Angélo Frébault veut revaloriser et déplafonner l'ancienneté


Tahiti le 31 octobre 2022 – L’ex-syndicaliste et représentant Tapura, Angélo Frébault, a déposé une proposition de loi du Pays pour modifier le mode de calcul et surtout déplafonner la prime d'ancienneté. Les patrons sont vent debout contre le texte jugé “électoraliste”. Ils menacent de suspendre les négociations salariales jusqu’aux élections.
 
L’approche des élections territoriales a visiblement le pouvoir de réveiller certains élus de l’assemblée… Ancien syndicaliste de la CSTP-FO, élu à Tarahoi sur une liste Tahoera'a en 2018, avant de rejoindre le Tapura dès 2019, Angélo Frébault a visiblement attendu la fin de la mandature pour retrouver ses réflexes de défenseur des salariés. Celui qui s'était fait élire après avoir mené la grève contre la réforme des retraites du gouvernement, pour finalement voter cette réforme trois mois plus tard une fois élu à l'assemblée et rejoindre ensuite les rangs de la majorité, avait visiblement besoin de laisser de l'eau couler sous les ponts. Finalement, l'élu, qui ne devait pas “rester cinq ans yeux fermés et bouche cousue”, a déposé début septembre sa toute première proposition de loi du Pays à vocation “sociale” de la mandature. Ressortant des cartons une idée portée en tout début de mandature, il propose de modifier le calcul des primes d'ancienneté au bénéfice des bas salaires et surtout de les déplafonner.
 
Quatre tranches
 
Dans l'exposé des motifs de son texte, l’élu Tapura explique qu'après la pandémie et ses conséquences sanitaires, économiques et sociales au fenua, le gouvernement a été contraint d'emprunter et de fixer une TVA sociale pour “accompagner” les entreprises, les particuliers et la Caisse de prévoyance sociale ou encore pour financer “partiellement la PSG”. Une TVA sociale aux effets “inflationnistes” compensés par les efforts du gouvernement “soucieux de maintenir le pouvoir d’achat des salariés” en revalorisant notamment le Smig. Conclusion de l'ancien syndicaliste, il faut aider le pouvoir d'achat des salariés pour continuer à faire tourner l'économie et rembourser les emprunts du Pays.
 
Pour ce faire, Angélo Frébault a prévu une mesure particulièrement électoraliste : augmenter la prime d'ancienneté pour les plus bas salaires et en faire disparaître le plafond actuellement fixé à 25% du salaire de base. L'élu dit s'inspirer à la fois de la convention collective du secteur automobile, qui prévoit une prime d'ancienneté de 1,5%, et du statut des agents non fonctionnaires de l’administration (Anfa) de catégorie 5 pour lesquels “l’ancienneté n’est pas plafonnée”. Selon Angélo Frébault, ces dispositions étendues à tous les salariés du fenua vont améliorer les revenus des salariés et leur pouvoir d’achat, les pousser à rester dans la même entreprise, à acquérir des compétences et des qualifications et ainsi à devenir plus “productifs”.
 
Actuellement, la prime d'ancienneté est fixée à 1% par année passée dans l'entreprise, applicable à compter de la troisième année, et plafonnée à 25% au bout de 25 ans. Concrètement, pour éviter que “les écarts entre les petits et les hauts salaires” ne se creusent, l’élu propose quatre nouvelles tranches pour l'ancienneté. Un premier taux de majoration d'ancienneté de 2% pour les salariés qui touchent le Smig. Un second taux de 1,5% pour ceux entre un à deux Smig. Un troisième taux de 1% pour ceux entre deux à trois Smig. Et ensuite un taux de 0,1% pour les salariés au-dessus de trois Smig. Étant précisé que ces tranches sont cumulatives à mesure qu'augmente le salaire. Ceci à défaut d’accord conventionnel ou individuel plus favorable, précise le texte d'Angélo Frébault.
 
“Anti-économique, anti-sociale, anti-productive”
 
Sans surprise, la mesure ne plaît pas beaucoup au patronat. Le président du Medef, Frédéric Dock, dit déplorer qu'en “période électorale”, certains élus veuillent juste tirer la couverture à eux. “Nous, on ne rentre pas dans ce jeu-là.” Pour Frédéric Dock, si les choses devaient évoluer dans le sens de réformes électoralistes annoncées et votées à l'emporte-pièce, le patronat suspendrait les négociations salariales jusqu'après les élections “en attendant que les choses se stabilisent”. Pour le patron des patrons : “Personne ne veut de ce texte”. Et comme pour les deux taxes touristiques proposées par l'élu de la majorité Antonio Perez, le gouvernement s'est déjà dit opposé à ce texte émanant pourtant d'un de ses élus. Pour le Medef, cette proposition de loi du Pays serait “un handicap pour tout le monde” et aurait un “effet inverse au résultat attendu” en rendant les salariés “extrêmement chers et donc moins compétitifs”. “Il y a d’autre moyens pour améliorer le pouvoir d’achat. Pour l'instant, les seules choses qui augmentent, ce sont les salaires et les charges patronales”, regrette le président du Medef.
 
Côté CPME, même son de cloche. “Chaque semaine, on se demande ce qui va sortir de nouveau avant les élections”, affirme un représentant de la confédération patronale. “Un salarié au Smig qui a 10 ans d’ancienneté va coûter 20% de plus ? On n’a plus qu’à mettre la clé sous la porte et il n’y a plus d’entreprises.” Pour la confédération, il faut s'attendre, avec ce texte, à ce qu'il n'y ait plus aucune aucune mobilité des salariés par crainte de perdre son ancienneté.


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 1 Novembre 2022 à 17:06 | Lu 2319 fois