Associations, Eglises et gouvernement côte à côte pour les 50 ans du 1er tir nucléaire


PAPEETE, le 2 juillet 1966. Un rassemblement était organisé ce samedi après-midi autour du monument dédié aux essais nucléaires. Les associations Moruroa e Tatou et 193 étaient entourées des représentants de l'Eglise protestante ma'ohi et de l'Eglise catholique et aussi du gouvernement, à travers la présence des ministres de la Santé et de l'Environnement. Quatre jours après ce cinquantenaire, les modifications du décret indemnisant les victimes des essais nucléaires seront discutées ce mercredi, à Paris.

Le 2 juillet 1966, Aldébaran explosait au-dessus de l'atoll de Moruroa. Cinquante ans plus tard, étaient réunis autour du monument dédié aux victimes des essais nucléaires à Papeete les associations Moruroa e Tatou, 193, les représentants de l'Eglise catholique et de l'Eglise protestante ma'ohi et les ministres de la Santé et de l'Environnement.
L'après-midi a été marquée par de nombreux chants religieux. Un peu trop au goût du président de l'association Moruroa a Tatou, Roland Oldham, qui regrettera qu'on n'ait pas donné "plus de temps aux associations et aux experts". Celui qui se bat depuis de nombreuses années pour les victimes des essais nucléaires et leurs familles a ensuite rappelé qu'il continuerait à œuvrer pour qu'un centre de mémoire soit construit "pour que cette histoire soit accessible à tout le monde".

Père Auguste, de l'association 193, qui a lancé avec le soutien de Moruroa e Tatou une pétition en début d'année pour que soit organisée un referendum sur la question des essais nucléaires a affirmé avoir récolté 45 200 signatures.
Aux côtés de ces deux hommes, il y avait le pasteur Taarii Maraea, président de l’Église protestante ma'ohi, qui a pris position contre les armes nucléaires et les essais nucléaires depuis de nombreuses années, mais il y avait aussi le Père Joël Auméran, vicaire général de l'Eglise catholique. Lors de sa prise de parole, ce dernier a mis en avant les "transformations non planifiées et radicales" et le "déséquilibre profond" entraînés par les essais nucléaires sur la société polynésienne. Il est ensuite revenu sur le discours du président de la République en février dernier qui répond "en partie à la nécessaire reconnaissance" des conséquences des essais nucléaires mais "ne calme pas les inquiétudes". Au nom de l'Eglise catholique, il a donc demandé que "la vérité soit faite par les institutions locales, nationales et internationales".

usqu'ici, l'Eglise catholique était resté en retrait sur ce sujet. "On ne savait pas. On nous disait que c'était des essais propres, on a eu confiance. Mais on s'est rendu compte que cette confiance a été abusée", explique Père Joël Auméran. "Aucun de nous, au sein de l'Eglise catholique, n'étions au courant de la réalité du fait nucléaire." L'Eglise catholique sera "dorénavant avec l'EPM et ceux et celles qui veulent la vérité et la justice".
C'est le ministre de la Santé Patrick Howell, qui a pris la parole samedi soir au nom du gouvernement. En tahitien, il a dit que "le président du gouvernement souhaiterait que toute la population soit unie face aux problèmes auxquels nous sommes confrontés provenant des expérimentations nucléaires." Le président du Pays n'est pas venu car il préparait son déplacement à Paris (lire ci-contre et en page 8), a expliqué Patrick Howell.

Indemnisations des victimes des essais nucléaires : les modifications du décret présentées mercredi

François Hollande avait annoncé en février au fenua son intention de modifier le décret d’application de la loi du 5 février 2010, dite Morin, pour l’indemnisation des anciens travailleurs du nucléaire.
Ce projet de décret sera examiné mercredi pour examen à la Commission consultative du suivi des conséquences des essais nucléaires, à Paris.
L’Etat devrait proposer notamment de baisser le seuil d’acceptation d’une causalité entre maladie radio-induite et rayonnements ionisants actuellement utilisé par le Civen(Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires). Mais ce point risque de faire débat, les associations notamment demandent à ce que ce "risque négligeable" ne figure simplement plus dans la loi.

Le nouveau décret devrait aussi prévoir de prendre en compte les éléments de jurisprudence contenus dans la position du Conseil d’Etat sur ce sujet, la révision de la méthodologie du Civen, la reprise des anciens dossiers rejetés par le Civen et la possibilité pour les demandeurs de recourir à de la visio-conférence pour ceux qui n’ont pas la possibilité de se rendre en métropole pour défendre leur dossier d’indemnisation.

Le président du Pays, Edouard Fritch, le président de l'assemblée, Marcel Tuihani, Roland Oldham, de l'association Moruroa e Tatou, ainsi que le représentant de l'association Tamarii Moruroa participeront à cette réunion.
En parallèle de ce travail sur ce nouveau décret, le gouvernement local travaille à la remise en service du comité de suivi des conséquences des essais nucléaires avec le retour de Bruno Barrillot comme délégué.

Bruno Barrillot a en effet été délégué au suivi des conséquences des essais nucléaires auprès du gouvernement polynésien jusqu'en 2013, date où il a été débarqué de ce poste par Gaston Flosse. "Si M. Bruno Barrillot est là, c'est aussi nous pour nous aider à objectiver et pour dépassionner", a commenté le ministre de la Santé. "Il appartient au président de confirmer (la mise en place du comité) quand il l'estimera utile."



Rédigé par Mélanie Thomas le Samedi 2 Juillet 2016 à 20:01 | Lu 2717 fois