Analyse de la situation à Fukushima et des dangers pour les populations


TOKYO, 1 avril 2011 (AFP) - L'accident nucléaire à Fukushima dans le nord-est du Japon suscite nombre de questions sur les dangers encourus par les populations et les risques à l'avenir.

Voici les opinions de quatre experts français : Jacques Repussard, directeur général de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté nucléaire (IRSN), Philippe Jamet, commissaire de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l'Energie atomique (CEA), et Rémy Autebert, président d'Areva Japan.

Q : quelle est la situation à la centrale nucléaire de Fukushima ? La fusion du combustible a-t-elle été stoppée à temps ?

Réponse de Rémy Autebert : nous ne sommes plus dans une situation qui évolue d'heure en heure, mais cela reste de l'ordre de l'extraordinaire car personne n'a jamais connu ce type de crise. Il faut donc apporter des idées nouvelles.

Jacques Repussard : l'état du site va rester problématique longtemps, mais on n'attend plus de phénomènes très violents dans les prochains jours. Il y a donc une situation qui est en voie de résolution.

L'urgence est désormais d'évacuer l'eau qui a été contaminée après ces opérations, car elle génère une radioactivité ambiante qui empêche de travailler sur le site. Il faut la pomper, la traiter ou, au pire, la remettre en mer pour qu'elle se dilue.

Il faut aussi continuer d'arroser, car si les piscines qui contiennent le combustible usé se vidaient, on aurait des incendies et des dégagements très importants.

Bernard Bigot : on entrera dans la phase de maîtrise des installations lorsqu'on aura remis en service les systèmes habituels de refroidissement, priorité actuelle de l'exploitant Tokyo Electric Power (Tepco).

Q : l'AIEA recommande au gouvernement japonais d'étendre la zone d'évacuation au-delà des 20 km de rayon autour de la centrale, qu'en pensez-vous ?

Réponse de Jacques Repussard : il y a des rejets radioactifs sous forme d'aérosol au-delà de la zone qui a été évacuée, notamment parce qu'il a plu. Ces dépôts créent un risque pour la nourriture.

Ceci dit, on peut avoir une contamination significative sur une partie de territoire sans que cela n'oblige à déplacer des populations, une opération qui a des impacts humains, sentimentaux, financiers. Il ne faut pas ignorer cette contamination, mais la prendre en compte notamment pour la chaîne alimentaire. Au lieu d'éloigner les gens, on peut éloigner d'eux l'alimentation contaminée afin de réduire les doses absorbées. Il y a parfois plus de bénéfices que de coûts à ne pas évacuer les populations.

Philippe Jamet : les riverains ne reviendront cependant pas chez eux à 2 km de la centrale, il y aura aussi des restrictions alimentaires à long terme, il faut le savoir.

Q : qu'en est-il de contamination de l'eau de mer ?

Réponse de Jacques Repussard : pour protéger les populations, il vaut mieux que les radiations aillent dans l'océan Pacifique que dans l'air au-dessus du Japon. Toute la radioactivité qui part dans l'eau de mer, c'est autant qui ne s'échappe pas dans l'atmosphère. Cela va se diluer, on va en trouver des traces à des milliers de kilomètres, mais sans très grandes conséquences. Bien sûr, on va essayer de minimiser ces fuites et c'est le sens des opérations envisagées.

Q : quelles leçons de portée internationale peut-on déjà tirer de la catastrophe ?

Réponse de Philippe Jamet : plusieurs années seront nécessaires pour comprendre et savoir comment éviter la répétition d'un accident aussi grave que celui-là. Il y a des paramètres concernant par exemple les risques naturels qui n'étaient pas pris en compte par ignorance et non par négligence.

Bernard Bigot : une des craintes est liée au fait que le site a été extrêmement fragilisé par le séisme et le tsunami. Il est donc plus vulnérable.

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Rédigé par Par Karyn POUPEE le Vendredi 1 Avril 2011 à 05:49 | Lu 1098 fois