Assises du Medef : L'innovation dans tous ses états


Au milieu : Thibault Lanxade, vice-président du Medef France, avec Olivier Kressmann, président du Medef Polynésie. Ils sont entourés de Patricia Lo Monaco (Api Formation), Winiki Sage (président du CESC), Fanny Gosse (Manuia Gosse), Elisabeth Albert (Cabinet BDO Tahiti, intervenante aux Assises)
PUNAAUIA, le 10 mars 2016 - Moderniser ou mourir, tel était le credo martelé aux chefs d'entreprise qui assistaient aux Assises du Medef ce jeudi 10 mars. On y parlait technologies, open-data, financement, mais aussi management participatif et développement durable. Les entrepreneurs étaient particulièrement intéressés.

Pendant toute une journée, les chefs d'entreprise présents aux 9èmes Assises du Medef ont vu se succéder les intervenants. Ls étaient treize en tout, et pour assurer un format moderne et dynamique, ils n'avaient droit qu'à des interventions de 15 minutes. L'initiative a été un vrai succès, avec des spectateurs attentifs et intéressés.

Surtout, le contenu était de qualité, avec un tour de table très large sur la notion de l'entreprise innovante. Il ne s'agissait pas de start-ups ou de pros des hautes technologies venus présenter les derniers outils de collaboration en cloud, mais au contraire la colonne vertébrale de l'innovation : les nouvelles sources de financement, la gestion moderne d'une équipe de salariés, la gestion des données de l'entreprise, l'adaptation à la nouvelle loi sur la concurrence ou aux changements climatiques… Mais laissons les acteurs de ces Assises en parler, pris au vif au moment du déjeuner :

Elodie Lansun, directrice d'exploitation de la société Avis

Ce matin vous avez présenté la profonde réforme que vous avez effectuée dans votre entreprise. Quelle a été votre expérience ?
"Nous, l'innovation que nous avons apportée a été de redonner du sens à nos équipes, de faire confiance aux collaborateurs. Ils ont de bonnes idées. En tant que manager, on fait confiance on descend d'un cran."

En pratique qu'avez-vous changé ?
"En fait, en 2014 nous avons eu de grosses difficultés, qui nous ont forcées à nous remettre en cause. On est partis du parcours client, en se disant que comme le client à du pouvoir, il faut qu'on s'en occupe bien. Et pour ça, est-ce que nos équipes sont bien engagées ? Ce qu'on a fait, c'est que nous avons expliqué à nos collaborateurs, 'voilà, ça ne va pas. Le chiffre baisse, voilà nos challenges, mais on ne pourra pas y arriver seuls, on a besoin de vous. Donc aujourd'hui, nous, en tant que managers, on va arrêter de vous donner des ordres et des directives, et on va travailler avec vous à la manière d'un coach d'équipe.' L'idée c'est de faire quelque chose de très participatif. On a fait des petites tables rondes dans chaque équipe où le manager s'est un peu remis en cause en disant 'dites-moi ce qui ne va pas chez moi, dites-moi ce qu'il faut que je change pour qu'on y arrive ensemble'. On leur a aussi dit que c'était OK pour eux de s'éclater au boulot, parce que plus ils s'éclatent au bureau, plus ils sont top avec les clients."

Du coup ils sont venus en short, ou avec leurs chiens ?
"Haha, non. Parce qu'on a aussi défini une vision commune, un projet qui nous tient tous les jours. Nos valeurs c'est Have Fun, l'authenticité et l'excellence. On regroupe toute l'équipe autour de ce cadre commun, puis on laisse la liberté à chacun. Et maintenant les gens n'ont plus peur de parler à leur manager, ils ne se sentent plus jugés par rapport à des erreurs qu'ils font. On ne cherche plus un coupable, mais à comprendre ce qu'il s'est passé, la situation, et on se rend compte que souvent c'est parce que le processus n'est pas bien fait, ou ils ne savent pas… Et ensuite on demande qui veut se charger du process, les volontaires se présentent, et on se rend compte qu'ils y réfléchissent toute la nuit et arrivent avec des solutions !"

Le manager a-t-il encore un rôle dans cette organisation ?
"Il reste le moteur quand même. Il ne donne plus de directive, mais il entraine son équipe, il doit donner cette impulsion aux collaborateurs, dans le sens où il a tout de même la responsabilité du projet."

Guy Stalens, directeur général de la TEP, spectateur des Assises

Qu'avez-vous appris aujourd'hui ?
"C'était très intéressant à plus d'un titre. D'abord parce qu'on voit qu'il y a une prise de conscience sur le fait que l'innovation doit inspirer les entreprises de Polynésie, et apparemment les politiques sont bien dans cette ligne-là. Et aussi sur le fait que l'innovation n'est pas seulement technique, elle est aussi managériale."

Votre entreprise est dans un secteur très industriel, le transport d'électricité à haute tension, mais même là il y a beaucoup d'innovations, surtout technologiques.
"Oui, toutes les informations nécessaires à la gestion du réseau passent par des réseaux de communication, des serveurs informatiques qui collectent les données, les exploitent et les transmettent. La TEP est un opérateur numérique privé, avec un réseau privé important."

La TEP parlait d'ailleurs à un moment d'ouvrir sa fibre optique à des entreprises…
"Alors oui, la TEP pourrait se positionner pour offrir des capacités à des opérateurs dont c'est le métier. Ce serait une véritable innovation, mais rien que pour faire ça il faudrait une modification de nos statuts de façon à nous autoriser de commercialiser ces capacités."

