Au pays des nacres


Le triage des nacres à Hikueru en 1912. Photo Lucien Gauthier.
Papeete, le 20 décembre 2018- " La perle de culture de Tahiti, le premier bijou des Polynésiens ". C'est le thème de la dernière campagne de la Tahitian Pearl Association of French Polynesia, TPAFP, pour faire (re)découvrir aux Polynésiens la perle de Tahiti. Aujourd'hui, découvrez la pêche aux nacres à Hikueru en 1912 au travers d’anciennes cartes postales.

La nacre, l’or noir des atolls

L’importance de l’histoire nacrière dans le Pacifique oriental est attestée dès les premières rencontres entre les insulaires et occidentaux. La nacre était utilisée comme matériau que l’on façonne en outils : leurres de pêche, hameçons, râpes, grattoirs, cuillères et spatules. Elle trouvait également une place de choix dans l’ornementation des costumes cérémoniels et dans les objets de parures du haut du corps : diadèmes, pendentifs d’oreille et de cou, pectoral désignant les chefs. Les perles que renfermaient parfois les huîtres nacrières étaient utilisées en pendentifs. Voici le témoignage de James Morrison (1789) : « Les deux sexes ont le lobe de l’oreille percé et ils y mettent soit des fleurs, soit des pendentifs de 3 perles, de 5 à 8 cm de long ; il est rare que les deux oreilles soient décorées de la même façon ».

La vie quotidienne d’un plongeur

Un rapport de 1863 décrit l’athlétisme des plongeurs polynésiens et l’architecture des exploitations familiales.
« Dans les îles où les habitants sont tous parents entre eux, le lac est une propriété commune à tous. Dans les îles où la parenté des habitants ne s’étend pas au-delà du district, le lac est divisé en autant de parties qu’il y a de districts. Chacune de ces parties est une propriété commune aux habitants du district correspondant. Les insulaires des Tuamotu pêchent l’huître perlière ou nacre, toutes les fois que le temps est beau et que la mer est calme. Quelques plongeurs vont jusqu’à 25 ou 30 mètres. Les moyens artificiels employés dans les autres pêcheries pour se faire couler rapidement ne sont pas connus aux Tuamotu. Les plongeurs reviennent souvent du fond sans avoir trouvé, et lorsqu’ils ont découvert une huître, ils sont obligés ordinairement de plonger deux ou trois fois pour la détacher du corail, ou pour l’arracher du fond dans lequel elle est ensablée jusqu’à la bouche. Lorsque la mer est calme et que l’eau est bien transparente les plongeurs peuvent rapporter jusqu’à 40 huîtres par jour. Ces circonstances favorables sont très rares ; aussi ne doit-on compter que sur une moyenne de douze à quinze huîtres par jour. Quant aux perles, on sait qu’elles se trouvent attachées dans l’intérieur de la coquille. Après la pêche, chacun ramène ses huîtres chez lui pour en retirer l’animal qui est servi au repas suivant. S’il a besoin d’argent, il vend de suite le produit de sa pêche. Autrement, il attend qu’avoir amassé plusieurs centaines de nacre pour les offrir aux courtiers. »

L’épopée de la plonge

À l’aube du XIXe siècle, la multiplication des navires de commerce européens fit prendre son essor au commerce des Mers du Sud : la nacre en fut, avec l’huile de baleine, le coprah et les fruits, l’axe principal. En 1802, l’exploitation hasardeuse des lagons commença, mais dès 1820, on trouvait la nacre de Polynésie dans toutes les manufactures de Londres, Bruxelles, Hambourg, Paris ou Vienne, où les machines semi-industrielles créées quelques années plus tôt, râpaient, creusaient, limaient, lissaient, façonnaient cette nacre brute qui devint éventail, jumelle de théâtre, boîte à bijou, dé, domino, tabatière, mais aussi, et surtout, bouton. Il en fallait toujours plus.

La cueillette des huîtres perlières dans les lagons, de belle taille si possible, s’organisa : si la plus grande huître perlière connue, avec un diamètre de 34 cm et 4,8 kg de coquille fut prélevée par François Hervé en 1932, ce sont surtout celles de 15 à 20 cm qui étaient recherchées. Pour cela, il fallut des plongeurs : or, ceux des Tuamotu, selon les témoignages des capitaines et commerçants, étaient les meilleurs du monde.

Jusqu’en 1950 environ, les lagons furent ratissés par les trafiquants d’abord, puis par les commerçants qui, au sein de Compagnies perlières, créèrent un marché de la nacre et de la perle de Tahiti. Tous les atolls nacriers y passèrent, parfois jusqu’à l’épuisement de l’espèce. Si dans les premières années du XIXe siècle les gisements de nacres étaient peu profonds, il fallut bientôt plonger à plus de 10, 15, voire 20 mètres pour les arracher à leur socle de corail.

À partir des années 1850, les meilleurs fonds, les meilleurs gisements de Polynésie étaient connus, répertoriés et exploités. Avec toutes les techniques possibles disponibles à l’époque, du scaphandre dès 1880 aux premières lunettes de plongée en 1908, les pêcheries à grande échelle se développèrent.

Au pays des perles, des nacres en 1912, île de Hikueru (Tuamotu). Le plongeur remonte après un plongeon de 1 à 3 minutes. Photo Lucien Gauthier

Plongeur de nacres dans les années 50.

Pêcheurs et Plongeurs au pays de la nacre en 1912, île Hikueru, Tuamotu,. Photo Lucien Gauthier

Pêcheurs d'huitres nacrières et perlières à Hikueru 1941-1944. photo Masselot

pêcheurs et pêcheuses de nacres des îles Tuamotu. Photo Thuret.jpg

Un magasin de île de Hikueru, au pays des perles, des nacres en 1912. Photo Lucien Gauthier.

Plongeurs de nacres devant sa maison à Hikueru en 1915

Les plongeurs dansent avec leur épouse pour le 14 juillet 1912, Hikueru, Photo Lucien Gauthier.

Homme et femme devant leur maison à Hikueru en 1900. PhotCharles Haskins

Le pesage des nacres à Hikueru en 1912. Photo Lucien Gauthier.

Une homme et une femme devant leur maison à Hikueru en 1900. Photo Charles Haskins.

Rédigé par Tahiti héritage le Jeudi 20 Décembre 2018 à 13:40 | Lu 1284 fois