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Assemblée Nationale: Intervention du député Bruno Sandras


photo d'archives AFP: Michel Buillard et Bruno Sandras, les deux députés de Polynésie française devant l'assemblée nationale
photo d'archives AFP: Michel Buillard et Bruno Sandras, les deux députés de Polynésie française devant l'assemblée nationale
PLF 2011 – Outre-mer – 3 novembre 2010 – Assemblée nationale
Intervention du député Bruno Sandras – Polynésie française

Madame la Ministre, Monsieur le Président, Chers collègues,

Je voulais avant toute chose vous remercier de l’attention dont vous avez fait preuve à l’égard des Polynésiennes et des Polynésiens, non seulement en vous rendant par deux fois en Polynésie française cette année, mais aussi en veillant à la bonne organisation des deux missions qui s’y sont déroulées :

- la première conduite par Mme Anne BOLLIET, inspectrice générale des finances, qui a, dans son rapport rendu en septembre, fait un bilan exhaustif et sans concession de la situation financière et économique de notre collectivité ;

- la seconde menée par M. Jacques Barthélémy, conseiller d’Etat, qui a permis de définir les contours d’une réforme du mode de scrutin et du fonctionnement de nos institutions, aussi urgente qu’indispensable.

Madame la Ministre, si j‘insiste sur cette double démarche que vous avez soutenue et appuyée, c’est parce qu’en examinant le budget de votre ministère, j’y retrouve les mêmes préoccupations : celles de voir conduites les affaires publiques, les affaires de la France et de l’Outre-Mer en particulier, à l’aune d’une plus grande responsabilité et d’une véritable implication des acteurs locaux dans la gestion de leur collectivité. Une implication qui doit prendre en compte les besoins réels de la population et, pour ce faire, être frappée du sceau de l’intérêt général.

Aujourd’hui, il faut le dire clairement, ce n’est pas ici à Paris, au sein de cet hémicycle que se joue l’avenir de la Polynésie française... Non… les clés de l’avenir de la Polynésie sont bien entre les mains des Polynésiens et elles reposent sur deux conditions majeures qui doivent être rapidement réunies :

 Le retour à la stabilité politique est le préalable indispensable à toute chose… Permettre à la Polynésie française de se construire autour d’un nouveau modèle de développement, ne pourra se faire sans que l’on s’assure, qu’émerge une majorité suffisamment forte pour garantir la mise en œuvre, dans la durée, de mesures qui nécessitent conviction, détermination et persévérance dans l’effort, dans les efforts à conduire.
 Les grandes lignes de la réforme que vous avez exposées devant les Polynésiens lors de votre dernier séjour, vont dans ce sens… En faudrait-il une meilleure preuve que l’opposition qu’elle suscite de la part de tous ceux qui, successivement au pouvoir tout au long de ces dernières années, ont tour à tour contribué et profité de cette instabilité, conduisant la Polynésie française dans le gouffre où elle se trouve aujourd’hui ?




Il faut, et vous l’avez bien compris Madame la Ministre, faire la place à la réforme, faire la place à une nouvelle génération qui rompe avec les pratiques et les comportements d’hommes politiques du passé … d’hommes politiques dépassés.

Peut-être que ce projet de budget est le signe avant-coureur de ce retour à la raison et à l’intérêt général que nous attendons tous.
Il sera en effet pour la Polynésie française, le budget de la réforme de la dotation globale de développement économique, qui fera que dorénavant, la Polynésie française, comme les autres collectivités de la République, verra les concours financiers que l’Etat lui apporte, sanctuarisés dans la loi.
Et je tiens particulièrement à saluer ici la cohérence des instruments financiers qui ont été mis en place ces dernières années et qui permettent aujourd’hui à l’Etat, sur les secteurs les plus primordiaux, d’accompagner la Polynésie française dans la réalisation de ses investissements publics :
- le logement social, la santé et l’environnement (eau, assainissement, déchets) au titre du contrat de projets 2008-2013 ;
- les constructions de l’enseignement secondaire, au titre de la dotation globale d’investissement du ministère de l’éducation nationale ;
- et enfin, les missions de base de l’équipement (routier, maritime, aéroportuaire et défense contre les eaux) au titre du nouveau dispositif venu remplacer l’actuelle DGDE et qui entrera en vigueur dès le début de l’année prochaine.

En matière d’investissements publics, la palette de l’Etat dans son partenariat financier vis à vis de la Polynésie française peut donc aujourd’hui, à juste titre, être considérée comme complète et l’on ne peut que s’en réjouir.

Ceci étant, au-delà de la panoplie, la capacité réelle de ces dispositifs à répondre aux besoins avérés de notre collectivité, pourrait être fortement obérée, si un certain nombre d’interrogations n’étaient pas levées quant à leur ampleur et quant à leurs procédures de mise en œuvre :
- Tout d’abord, la dotation globale d’investissement versée par le ministère de l’éducation nationale, dispositif contractuel transitoire mis en place en 2007 dans l’attente de l’instauration d’une dotation globale de compensation, n’a eu de cesse de décroître depuis sa création : 10 millions d’euros en 2007, 5 en 2008, 3,5 en 2009 et 2010 et seulement 1,25 million d’euros prévu en AE pour l’année prochaine …
Je suis perplexe … Comment un dispositif transitoire (il est d’ailleurs prévu qu’une commission d’évaluation des charges soit constituée) … Comment un dispositif transitoire (donc) peut-il s’avérer dégressif dans les faits ? S’agirait-il d’une erreur, d’un détachement progressif imputable aux 20 000 kms qui nous séparent de la métropole et des directions centrales parisiennes ?

