Barcelone, Espagne | AFP | samedi 23/09/2017 - À peine quatre arrêts de métro séparent Gracia de Nou Barris, deux quartiers de Barcelone qui semblent vivre des réalités parallèles face au référendum d'indépendance de Catalogne, qui divise ses citoyens.
Dans son kiosque à fleurs, à l'abri de la pluie, Ignacio Pérez regarde mécontent passer un autobus affichant le slogan "Hola República" de la campagne du "oui" au scrutin d'autodétermination interdit, prévu le 1er octobre par les dirigeants séparatistes de la région.
"Moi, ça me dérange", dit le fleuriste de 63 ans. "C'est un matraquage permanent. Si seulement ils faisaient autant d'efforts pour améliorer la santé, l'éducation ou l'emploi", s'agace-t-il.
L'affiche est l'un des rares indices de l'exaltation indépendantiste de nombreux Catalans dans ce quartier ouvrier, presque aux confins de Barcelone, où s'est installée une grande partie de l'immigration arrivée du reste de l'Espagne au siècle dernier.
Ici, ce n'est pas le catalan mais le castillan qui domine dans les conversations. Aux balcons des titanesques blocs d'appartements pendent quelques drapeaux espagnols, et pas les indépendantistes omniprésents ailleurs en Catalogne.
- Majoritaires mais silencieux -
"Une majorité des gens ne souhaite pas l'indépendance (...), mais nous sommes réduits au silence", se plaint Pérez.
D'après le dernier sondage commandé par le gouvernement régional en juillet, 49,4% des Catalans ne souhaitaient pas la sécession, contre 41 % qui y étaient favorables.
La région de 7,5 millions d'habitants est cependant gouvernée par les indépendantistes, qui avaient emporté les élections régionales en septembre 2015 avec 47,6% des voix, ce qui leur a permis d'avoir une majorité absolue au Parlement régional.
"Tu ne peux pas lancer un tel processus avec une majorité aussi faible (...) Déchirer un pays avec si peu de soutien", déplore M. Pérez.
À Nou Barris, le vote indépendantiste n'a pas dépassé les 29,1%.
"Ils nous ont imposé leur plan en profitant de ce que nous, qui ne voulons pas l'indépendance, ne sommes ni unis ni mobilisés", se plaint aussi Ana Bahamonde, 52 ans, dans sa boulangerie.
Ses clients, dit-elle, préfèrent ne pas aborder le sujet. "Il est mal vu de dire que tu ne veux pas l'indépendance, ça t'identifie à l'extrême droite. C'est pour cela que je ne vais pas aux manifestations pour l'unité".
Elle ne participera pas non plus au référendum : "j'aimerais qu'on puisse voter, mais pas comme cela. Le gouvernement sait que seuls ses soutiens se rendront aux urnes et ça leur convient, comme ça ils sont sûrs de gagner".
- 'Seule issue: l'indépendance' -
Le ton est très différent à Gracia, un ancien lieu de villégiature pour la bourgeoisie barcelonaise, annexé à la ville à la fin du XIXème siècle et devenu un des quartiers les plus à la mode aujourd'hui.
Dans ses rues piétonnes aux maisons basses se multiplient les drapeaux indépendantistes et les affichettes "oui". Ici les séparatistes ont obtenu 60,5% des votes en 2015, le meilleur résultat à Barcelone.
"Je ne comprend pas qu'ils ne veuillent pas voter", dit Soledat Farré, organisatrice d'événements sportifs de 59 ans, en préparant du matériel de propagande électorale dans un local de la puissante association indépendantiste Asamblea Nacional de Cataluña (ANC).
"S'ils y allaient tous, je crois que ce serait très difficile pour nous de gagner".
Les opérations policières de ces derniers jours, avec l'arrestation de hauts fonctionnaires et la saisie de millions de bulletins de vote, ont encore durci les positions.
"Je ne comprends pas cet entêtement de Madrid. Ils n'écoutent pas, ne veulent pas comprendre. Ils nous considèrent comme des sujets: nous devons obéir et rien d'autre", s'indigne Ignasi Tort.
Cet informaticien de 50 ans a soutenu les indépendantistes ces dernières années, marquées par une tension croissante avec Madrid, tout en espérant un nouvel accord qui aurait permis de rester en Espagne.
Mais après l'offensive "honteuse" de Madrid, il a changé d'avis. "C'est là que tu te rends compte que l'indépendance est la seule issue possible", dit-il.
Sous pression de Madrid, l'organisation du référendum est de plus en plus incertaine.
