Après l'accident mortel de Papara : «Je suis révolté que le Pays ne fasse rien»


La ligne droite de Papara, la roulette russe pour les enfants qui traversent cette route chaque jour en sortant du bus scolaire.
PAPARA, jeudi 24 octobre 2013. On ne se remet pas de la mort d’un enfant. A Papara, la famille Bernadino pleure Keala. La collégienne de 11ans a été fauchée par une voiture après être descendue du bus de ramassage scolaire, le 7 octobre dernier. En plus de la souffrance, il y a la colère provoquée par l’absence de réaction des autorités, sur le terrain.


C’est une ligne droite parfaite. «C’est peut-être la plus longue de Tahiti, elle doit faire environ 2,5 km jusqu’à Mataiea» précise Félix Bernardino, l’oncle de Keala. Sur cette portion de route, il n’y a pas de limitation de vitesse. Les voitures sont autorisées à circuler jusqu’à 80 km/h. «Il faut les entendre passer, les motos, les voitures, certains vont bien plus vite». En apparence, cette ligne droite n’offre que peu de danger. Seulement voilà, c’est sur cette ligne droite, où les voitures peuvent circuler à pleine vitesse, que les enfants, utilisant le ramassage scolaire, sont déposés par le bus, côté mer, en bord de route. Pour aller du côté montagne, il n’y a pas de passage clouté, pas de ralentisseur, pas de signaux.

Faute d’accompagnateur dédié dans le bus, les enfants sortent du véhicule et tentent de traverser, comme ils le peuvent, à l’arrière du bus, qui redémarre aussitôt après les avoir déposés. Ce lundi 7 octobre, quatre ou cinq enfants sont au PK 40 avec deux voies de circulation à traverser, sur une ligne droite à perte de vue. Ils s’avancent sur la chaussée, par l'arrière du bus qui repart aussitôt les enfants descendus. Un premier enfant est harponné par la voiture qui vient de Taravao par son sac-à-dos, il va tomber quelques mètres plus loin sans être blessé ; en revanche, Keala en 2e position est percutée de plein fouet par la voiture. Le bus scolaire ne s’est pas arrêté.

Vingt jours après ce drame, la famille Bernardino constate l’absence de Keala jour après jour et l’inertie des autorités. L’une et l’autre sont des tortures. «Pour Keala c’est trop tard, c’est fini. Mais les enfants ne sont toujours pas en sécurité ici. Personne du gouvernement ne s’est déplacé ici pour voir l’endroit où cela s’est passé. C’est dangereux et rien n’a été fait. Moi je veux qu’ils viennent sur place, qu’ils se rendent compte de la situation». Les mesures de durcissement de la réglementation à l’égard des grands excès de vitesse annoncées par le ministère de l’Equipement n’y changeront rien.

Ce que regrette Félix Bernardino c’est qu’en dépit de la mort de Keala, sur cette grande ligne droite de Papara, rien encore n’est venu sécuriser la traversée des enfants qui, tous les jours, jouent à la roulette russe pour regagner leurs maisons. Pas une limitation de vitesse, pas un passage piéton, pas même un abribus pour alerter les automobilistes que le bus scolaire s’arrête ici chaque jour et que des enfants en descendent. «Moi-même je le reconnais et je fais mon mea culpa, avant, je ne faisais pas forcément attention aux bus scolaires sur la route, tant qu’on n’est pas concernés on ne fait pas gaffe, mais un jour il y a le drame…il ne faut pas attendre que ça arrive, c’est trop dur ! Il faut que tout le monde prenne conscience du danger, que les autorités se réveillent ! », continue Félix Bernardino qui préconise donc des mesures pour alerter les automobilistes : «Un bus avec des gyrophares qui seraient actionnés au moment des arrêts, un passage clouté aussi», quelque chose pour que les voitures qui arrivent en face à 80 km/h (ou plus) soient obligées de ralentir.

Il donne encore quelques idées au gouvernement et suggère que les aides aux familles (Te Tauturu Utuafare) puisse donner lieu à un véritable emploi pour les bénéficiaires celui de convoyeur de bus pour aider les enfants à traverser. «Cela ne coûterait pas cher au gouvernement puisque cet argent doit être distribué de toute façon aux familles, mais cela permettrait de valoriser les bénéficiaires avec un vrai métier et puis, ils pourraient être opérationnels rapidement». Enfin, Felix déplore les conséquences de l’instabilité politique que traverse le Pays. Brandissant des dossiers émanant du ministère de l’équipement «En 2010 un appel d’offres a été lancé pour la construction d’abribus… c’est tombé à l’eau, rien n’a été fait ! » Des infrastructures qui ont un coût certes, mais comme le dit très justement l’oncle de Keala, la vie d’un enfant n’a pas de prix, il faut tout faire, tout ce qui est possible pour qu’elle ne soit pas partie « pour rien !»

Pour Keala, «plus jamais ça»….


Mobilisations sportives pour Keala

Keala, avait 11 ans, elle est décédée en revenant de l’école, en traversant la route devant chez elle le 7 octobre dernier. Cet accident tragique a bouleversé les cœurs et pour soutenir la famille mais aussi pour réveiller les consciences et surtout pour ne pas oublier et faire en sorte que cela n’arrive plus jamais, de nombreuses manifestations se sont organisées.

Dimanche dernier, l’équipe des Tiki Toa vêtue d’un T-Shirt arborant un cœur et le prénom de l’enfant est venue assister à la cérémonie de Pueu, les athlètes de l’association de Taravao ont choisi de porter tout au long de la saison une tenue rose, la couleur préférée de Keala, Dimanche prochain, les bikers invitent tous les deux roues à se retrouver sur le lieu de l’accident à Papara pour rejoindre Taravao à l’endroit ou une seconde fillette a trouvé la mort quelques jours plus tôt dans des circonstances proches.

« Concernant la cérémonie de Pueu, c’est sûr que c’était super important de participer à ce genre d’événement car cela a touché tout le monde et en particulier nous les Tiki Toa, car Keala était un fervente supportrice. » nous confiant Teva Zaveroni.
Les athlètes de Taravao en rose, la couleur préférée de Keala

Les Tiki Toa au grand coeur

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 24 Octobre 2013 à 16:55 | Lu 4806 fois