Dans ce que vous avez appris, certaines choses vont-elles influencer votre management ?
"Et bien, à la TEP, avec Laurent Devemy qui intervient cette après-midi et est l'instigateur du renouveau du management en Polynésie, nous avons mis en place un management participatif, et la motivation est repartie grâce à ça. Ça fonctionne. Je l'avais déjà éprouvé dans une vie intérieure donc je l'ai mise en place, mes collègues étaient sceptiques, et finalement aujourd'hui ils sont contents de travailler à la TEP parce que nous avons changé le mode de management. Nous avons responsabilisé tous les salariés, même les plus "petits", partagé les objectifs de l'entreprise, en accordant à chaque manager un pouvoir dans son domaine de compétence et au sein de son équipe. Désormais, les équipes se fixent elles-mêmes les moyens d'atteindre leurs objectifs, elles prennent ça comme un défi personnel et sont beaucoup plus motivés. Alors que si on leur donne à la fois les objectifs, les moyens, les délais, etc., ils se sentent contraints."

Christian Montet, professeur de Science économiques l'Université de la Polynésie française

De quoi allez-vous parler cette après-midi ?
"Des entreprises face au droit de la Concurrence. Les chefs d'entreprise suivent ce dossier de près, et ils sont inquiets car ça vient d'arriver en Polynésie. Ils ont des habitudes de fonctionnement avec l'administration et le gouvernement, là c'est une autorité indépendante qui vient changer les choses."

Qu'est-ce que loi va changer dans le quotidien des entreprises ?
"Alors c'est à la fois une menace pour certaines entreprises qui abuseraient de leur position dominante ou seraient dans ces processus d'entente avec des concurrents, et là effectivement il faudra rectifier les pratiques pour éviter de tomber sous le coup de sanctions qui peuvent être très importantes, jusqu'à 5% du chiffre d'affaires. Mais pour les entreprises qui respectent le Code, il n'y a pas à le craindre, ça va au contraire leur assurer des conditions de concurrence équitables."

Cette loi vous semble bien faite ?
"J'ai toujours plaidé pour cette loi, avec Florent Venayre nous avons écrit un livre entier sur le sujet. Je suis expert sur ces questions en métropole depuis longtemps, et la loi est plutôt bien faite. Elle contient les trois piliers essentiels : la sanction des ententes, la sanction des abus de position dominante et le contrôle des fusions. De ce point de vue c'est bien fait, ensuite dans le détail il y a deux trois points qui peuvent poser problème. Rien de grave, et c'est le message que je vais faire passer à la fin de mon intervention, c'est qu'il peut y avoir des améliorations, et avec le recul, dans trois quatre ans, il y a quelques articles qui pourront être retouchés. Et manifestement la nouvelle Autorité n'a pas envie de chômer puisqu'elle s'est mise au travail tout de suite avec une série d'auto-saisines qui viennent d'être publiées, et le gouvernement ne pourra pas ignorer ses avis. Elle devrait changer notre économie en profondeur, indubitablement. La seule inquiétude provoquée par l'arrivée de ce droit et de cette autorité commence à en discipliner certains."

Gaspar Toscan du Plantier, directeur général de la Sofidep

De quoi allez-vous parler lors de votre intervention ?
"Je vais parler du financement des entreprises et de leur pérennité. Ces chefs d'entreprise sont déjà bien versés dans ces sujets, mais je me suis dit qu'il n'est pas mauvais de rappeler les fondamentaux, notamment dans la décision d'investissement et son financement."

Justement, il semble que ce soit le moment d'investir, pour profiter de la reprise attendue par les patrons.
"On dit effectivement qu'on fait ses affaires au son du canon, c'est l'expression. Là dans mon intervention, il ne s'agit pas forcément de rachat de sociétés, mais d'investissements productifs au sein de l'entreprise. Je parle de la nécessité d'investir pour un entrepreneur, d'une part pour remplacer tout ce qui est obsolète, mais aussi pour moderniser son entreprise et innover. Parce que pour moi, c'est la clé de la compétitivité d'une entreprise, et donc de sa croissance. Si je n'investis pas, des concurrents vont arriver sur le marché, qui eux vont innover, qui auront une nouvelle proposition pour les clients. Soit ils auront de meilleurs produits, soit avec leur meilleure productivité ils pourront être moins chers. Ne pas investir, c'est se diriger vers une mort lente."

Vous allez aussi parler des bons et des mauvais investissements. Comment fait-on la différence ?
"Prendre une décision d'investissement, quand elle semble nécessaire, c'est la première étape. Mais elle doit se prendre à l'aune des financements qui s'offrent à vous. Il y a quelques règles à respecter absolument. D'abord, il faut avoir une entreprise rentable. Si l'entreprise ne génère pas d'excédent brut d'exploitation, il ne sert à rien d'innover, il faut changer de business. Il faut aussi s'assurer que l'entreprise est liquide et solvable, et respecte certains ratios financiers dans son choix de financement, entre les capitaux propres, investisseurs ou prêts. Tout ça pour s'assurer que si l'investissement échoue, l'entreprise n'en mourra pas. Ne pas investir c'est se diriger vers une mort lente, mais un mauvais investissement peut vous conduire à une mort rapide !"

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 10 Mars 2016 à 17:49 | Lu 2130 fois