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Amende requise contre un viticulteur bio qui a refusé de traiter ses vignes


DIJON, 24 février 2014 (AFP) - Une amende de 1.000 euros, pour moitié avec sursis, a été requise lundi à Dijon à l'encontre d'un viticulteur bio refusant de traiter ses ceps contre une maladie, position critiquée par la profession mais soutenue par les écologistes.

Le viticulteur de Beaune encourt six mois d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende. Le jugement sera rendu le 7 avril.

"C'est une affaire avec en toile de fond un sujet polémique et controversé, je n'entrerai pas dans cette polémique. En refusant de prendre une mesure de protection des végétaux", Emmanuel Giboulot "a commis une infraction pénale", a estimé la représentante du parquet, Jeanne Delatronchette.

Selon elle, c'est "par choix idéologique" que le prévenu, qui exploite dix hectares en Côte-de-Beaune et Haute-Côte-de-Nuits, n'a pas respecté l'arrêté préfectoral imposant de traiter les vignes de Côte-d'Or contre la flavescence dorée, véhiculée par un insecte, la cicadelle.

Cette maladie mortelle et très contagieuse, apparue en 1949 en Armagnac (sud-ouest), touche presque tout le vignoble français après s'être fortement développée depuis une dizaine d'années, selon les autorités sanitaires.

Acclamé à sa sortie du tribunal, M. Giboulot a reçu le soutien de près de 500 personnes rassemblées à Dijon à l'appel d'organisations écologistes dénonçant l'utilisation des pesticides. Un pique-nique au soleil et au son de l'accordéon avait été organisé avant l'audience.

"Est-ce que si, pas loin de vos vignes, il y avait eu des vignes touchées par la flavescence dorée, votre décision aurait été la même?", a demandé au viticulteur Hélène Cellier, la présidente du tribunal.

"Bien sûr, j'aurais traité", a répondu l'intéressé. Il avait assuré avant l'audience ne pas être opposé aux traitements, "lorsque c'est nécessaire".

Selon les autorités, c'était le cas. "Dans les communes voisines, à Pommard, à Volnay, à Saint-Aubin, à Meursault, on a trouvé de la flavescence dorée", souligne Jean-Roch Gaillet, directeur régional de l'Alimentation et de l'Agriculture.

- Le seul qui n'ait pas traité -

En 2013, une seule parcelle de 0,2 hectare a finalement dû être arrachée en Bourgogne à cause de la maladie, contre 11 hectares en 2012. Selon le responsable, c'est la preuve de l'efficacité des traitements mis en place après la découverte d'un important foyer en Saône-et-Loire en 2011.

"Cela s'est fait en accord total avec la profession, y compris la filière bio. Et il n'y a que Giboulot qui n'ait pas traité. Ce qui compte, c'est qu'il y ait une condamnation", estime M. Gaillet.

"On essaie de le faire passer pour un illuminé", a déploré l'avocat du prévenu, Me Benoist Busson, selon lequel l'arrêté préfectoral du 7 juin 2013 était "illégal", faute de motiver une urgence à agir.

"Le principe de précaution est complètement dévoyé, pourquoi ne pas traiter les départements voisins, jusqu'en Champagne?", a ironisé l'avocat.

Selon lui, la France est le premier utilisateur de pesticides en Europe, ce qui provoquerait chez des viticulteurs de nombreux cancers. Des arguments largement repris parmi les soutiens du viticulteur.

"Pesticides veut dire tuer", "Logique préfectorale", "Pesticides aveugles", pouvait-on lire sur des pancartes brandies à l'extérieur du tribunal.

Après un contrôle en juillet de la Direction régionale de l'agriculture, ce viticulteur en biodynamie depuis les années 1970 avait été convoqué devant la justice.

L'affaire a suscité une vive polémique entre les militants écologistes et une profession viticole qui s'est désolidarisée de M. Giboulot, même dans la filière bio, déplorant la mauvaise publicité faite aux vins de la région.

Le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) a dénoncé des "contre-vérités" autour du cas de M. Giboulot, refusant d'en faire un martyr du bio car "il n'est pas l'unique défenseur de la nature".

"Non, la Bourgogne ne pollue pas" en traitant ses vignes, tonne Claude Chevalier, président du BIVB, évoquant les efforts entrepris par les vignerons pour réduire l'usage des pesticides.

Rédigé par () le Lundi 24 Février 2014 à 06:27 | Lu 602 fois