Appel au public pour une étude sur les violences familiales au fenua


Tahiti, le 6 février 2021 - Les chercheurs de l’UPF invitent le public à contribuer à la recherche sur les violences familiales en remplissant un questionnaire anonyme en ligne, qui interroge leur "vécu". De quoi permettre aux chercheurs de "dégager des facteurs de risque par la quantification". "Que vous ayez vécu des violences ou non, votre expérience nous intéresse" souligne l'UPF, à condition d'habiter en Polynésie bien-sûr. 
 
"Depuis que tu es né, quelqu’un t’a-t-il déjà volontairement blessé physiquement ? Peux-tu décrire ce qu’il s’est passé ? As-tu déjà parlé de ces violences à quelqu’un ?"  Elaboré par des chercheurs de l’Université de la Polynésie française et de la MSH du Pacifique sur la problématique saillante des violences familiales, le questionnaire s’adresse à toute personne qui vit actuellement en Polynésie.

« Que vous ayez vécu des violences ou non, votre expérience nous intéresse pour comprendre les problèmes de violences qui peuvent arriver dans la famille » souligne le groupe de chercheurs. Dans la continuité d’une enquête inédite -Les violences familiales en Polynésie française. Entrer, vivre et sortir de la violence- menée par le maître de conférence en sociologie à l'UPF, Loïs Bastide, directement auprès de victimes et d'auteurs de violences, cette nouvelle étude doit cette fois ci permettre de quantifier les mécanismes de violence en brassant un échantillon un peu plus large.

Echantillon cible d’au moins 1 000 personnes

"Avec l’enquête on était sur du qualitatif, on essayait de décortiquer la mécanique au plus près", justifie Loïs Bastide. Les enquêteurs ont ainsi d'abord cherché à cartographier les relations familiales et identifier l’ensemble des situations de violence dans ce cadre. Une première étape qui a permis de "cerner une série de spécificités sociales" et "d’appréhender ainsi finement" le contexte dans lequel se développent les violences au sein des familles (lire encadré).

"L’idée aujourd’hui, c’est plutôt d’arriver à dégager des facteurs de risque par la quantification, on a repéré des mécanismes dans les familles maintenant on essaye de voir à quel point les gens qui ont subi des violences retrouvent ses mécanismes" reprend le sociologue.

Deuxième étape d’un programme de recherche de longue durée, cette nouvelle étude fait appel au public afin de brasser un peu plus large avec un échantillon cible d’au moins 1 000 personnes. "Il nous quelque chose qui nous permette de hiérarchiser nos hypothèses, on cherche à savoir ce qui revient de manière régulière" explicite le chercheur.

Le plus honnête et le plus précis possible 

Ce questionnaire anonyme biens-sûr compte une cinquantaine de questions, qui interrogent l’environnement familiale, le vécu et parfois l’intimité. "Durant ton enfance, as-tu été élevé par ton père biologique ? Par un père, ou une mère fa’a’amu ? " "Quelqu’un t’a-t-il déjà touché de manière sexuelle, contre ta volonté ? Dans ta famille ? Celle de ton tane ? En dehors de la famille, etc."
"On pose des questions qui vont nous permettre de caractériser les familles et les profils familiaux. Il s’agit de faire le lien entre les violences et les types familiaux," justifie Loïs Bastide.

Tout le monde est invité à répondre à condition de résider en Polynésie. « Que tu soit concerné par ces difficultés ou non » précisent les chercheurs, insistant sur le fait que c’est important de répondre et « le plus honnêtement possible, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. » Si le public n’est pas obligé de répondre à toutes les questions, il est cependant invité à être « le plus précis possible », notamment sur les personnes évoquées. « On préférera par exemple le mari de ma sœur, plutôt que ma belle-sœur" notent les chercheurs.  

A ce jour, déjà près de 500 personnes ont répondu à l’appel. Essentiellement des femmes. "On l’a vu dans l’enquête que les femmes parlent beaucoup plus facilement de ces affaires-là, donc ça ne nous a pas étonné" commente le sociologue. La gente masculine est donc invitée à participer un peu plus. Le questionnaire ne devrait prendre maximum qu’une quinzaine de minutes.
 

« Entrer, vivre et sortir de la violence »

Fruit d’une recherche financée par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP) et hébergée par la Maison des sciences de l’homme et du Pacifique, le rapport de 100 pages intitulé "Les violences familiales en Polynésie française. Entrer, vivre et sortir de la violence" a été diffusé le 29 décembre. Intervenant comme la première étape d’un programme de recherche de longue durée, cette enquête cherchait à "cerner précisément les contours de la famille contemporaine, en Polynésie française, et de se doter d’une conception précise de la violence, comme fait social."

Un travail qui repose essentiellement sur des entretiens approfondis avec des auteurs et des victimes de violence. Dans ce cadre, une quarantaine de personnes ont été interviewées, dont 31 victimes et six auteurs, âgés de 19 à 58 ans, permettant d'entrevoir autant "d'univers familiaux". Ce type d’enquête dit de « victimation » qui consiste à interroger les gens directement sur leurs ressentis, "fait cruellement défaut" et mériterait d'être plus souvent sollicité selon les chercheurs.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Samedi 6 Février 2021 à 16:35 | Lu 15931 fois