Bordeaux, France | AFP | samedi 26/08/2022 - Les incendies monstres de l'été en Gironde pourraient donner au vin bordelais un goût "désagréable" de fumée, estime Pierre-Louis Teissedre, premier vice-président de l'Union des œnologues de France et professeur à l'Institut des Sciences de la Vigne et du Vin Bordeaux-Aquitaine, quelques jours avant une conférence sur le sujet près de Bordeaux.
Question: Les fumées dégagées par les incendies auront-elles des conséquences sur le millésime 2022 ?
Réponse: "Il est trop tôt pour les estimations. Il faut attendre la fin des vinifications, et surtout les résultats des analyses effectuées sur les zones touchées. Là où les fumées ont été plutôt dissipées, l'impact sera sûrement plus faible, mais pour les zones à proximité des incendies, notamment celle qui borde les Graves, le risque est certain.
Tout va dépendre du niveau de contamination des baies, et si les parcelles ont été touchées de manière hétérogène ou homogène. Si 10% d'une parcelle sont contaminés, avec une fumée faiblement concentrée en phénols volatils (molécules responsables de l'odeur de fumée, ndlr), peut-être que l'effet ne sera pas si important sur le goût du vin. La durée de contamination va aussi entrer en jeu: avec un feu assez intense et une quantité suffisante de phénols volatils qui se fixent sur la pellicule de la baie, une journée ou deux suffisent pour créer des problèmes qualitatifs.
In fine, le vin risque d'avoir tout simplement un goût de fumée. Et plus c'est intense, plus c'est un souci. Ça masque tout le reste, toutes les caractéristiques agréables du produit, comme les arômes fruités ou floraux. Et même dans des concentrations faibles, l'impact peut être relativement important. Ça peut être suffisamment désagréable pour que l'on n'ait pas envie de consommer le produit."
Q: De quelle façon ce goût de fumée se retrouve-t-il dans le vin ?
R: "La combustion du bois entraîne une pyrolyse d'un certain nombre de polymères, qui sont des éléments constitutifs du bois, et cela va notamment dégager dans l'air des phénols volatils. Les composés vont se déposer sur les raisins et être absorbés grâce à la pruine, une couche à l'extérieur de la baie possédant des corps gras, puis vont se lier à des sucres au niveau de la pellicule ou de la pulpe du raisin, et devenir inodores.
La révélation du goût de fumée se fera par l'action des enzymes au moment de la vinification, lors de la fermentation dans les deux-tiers des cas, mais aussi durant l'élevage (repos en cuve ou en fût, ndlr), de la mise en bouteille ou plus tard, pendant la dégustation. Car il ne faut pas oublier que nous avons des enzymes aussi au niveau buccal !
Et tout cela, c'est un problème. C'est un peu une bombe à retardement. On pense que notre vin est terminé, et clac ! Quelque chose apparaît."
Q: Comment lutter contre ce phénomène ?
R: "Logiquement, il faudrait bien évidemment éviter les incendies. Sinon, couvrir les vignes avec des films protecteurs, mais cela deviendrait assez compliqué. De nos jours, certains produits œnologiques commencent à être développés de façon à fixer les composés responsables de l'odeur de fumée, par exemple.
En Australie, cela fait plus de dix ans que la question se pose, comme en Californie, en Afrique du Sud ou au Chili. Dans le Bordelais, on n'avait jamais connu ça jusqu'à maintenant. On pensait être protégés. Or les risques sont assez importants. Cette année, il y a même eu des feux dans le Jura, une région connue pour son vin jaune !
Il faut aussi poursuivre la recherche, trouver des solutions préventives et curatives au niveau de la vigne et du chai pour éviter de mauvais jours, en particulier chez les vignerons qui s'efforcent de tirer une identité d'un terroir et l'authenticité d'un goût."
Question: Les fumées dégagées par les incendies auront-elles des conséquences sur le millésime 2022 ?
Réponse: "Il est trop tôt pour les estimations. Il faut attendre la fin des vinifications, et surtout les résultats des analyses effectuées sur les zones touchées. Là où les fumées ont été plutôt dissipées, l'impact sera sûrement plus faible, mais pour les zones à proximité des incendies, notamment celle qui borde les Graves, le risque est certain.
Tout va dépendre du niveau de contamination des baies, et si les parcelles ont été touchées de manière hétérogène ou homogène. Si 10% d'une parcelle sont contaminés, avec une fumée faiblement concentrée en phénols volatils (molécules responsables de l'odeur de fumée, ndlr), peut-être que l'effet ne sera pas si important sur le goût du vin. La durée de contamination va aussi entrer en jeu: avec un feu assez intense et une quantité suffisante de phénols volatils qui se fixent sur la pellicule de la baie, une journée ou deux suffisent pour créer des problèmes qualitatifs.
In fine, le vin risque d'avoir tout simplement un goût de fumée. Et plus c'est intense, plus c'est un souci. Ça masque tout le reste, toutes les caractéristiques agréables du produit, comme les arômes fruités ou floraux. Et même dans des concentrations faibles, l'impact peut être relativement important. Ça peut être suffisamment désagréable pour que l'on n'ait pas envie de consommer le produit."
Q: De quelle façon ce goût de fumée se retrouve-t-il dans le vin ?
R: "La combustion du bois entraîne une pyrolyse d'un certain nombre de polymères, qui sont des éléments constitutifs du bois, et cela va notamment dégager dans l'air des phénols volatils. Les composés vont se déposer sur les raisins et être absorbés grâce à la pruine, une couche à l'extérieur de la baie possédant des corps gras, puis vont se lier à des sucres au niveau de la pellicule ou de la pulpe du raisin, et devenir inodores.
La révélation du goût de fumée se fera par l'action des enzymes au moment de la vinification, lors de la fermentation dans les deux-tiers des cas, mais aussi durant l'élevage (repos en cuve ou en fût, ndlr), de la mise en bouteille ou plus tard, pendant la dégustation. Car il ne faut pas oublier que nous avons des enzymes aussi au niveau buccal !
Et tout cela, c'est un problème. C'est un peu une bombe à retardement. On pense que notre vin est terminé, et clac ! Quelque chose apparaît."
Q: Comment lutter contre ce phénomène ?
R: "Logiquement, il faudrait bien évidemment éviter les incendies. Sinon, couvrir les vignes avec des films protecteurs, mais cela deviendrait assez compliqué. De nos jours, certains produits œnologiques commencent à être développés de façon à fixer les composés responsables de l'odeur de fumée, par exemple.
En Australie, cela fait plus de dix ans que la question se pose, comme en Californie, en Afrique du Sud ou au Chili. Dans le Bordelais, on n'avait jamais connu ça jusqu'à maintenant. On pensait être protégés. Or les risques sont assez importants. Cette année, il y a même eu des feux dans le Jura, une région connue pour son vin jaune !
Il faut aussi poursuivre la recherche, trouver des solutions préventives et curatives au niveau de la vigne et du chai pour éviter de mauvais jours, en particulier chez les vignerons qui s'efforcent de tirer une identité d'un terroir et l'authenticité d'un goût."