Amendes requises contre le thonier chinois pollueur


Tahiti, le 14 janvier 2020 - Le tribunal correctionnel de Papeete a étudié mardi l’affaire de pollution maritime impliquant le navire chinois « Zhoushan Pacific Tuna Pelagic Fishery », accusé d’avoir rejeté des eaux polluées au large de Tahiti le 12 mai dernier. Des amendes respectives de 30 et 5 millions ont été requises à l’encontre du capitaine du bateau et de la société auquel il appartient. Le délibéré sera rendu le 28 janvier.

La société propriétaire du thonier chinois « Zhoushan Pacific Tuna Pelagic Fishery » et son capitaine, Jambo Jiang, ont été jugés mardi par le tribunal correctionnel de Papeete pour des faits de « rejet en mer de substance polluante par un navire de moins de 400 tonneaux » et « pollution marine ».

Le 12 mai dernier, le « Zhoushan Pacific Tuna Pelagic Fishery » avait été intercepté par les gendarmes de la brigade nautique à environ quatre kilomètres des côtes de Arue alors qu’il venait de rejeter en mer de l’eau contenant 450 litres de gasoil et autres substances polluantes. L’intervention des gendarmes avait été effectuée suite à des signalements émis par des pilotes de la compagnie Air Tahiti qui avaient survolé le thonier et qui avaient constaté un « sillage irisé » derrière le navire suite à un dégazage sauvage.

Entendu sur les faits, le chef mécanicien du navire avait expliqué qu’un tuyau du circuit de refroidissement du groupe électrogène avait explosé, provoquant ensuite une arrivée d’eau dans la salle des machines où stagnait de l’huile, du gasoil et de la graisse. Montée des eaux face à laquelle il avait décidé de rejeter les eaux polluées en utilisant une pompe auxiliaire qui était dépourvue de système de filtration de la pollution.

Seul le directeur adjoint de la société propriétaire du navire, qui comparaissait en qualité de personne morale, s’est présenté au tribunal correctionnel mardi. Le capitaine du bateau, qui était absent, était quant à lui représenté par un avocat. A la barre, l’armateur chinois, qui était aidé d’un interprète, a affirmé que les onze bateaux de sa société étaient « certifiés contre la pollution par une organisation en Chine » et que le navire mis en cause venait de sortir d’une période de carénage. Les débats ont ensuite longuement tourné de la convention Marpol (MarinePollution).

Cette convention internationale pour la prévention de la pollution marine par les navires, mise en place par l’Organisation Maritime Internationale (OMI), prévoit en effet deux situations exceptionnelles dans lesquels les bateaux sont autorisés à rejeter des eaux polluées : Pour « assurer la sécurité d’un navire » ou bien pour « sauver des vies en mer ». Car, si le capitaine du bateau a affirmé que l’équipage se trouvait dans une situation d’urgence après la découverte des faits, l’enquête a établi que le navire avait continué sa route sans mettre en place aucune mesure destinée à signaler une situation dangereuse.

"Convergence chimique"

A l’heure des plaidoiries des parties civiles, les avocats de la Fédération des associations de protection de l’environnement (Fape), Mes Varrod et Mitaranga, ont déploré un « véritable acte de vandalisme » commis par un navire qui présentait un risque de « danger permanent ». Ils ont également dénoncé l’attitude du capitaine du bateau, qui au lieu de « contacter le Jrcc » ou d’émettre un appel d’urgence, avait choisi de « continuer sa route ». « Combien vaut un lagon ? Un récif corallien ? » s’est ouvertement interrogé Me Varrod en affirmant que 450 litres d’hydrocarbures représentaient une « pollution extrêmement importante ».

Avant de requérir 30 millions d’amende contre le capitaine du bateau et 5 millions d’amende contre la compagnie propriétaire du navire, le procureur de la République a tâché de démontrer la « matérialité des faits » et « l’élément moral » : « Tout un faisceau d’éléments caractérisent la matérialité des faits : les observations visuelles de pilotes d’Air Tahiti, les clichés photographiques, la convergence chimique entre les prélèvements effectués dans la calle et les prélèvements effectués dans la mer. » Quant à « l’élément moral », le représentant du ministère public a rappelé que l’enquête avait permis de « constater la neutralisation du système de prévention de la pollution » du navire, couplé à une maintenance « déficiente » et à sa « vétusté ».

Irrecevabilité

Pour la défense, Me Michel s’est longuement attaché à démontrer l’irrecevabilité de la procédure. L’avocate a en effet soulevé l’obligation à l’époque des faits pour le parquet de Papeete de signifier les poursuites à la République populaire de Chine et le fait qu’aucun document dans le dossier n’attestait du fait que cette obligation ait été respectée. Selon l’avocate, l’équipage du thonier, devant faire face à une montée des eaux, a eu une réaction « parfaitement appropriée ».

Le tribunal correctionnel rendra son délibéré le 28 janvier. Les faits reprochés sont passibles d’une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement et 1,8 milliard de Fcfp d’amende pour le capitaine, ainsi que la bagatelle de 9 milliards de Fcfp d’amende pour la société propriétaire du thonier.

Winiki Sage, président de La Fape : « Passer à la vitesse supérieure »

Est-ce une nouvelle politique pour La Fape d’attaquer en justice ceux qui polluent et nuisent à l’environnement ?

« Cela fait déjà plusieurs années que nous sommes agréés et théoriquement, ce statut d’agrément qui nous a été donné par l’Etat nous permet de demander des dommages. Nous avons porté plainte dans le passé et cela n’a jamais abouti. Nous avons désormais envie de passer à la vitesse supérieure et d’attaquer ceux qui polluent, et notamment les entreprises. Le souci est que nous n’avions aucun moyen de poursuivre mais aujourd’hui, deux avocats nous ont spontanément proposé leur aide. Nous commençons par cette première affaire mais nous continuerons ensuite. »

"Doit-on vous attendre dans des dossiers tels que celui du scandale environnemental des bonbonnes toxiques ?"

« Bien sûr, nous nous constituerons partie civile dans ce dossier comme dans celui portant sur les sacs en plastique retrouvés à Tahiti et aux Marquises. »



Rédigé par Garance Colbert le Mardi 14 Janvier 2020 à 18:41 | Lu 1864 fois