d’entre eux a fait des bêtises, que faites-vous ? Vous le mettez à la porte ? Non. Vous ne le faites pas parce que nous formons une famille et que nous devons nous comporter comme telle. Fidji fait partie de la famille et notre tâche, c’est de continuer à ramener Fidji vers nous », a-t-il affirmé.
Ces évolutions interviennent alors que mercredi, un groupe de réflexion australien (thinktank), le Lowy Institute, a publié un sondage réalisé par questionnaire auprès d’un échantillon de citoyens fidjiens (un peu plus d’un millier interrogés) dans leur pays et qui montre que la population de cet archipel est d’une part plutôt satisfaite des performances (à 66 pour cent) de son Contre-amiral et que d’autre part elle n’approuve pas (à 63 pour cent) la posture « dure » adoptée par certains pays voisins à son encontre.
Ce sondage (*** « Fiji at home and in the world: public opinion and foreign policy » http://www.lowyinstitute.org/Publication.asp?pid=1690)
a déjà fait l’objet de réserves de la part de certains universitaires, qui avancent que ces réponses favorables au régime pourraient aussi être biaisées par la présence même d’un régime autoritaire.


Annonce de préparations d’un scrutin et réunion des non-alignés

En matière de retour à la démocratie, le gouvernement fidjien a choisi, à distance, de faire coïncider ce sommet du FIP avec l’annonce d’un début des inscriptions sur les listes électorales, « courant premier semestre 2012 » pur des élections prévues en septembre 2014.
Par ailleurs, des appels d’offres sont en cours de lancement afin de mettre en place un système électronique de vote et d’identification numérique, voire biométrique, qui permettrait de supprimer les fraudes constatées lors de précédents scrutins.
Ces annonces ont aussi été relayées, toujours cette semaine par le ministre fidjien des affaires étrangères, Ratu Inoke Kubuabola qui, au lieu du sommet du FIP auquel il n’et pas invité, se trouve cette semaine à Belgrade pour une réunion célébrant le cinquantième anniversaire du mouvement des pays non-alignés que Fidji a rejoint il y a quelques mois.

Ban Ki-moon et les soldats fidjiens

Autre soutien, moins directement affiché, mais de taille : celui du Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui a assuré que si les soldats fidjiens en mission de casques bleus pour l’ONU avaient été coupables d’atteintes aux droits humains, ils n’auraient pas été retenus.
Depuis le putsch, l’Australie et la Nouvelle-Zélande tentent de convaincre l’ONU de ne plus employer de soldats fidjiens pour ses missions sur les théâtres internationaux.
« Nous avons déployé 55 soldats fidjiens pour notre mission en Irak. Et nous avons examiné soigneusement leurs dossiers en matière de droits humains. Quiconque est reconnu avoir violé quelque droit humain que ce droit n’aurait pas été employé », a-t-il assuré, en rappelant les « préoccupations sécuritaires très graves en Irak » pour protéger le personnel de l’ONU sur place.
« En tout cas, au moment de ce déploiement (de Fidjiens), il n’y avait pas d’autres alternative, lorsque les Américains étaient en patrouille et que la mission de l’ONU avait besoin de protection », a-t-il justifié en indiquant que « d’autres options » sont actuellement explorées, qui pourraient voir des pays comme le Népal se joindre au contingent onusien.

Toujours en matière onusienne, au siège de l’organisation à New York, début septembre 2011, Fidji récoltait une bonne partie du crédit dans la réussite d’une opération diplomatique de longue haleine : parvenir à modifier la nomenclature et la terminologie désignant les régions de la planète (cinq au total) pour que la région Asie devienne enfin « Asie-Pacifique ».
Ce changement, perçu comme une reconnaissance importante du rôle grandissant de cette énorme superficie, serait dû aux efforts de l’ambassadeur des îles Fidji à New York, Peter Thomson, mais aussi au soutien discret mais appuyé de … la Chine.
Dans ce groupe Asie Pacifique, les pays océaniens concernés sont Fidji, les îles Marshall, les États Fédérés de Micronésie, Nauru, Palau, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, Samoa, les îles Salomon, Tonga, Tuvalu et Vanuatu.

Dans un communiqué suffisamment inhabituel pour être remarqué, en début de semaine, le Secrétaire Général adjoint du FIP, Feleti Teo, prenait la peine de rappeler que « quarante ans après sa création, le Forum a toujours autant de raisons d’être » et que son avenir dépendait surtout de la réussite du processus d’intégration et de coopération régionales.
« Tout simplement parce qu’il n’y a pas d’autre voie ».

Intégration régionale des collectivités françaises

Cette quarantième édition du sommet annuel du FIP est aussi marquée par la présence du Secrétaire-Général de l’ONU Ban Ki-moon, du Président de la Commission Européenne, José Manuel Barroso, mais aussi du chef de la diplomatie française, Alain Juppé, qui conduira une importante délégation venue surtout, une nouvelle fois, soutenir la volonté de Paris de voir ses collectivités ultramarines du Pacifique être mieux intégrées dans leur environnement régional.
Déjà, depuis 2005, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française se sont vues octroyer le statut de « membres associés » au sein du FIP alors que Wallis-et-Futuna n’est encore qu’observateur.
Cette année, une nouvelle fois, la partie française tentera d’obtenir une évolution de ces statuts et en particulier un statut de membre plein pour la Nouvelle-Calédonie, précise-t-on à Paris.
La France participera aussi à ce qu’il est convenu d’appeler le « dialogue post-Forum », rendez-vous traditionnel entre les principaux partenaires de développement de l’Océanie (ils sont une douzaine) et les pays membres, soit en mode bilatéral, soit en mode multilatéral.

« Ce déplacement important du ministre d’État est le premier d’un chef de la diplomatie française dans cette région depuis 28 ans », précisait mardi le ministère français des affaires étrangères.
« La France attache une grande importance aux relations avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande qui sont des partenaires étroits comme l’ont récemment illustré les visites en France des ministres des Affaires étrangères de ces deux pays. Nous souhaitons développer avec eux des coopérations concrètes et diversifiées. Nous partageons notamment avec ces deux pays un même engagement pour l’avenir de l’Afghanistan », souligne le Quai d’Orsay.

Cette année aussi, les trois territoires américains du Pacifique (Guam, Marianne du Nord, Samoa américaines) devraient accéder à leur tour, en accord avec Washington, au statut de membres associés inauguré par les collectivités françaises.
Le groupe des pays ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique), en tant qu’entité, pourrait quant à lui accéder au statut d’observateur.

pad

Rédigé par AD le Mercredi 7 Septembre 2011 à 06:16 | Lu 1238 fois