A Nou Barris, Ignacio Pérez craint l'avenir: "si finalement le référendum ne se tient pas ou ne sert à rien, parce qu'il n'est pas légal, cela va générer énormément de frustration et pourrait empoisonner l'atmosphère".
dbh/mck/arz/pmr/lch
© Agence France-Presse
Dans son kiosque à fleurs, à l'abri de la pluie, Ignacio Pérez regarde mécontent passer un autobus affichant le slogan "Hola República" de la campagne du "oui" au scrutin d'autodétermination interdit, prévu le 1er octobre par les dirigeants séparatistes de la région.
"Moi, ça me dérange", dit le fleuriste de 63 ans. "C'est un matraquage permanent. Si seulement ils faisaient autant d'efforts pour améliorer la santé, l'éducation ou l'emploi", s'agace-t-il.
L'affiche est l'un des rares indices de l'exaltation indépendantiste de nombreux Catalans dans ce quartier ouvrier, presque aux confins de Barcelone, où s'est installée une grande partie de l'immigration arrivée du reste de l'Espagne au siècle dernier.
Ici, ce n'est pas le catalan mais le castillan qui domine dans les conversations. Aux balcons des titanesques blocs d'appartements pendent quelques drapeaux espagnols, et pas les indépendantistes omniprésents ailleurs en Catalogne.
- Majoritaires mais silencieux -
"Une majorité des gens ne souhaite pas l'indépendance (...), mais nous sommes réduits au silence", se plaint Pérez.
D'après le dernier sondage commandé par le gouvernement régional en juillet, 49,4% des Catalans ne souhaitaient pas la sécession, contre 41 % qui y étaient favorables.
La région de 7,5 millions d'habitants est cependant gouvernée par les indépendantistes, qui avaient emporté les élections régionales en septembre 2015 avec 47,6% des voix, ce qui leur a permis d'avoir une majorité absolue au Parlement régional.
"Tu ne peux pas lancer un tel processus avec une majorité aussi faible (...) Déchirer un pays avec si peu de soutien", déplore M. Pérez.
À Nou Barris, le vote indépendantiste n'a pas dépassé les 29,1%.
"Ils nous ont imposé leur plan en profitant de ce que nous, qui ne voulons pas l'indépendance, ne sommes ni unis ni mobilisés", se plaint aussi Ana Bahamonde, 52 ans, dans sa boulangerie.
Ses clients, dit-elle, préfèrent ne pas aborder le sujet. "Il est mal vu de dire que tu ne veux pas l'indépendance, ça t'identifie à l'extrême droite. C'est pour cela que je ne vais pas aux manifestations pour l'unité".
Elle ne participera pas non plus au référendum : "j'aimerais qu'on puisse voter, mais pas comme cela. Le gouvernement sait que seuls ses soutiens se rendront aux urnes et ça leur convient, comme ça ils sont sûrs de gagner".
- 'Seule issue: l'indépendance' -
Le ton est très différent à Gracia, un ancien lieu de villégiature pour la bourgeoisie barcelonaise, annexé à la ville à la fin du XIXème siècle et devenu un des quartiers les plus à la mode aujourd'hui.
Dans ses rues piétonnes aux maisons basses se multiplient les drapeaux indépendantistes et les affichettes "oui". Ici les séparatistes ont obtenu 60,5% des votes en 2015, le meilleur résultat à Barcelone.
"Je ne comprend pas qu'ils ne veuillent pas voter", dit Soledat Farré, organisatrice d'événements sportifs de 59 ans, en préparant du matériel de propagande électorale dans un local de la puissante association indépendantiste Asamblea Nacional de Cataluña (ANC).
"S'ils y allaient tous, je crois que ce serait très difficile pour nous de gagner".
Les opérations policières de ces derniers jours, avec l'arrestation de hauts fonctionnaires et la saisie de millions de bulletins de vote, ont encore durci les positions.
"Je ne comprends pas cet entêtement de Madrid. Ils n'écoutent pas, ne veulent pas comprendre. Ils nous considèrent comme des sujets: nous devons obéir et rien d'autre", s'indigne Ignasi Tort.
Cet informaticien de 50 ans a soutenu les indépendantistes ces dernières années, marquées par une tension croissante avec Madrid, tout en espérant un nouvel accord qui aurait permis de rester en Espagne.
Mais après l'offensive "honteuse" de Madrid, il a changé d'avis. "C'est là que tu te rends compte que l'indépendance est la seule issue possible", dit-il.
Sous pression de Madrid, l'organisation du référendum est de plus en plus incertaine.
A Nou Barris, Ignacio Pérez craint l'avenir: "si finalement le référendum ne se tient pas ou ne sert à rien, parce qu'il n'est pas légal, cela va générer énormément de frustration et pourrait empoisonner l'atmosphère".
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© Agence France-Presse