Au cimetière de l'Uranie, les fleurs disparaissent


Les fleurs naturelles sont remplacées par de pâles copies artificielles.
PAPEETE, le 30 octobre 2017 - Plus grand et plus ancien cimetière de Tahiti, l'Uranie est aussi le théâtre de nombreuses incivilités. Les familles qui se recueillent sur les tombes de leurs proches se plaignent de voir leurs décorations volées ou détruites.

Oiseaux de paradis, opuhi et tipaniers arrivent par dizaine en ce lundi matin au cimetière de l'Uranie. Deux jours avant la Toussaint, les familles se pressent à l'intérieur du royaume des morts. Elles remontent les allées pour se rendre auprès de la sépulture de leurs êtres chers. Avant d'arranger la nouvelle décoration des caveaux, les propriétaires entreprennent d'y effacer les marques du temps. Les tombes sont grattées, repeintes et lustrées. Les services de la mairie installent des guirlandes lumineuses au travers des 14 hectares. Tout le monde s'affaire pour que le cimetière soit prêt à accueillir les quelques 20 000 personnes qui viendront honorer les défunts à l'Uranie le 1er novembre.

Au milieu de ce tableau réaliste, un détail dénote. Sur les tombes, de plus en plus de fleurs artificielles ont chassé leurs cousines naturelles. Les couleurs ne sont pas aussi vives et les parfums, inexistants. Les familles le regrettent. Ce sont des choix qu'elles ont fait malgré elles. "Aujourd'hui, nous apportons de véritables fleurs car c'est bientôt la fête des morts, mais il nous faudra veiller. De plus en plus souvent, les fleurs nous sont volées. Nous retrouvons les pots vides, ou parfois, nous ne les retrouvons pas du tout", indique Vaimiti*, qui vient se recueillir chaque semaine sur la tombe de son mari et de ses enfants. Une voisine la rejoint.

La quinquagénaire a elle aussi remarqué le phénomène. "Chez nous, explique-t-elle en pointant une sépulture qui est en train d'être repeinte. Nous avons les mêmes soucis. Dès que nous déposons des fleurs fraîches, si nous revenons la semaine d'après, il n'y a plus rien."

BIBELOTS EMPORTÉS, CROIX CASSÉES

Des anges ont déjà été dérobés sur certaine tombe.
Fiu des incivilités, les usagers de l'Uranie ont prévenu le conservateur du cimetière et la mairie. En attendant que la clôture du cimetière soit terminée, ils préfèrent désormais mettre de fausses fleurs sur les tombes. Certains pensent que les plantes dérobées nourrissent les couronnes de têtes ou les bouquets revendus en ville. "Un jour, j'ai vu quelqu'un assis sur une tombe en train de faire une couronne avec des fleurs fraîches. Est-ce que ces fleurs venaient d'ici? Je ne sais pas. Mais cela pose tout de même question", explique un propriétaire, en replaçant un petit ange sur le dessus d'une tombe qu'il a retrouvé il y a peu. Car c'est aussi un problème à l'Uranie.

Les bibelots sont volés. "Désormais, nous sommes obligés de les marquer. Parfois, nous les retrouvons juste déplacées, installées sur d'autre sépultures mais souvent, nous ne les retrouvons jamais", souffle Vaimiti. Il y a moins d'un mois, elle a découvert au pied du caveau familial un amas de croix cassées. "Je ne comprends pas comment les gens peuvent faire ça!"

Le cimetière a accueilli ses premiers résidents en 1843. A l'heure actuelle, il s'étend sur 14 hectares et compte un peu plus de 16 000 sépultures. Un seul homme a en charge le gardiennage de ce lieu. Difficile de le préserver de tous les vols et de toutes les incivilités. Un des propriétaires de sépulture enrage: "Avant, c'était un endroit de paix mais maintenant, c'est terminé !"

Parole à Alexandre Berniere, conservateur du cimetière de l'Uranie

"Les vols de fleurs sont de plus en plus fréquents. Il y a une véritable augmentation des incivilités. L'Uranie n'est pas le seul cimetière concerné, partout ailleurs les vols de fleurs sont communs. Nous n'avons pas encore réussi à prendre quelqu'un en flagrant délit. Je ne sais pas ce que font les gens de ces fleurs. Peut-être qu'ils les revendent. Notre souci en tout cas est d'assurer plus de sécurité au cimetière et aux familles qui viennent s'y recueillir. Nous avons plusieurs travaux en cours. Nous allons clôturer entièrement le cimetière. Nous avons commencé l'année dernière et nous devrions avoir fini en 2018. Une fois que cela sera fait, nous allons mettre en place un filtre. Il n'y aura plus qu'une entrée pour accéder au cimetière, qui sera celle qui existe aujourd'hui. A l'heure actuelle, nous avons trois entrées. Nous avons un gardien mais il ne peut pas être partout en même temps."


Rédigé par Amelie David le Mardi 31 Octobre 2017 à 03:00 | Lu 4435 fois