Annulée puis à nouveau adoptée, flou total autour de la loi fiscale


Les élus de la commission de l'Economie et des Finances ont adopté au bout de trois heures et demie la même loi fiscale que celle adoptée en décembre et annulée ce lundi par le Conseil d'Etat. Le Tapura et Ahip ont voté contre. Crédit photo : APF
Tahiti, le 26 mars 2024 - Troisième round pour la loi fiscale du gouvernement Brotherson qui est repassée par la case Tarahoi. Sans qu'aucun amendement n'ait été proposé, le texte annulé par le Conseil d'État lundi a de nouveau été présenté et adopté en l'état ce mardi en commission de l'Économie. Malgré les nombreuses interrogations qui entourent l'impact généré par l'annulation de cette loi, c'est le néant. Pas de réponse et pas de vision. Les deux présidents se renvoient la balle. En attendant, c'est le flou total.
 
 
Le feuilleton “loi fiscale” n'en finit plus. Après de nombreux rebondissements lors de la première saison en novembre-décembre de l'année dernière, la saison 2 promet encore des surprises. Une saison 2 qui commence ce lundi par l'annulation de cette fameuse loi fiscale par le Conseil d'État. Par cette décision, la haute juridiction administrative a clairement rappelé à l'ordre le président de l'assemblée, Antony Géros, en lui signifiant que sa lecture du règlement intérieur était erronée.
 
Ce qu'a dénoncé ce mardi le principal intéressé qui s'est lancé dans une longue explication de texte pour tenter de justifier la méthode qu'il a employée et qui a abouti à cette annulation. Cela traduit surtout – comme dans la saison 1 – la vraie divergence d'opinion entre le président du Pays et celui de l'assemblée. Une divergence d'opinion qui a justement conduit au Conseil d'État... et à un nouveau passage en commission législative ce mardi matin.
 
Pas d'amendements
 
Depuis Singapour, Moetai Brotherson a d'ailleurs clairement, mais gentiment, renvoyé Antony Géros à ses responsabilités lundi soir en déclarant : “Le Conseil d'État a statué sur la forme, notamment par la méthode qui a été utilisée par l'assemblée de la Polynésie française.”  Et il ajoutait : “Malgré tout, nous allons essayer de faire quelques corrections à la marge sur quelques articles”, évoquant la possibilité pour le gouvernement de déposer des amendements “en commission” ce mardi, ou alors “en séance plénière” (le 11 avril a priori), ou même “ultérieurement dans une nouvelle loi fiscale”.

Visiblement, cette information n'est pas parvenue aux oreilles du ministre des Finances Tevaiti Pomare qui est venu sans amendements ce mardi en commission à l'assemblée. Quant à Tony Géros, il a simplement déclaré avoir “appris ce matin qu'on pourrait peut-être avoir des amendements en séance ou plus tard”. Ambiance. Sans vouloir non plus charger le président du Pays, on sent bien le malaise.
 
Pas de cap, pas de vision... pas de réponses
 
C'est donc la même loi fiscale que celle votée en décembre puis annulée ce lundi qui a de nouveau été examinée et adoptée ce mardi matin en commission par les élus de la majorité, Tapura et Ahip ayant voté contre. Une opposition qui dénonce le manque de visibilité tant pour les élus que pour les acteurs économiques qui ont besoin de savoir où ils vont puisqu'il s'agit ici de fiscalité des entreprises, de défiscalisation...

“Pas de cap, pas de vision”, déplore ainsi Nuihau Laurey. Non seulement sur l'avenir mais également sur le présent et sur l'impact généré par l'annulation de cette loi sur les trois premiers mois de l'année. Et ce n'est pas faute d'avoir demandé. “À toutes les questions sur les dispositions à mettre en place suite à cette annulation, le ministre est resté muet, n'a apporté aucune réponse. J'ai l'impression qu'il navigue complètement à vue”, a répondu l'élu Ahip.
 
Budget insincère : Que va faire le haut-commissaire ?
 
Idem du côté du Tapura, Tepuaraurii Teriitahi dénonçant elle aussi le mutisme de Tevaiti Pomare. Même mutisme concernant la méthode pour compenser le manque à gagner de 1,7 milliard de francs dû à l'annulation de cette loi fiscale sur les trois premiers mois de l'année. Car aucun collectif budgétaire n'a été présenté dans la foulée et rien n'est calé dans l'agenda pour le moment. Autrement dit, depuis ce lundi et jusqu'au 11 avril prochain où la loi fiscale devrait être votée à l'assemblée, “on est réellement dans un budget insincère”, s'inquiète l'élue du Tapura qui se demande “ce que le haut-commissariat va faire en tant qu'autorité de contrôle”. Pour l'opposition, l'attitude du ministre qui “avait presque l'air agacé”, qui “ne donne aucun chiffre” et qui ne semble pas savoir où aller et quand il y arrivera est particulièrement problématique et inquiétante.
 
Géros arrondit les angles mais n'en pense pas moins
 
Pour Tony Géros, et même s'il tente d'édulcorer ses propos, c'est bien là que le bât blesse justement. Car la loi fiscale du gouvernement ne correspond pas aux promesses de campagne du Tavini en matière de lutte contre la cherté de la vie. Comme Moetai Brotherson depuis Singapour, Antony Géros essaie lui aussi d'arrondir les angles : “Le ministre a organisé une journée de prospectives économiques, il y a quelques semaines, pour regrouper une deuxième fois les acteurs économiques pour repenser avec eux la vraie réforme fiscale qu'on attend, nous, depuis 2023 et qui sans doute va nous être proposée au cours de la prochaine session budgétaire.” Autrement dit, pas avant la fin de l'année. Cela fera alors déjà un an et demi que le gouvernement Brotherson sera aux manettes du Pays...
 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 26 Mars 2024 à 16:42 | Lu 4113 fois