Après les annonces, les associations attendent l'application


À chaque étape de sa visite de Papeete, le président François Hollande a pu apercevoir ces manifestants habillés tout en rouge, avec leurs banderoles.
PAPEETE, le 22 février 2016 - Plusieurs associations, dont les principales étaient l'association 193 et Moruroa e Tatou, attendaient le Président de la République de pied ferme sur la question du nucléaire. Un sujet que le chef de l'État n'a pas éludé, avec plusieurs annonces dans le sens des revendications. Restera, pour les associations, à voir leur mise en application.

Ils étaient prévus sur tout l'itinéraire de la visite présidentielle à Papeete. Avec moins d'une centaine de manifestants mobilisés, il a fallu être mobile et chanter fort pour se faire remarquer, mais l'objectif a été atteint. Quelques dizaines de bénévoles autour du marché ou à l'Hippodrome de Pirae, une soixantaine pour faire la rotation entre le Monument aux morts de l'Avenue Pouvana'a a Oopa et Tarahoi, et des banderoles aux messages forts : les passants et la délégation présidentielle n'ont pas pu les rater.

Rongonui Tchoung, de la section de Mahina de l'association 193 portant cette banderole représentant un essai nucléaire aérien, expliquait en début de matinée être là pour "manifester, montrer au président que nous tenons ferme sur les revendications de notre association, à savoir la demande de pardon et de réparation sur le fait nucléaire. On y croit, aujourd'hui nos revendications pourraient être entendues, pourquoi pas. Sinon on continuera le combat. Rome ne s'est pas faite en un jour !"

Mais après avoir été reçus dans la matinée par la conseillère pour les dossiers Climat et environnement de François Hollande, Marie-Hélène Aubert, les associations étaient restées sur leur faim. Les annonces étaient réservées au président. Moins d'une heure plus tard, des annonces ont effectivement été faites lors du grand discours de François Hollande à la Présidence : reconnaissance de la légitimité des revendications des victimes et des conséquences environnementales des essais nucléaires, création d'un institut d'archives "afin que la jeunesse polynésienne n'oublie pas cette période de notre histoire commune", dotation du service oncologie du CHPF de 700 millions de francs et de trois médecins internes, et surtout une révision du décret de la loi Morin pour permettre d'indemniser de plus de victimes.

"NOUS SOMMES MITIGÉS, MAIS IL Y A DES AVANCÉES"

Le père Auguste Uebe-Carlson, président de l'association 193, nous a expliqué par téléphone, juste après le discours de Hollande, être "mitigé, la France ne s'est pas excusée, même si en apparence il y a des avancées, comme la reconnaissance de nos revendications. Maintenant, nous attendons de voir dans la pratique. Mais il y a tout de même de bonnes nouvelles, comme ces trois médecins en oncologie, ils vont permettre d'accompagner les malades. Il y a aussi la source d'archives, pour éduquer la jeunesse à ce qu'il c'est passé."

C'est plus le manque de détails des autres annonces qui met l'activiste en porte-à-faux. "Sur les décrets de la loi Morin, il affirme qu'ils vont retirer la mention "non-négligeable", mais qu'est-ce que ça va changer sur les dossiers, est-ce qu'ils vont faciliter les indemnisations ? On verra avec les nouveaux décrets d'application. Ça manque de logique sur la reconnaissance. Par exemple les études sur les maladies transgénérationnelles, il n'en a pas parlé."

Le mot de la fin pour le président de l'association 193 : "c'est un pas dans la bonne direction, ce sont des avancées, mais on ne lâchera rien. On verra comment ce discours sera appliqué."

Les forces de l'ordre ont encadré les manifestants à chaque fois que le président passait

Les "petites" associations

Chef coutumier Miko

"Je suis le Grand chef du Triangle du Pacifique. Nous sommes venus à la rencontre de notre président Hollande, dans l'honneur et le respect. Nous demandons surtout l'application des traités, les restitutions de terres et les réparations. Il y a là plusieurs chefs coutumiers de la Atooi Nation. Là-bas ce sont les gens de Moruroa e Tatou, nous c'est différent, chacun son rôle. Nous sommes les chefs coutumiers, venus à la rencontre du Président, pour avoir un accord de reconnaissance avec la République, et le pardon pour notre peuple. Mais toujours dans l'alliance. Le contrat c'est le traité de 1880, le plus important."

Avivi Manua, président de l'association Haoroagai
"Notre association s'occupe du problème de la pollution à Hao. A la conseillère du président, nous lui avons demandé simplement de retirer toutes ces terres polluées, et de les sortir de l'atoll. On ne veut pas qu'on les enterre à Hao, ça suffit avec les 30 ans d'essais nucléaires, on ne veut plus de la deuxième image. En ce moment à Hao, avec le projet aquacole, l'Etat français est obligé de décontaminer, et l'année dernière en avril ils avaient déjà creusé des trous pour enterrer ces terres polluées. Les propriétaires sont montés au créneau et ils ont refermé ces trous… Mais le président du Pays a déjà signé l'autorisation pour enfouir ces terres polluées, mais nous ne sommes pas d'accord !"

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Lundi 22 Février 2016 à 16:24 | Lu 1762 fois