Je vous remercier par avance, Madame la Ministre, des explications que vous seriez en mesure de me donner sur ce sujet, hautement préoccupant. Au-delà de la nécessité de nouvelles constructions, certains de nos établissements nécessitent des travaux urgents de rénovation et de remise aux normes pour pouvoir accueillir leurs collégiens et lycéens dans des conditions décentes et en toute sécurité.

- Par ailleurs, j’avais, l’année dernière, lors de la discussion du projet de loi du budget de l’Outre-mer pour 2010, noté que s’agissant de l’ancienne DGDE, le montant des crédits de paiement inscrits ne couvrait pas celui des autorisations d’engagement. Vous m’aviez alors assuré que, si l’exécution budgétaire des opérations d‘investissement bénéficiant au sein du budget de la Polynésie du concours financier de la DGDE nécessitait d’abonder ces crédits, ils le seraient.
Le troisième volet du nouveau dispositif contractuel semble s’inscrire à nouveau dans cette même logique, seulement 7 696 920 euros de crédits de paiement étant adossés aux autorisations d’engagement inscrites pour 53 312 800 d’euros.

J’en déduis, et je souhaiterais, Madame la Ministre, que vous puissiez me le confirmer, que la couverture des autorisations d’engagement en crédits de paiement se fera bien, in fine, en tenant compte du niveau d’exécution des opérations d’investissement dans les secteurs concernés par ce troisième volet.

La rénovation des relations financières entre l’Etat et la Polynésie française constituait une thématique importante mise en exergue par les états généraux de l’outre-mer en Polynésie française. Elle soulignait notamment la nécessité de voir assainie une certaine façon de gérer les affaires publiques et il est important en ce sens qu’elle ait pu être menée à bien.

Il faut toutefois ne pas perdre de vue la nécessité de situer cette réforme dans le cadre de l’exigence affirmée par la grande majorité des Polynésiens de voir mis en oeuvre un nouveau modèle de développement où l’esprit d’initiative, la volonté d’entreprendre, de créer, sont encouragés et valorisés.

Le secteur privé doit retrouver toute sa place dans le fonctionnement de notre économie locale en même temps que nous desserrons l’emprise que les pouvoirs publics exercent sur bien trop de secteurs relevant d’une activité concurrentielle.
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A cet égard, je vous demande de tout faire pour que se poursuivent les mesures de défiscalisation pour le secteur des énergies renouvelables… Ne coupons pas les ailes prématurément à un secteur qui peut, par son développement, répondre à la fois à des préoccupations conjoncturelles liées à la crise que nous connaissons, et à la volonté également affirmée de favoriser l’exploitation des ressources locales.
Je profite également de l’occasion pour saluer l’engagement de l’Etat, aux côtés de la Polynésie française, dans le financement des études de faisabilité * de ce qui doit devenir la première centrale « d’énergie thermique des mers » au monde. L’opportunité pour la France de prendre le leadership international dans un domaine d’avenir hautement stratégique.

Avant de conclure, Madame la Ministre, je voudrais aussi revenir sur la situation sociale en Polynésie française. Vous avez pu mesurer le retard considérable qui existe en matière de logement social et les difficultés à progresser aussi rapidement qu’il serait souhaitable en ce domaine… Vous avez pu prendre connaissance des chiffres en matière de pauvreté qui sont édifiants… Vous savez les difficultés mais aussi les efforts faits pour préserver le système de protection sociale en Polynésie française.

En ces domaines où se pose la question essentielle de la solidarité envers les plus démunis, nous devons réfléchir ensemble, afin que l’Etat y prenne ou y reprenne toute sa place…

La continuité territoriale, la contribution de l’Etat à des politiques sectorielles ciblées dans les domaines de la santé, de la solidarité, de l’éducation sont autant de sujets où nous avons encore à progresser ensemble pour qu’ils puissent être traités de la manière la plus efficace, la plus pertinente et la plus efficiente possible.

Pour finir, Madame la Ministre, je voudrais vous dire combien les Polynésiens ont pu apprécier votre franchise et votre détermination pour les aider à surmonter une situation difficile.
Nous savons aussi combien vous êtes soucieuse de ce que les Polynésiens fassent leur propres choix et les assument.

Je ne peux en tant que député de la République que saluer cette préoccupation… Et je vous le dis sans détours… Ne refusons pas aux Polynésiens la possibilité de faire ces choix à l’occasion de nouvelles élections et de saisir ainsi la chance de se donner une véritable majorité pour changer vraiment.
Pour conduire la réforme, nous devons renouer avec un exercice du pouvoir fondé sur la légitimité du suffrage universel, et sur la prise en compte de l’intérêt général.

Madame la Ministre,
Vous pouvez comptez sur mon soutien et sur mon vote.

Bruno SANDRAS

***
*
NB * A ce jour, le site d’exploitation a été sélectionné, le système énergie est défini et les calculs préliminaires de la centrale de 10 MW ont bien avancé. A l ‘horizon mi 2011, la Polynésie française qui, aux dires des experts, bénéficie du site idéal parmi tous ceux envisagés, disposera donc des éléments notamment financiers complets pour passer en phase de réalisation.)


Rédigé par communiqué le Jeudi 4 Novembre 2010 à 08:31 | Lu 652 fois