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Ambiance et Couleurs du marché de Papeete, le dimanche matin.


Fruits et légumes, produits vivriers, plantes médicinales ou aromatiques, horticulture, productions animales, huiles… 67% des productions agricoles étaient concentrées essentiellement aux Iles du vent en 2009. Les exportations des produits locaux varient chaque année autour de 2 milliards de francs, il s’agit essentiellement de l’huile de coprah et de la vanille. Sur les 155 milliards d’importations en 2010, l’agriculture a représenté 38 milliards. Un tour du marché de Papeete démontre que tout est à portée de main pour les Tahitiens : Les produits du terroir sont très appréciés localement et le marché de Papeete est un microcosme vivant et coloré de l’état agricole de la Polynésie française. La question se pose de savoir si la filière agricole doit s’organiser autrement pour valoriser ces produits du terroir tant appréciés et concurrencer les importations massives.

Dès 2 heures du matin, certains arrivent et installent leurs étaux, d’autres débarquent vers 3 heures au plus tard. Le dimanche matin, le cœur de Papeete bat la chamade et la foule déboule comme les vagues, pour inonder les rues qui encadrent le marché de Papeete. C’est ici même que cohabitent les saveurs îliennes, un tour de marché vous fait découvrir les spécialités locales mais aussi vietnamiennes, chinoises et françaises.


Ambiance et Couleurs du marché de Papeete, le dimanche matin.
Vendeur de légumes, Ayo quitte à Faa’a dès 2 heures du matin et il installe ses étaux avec son jeune fils et son frère, tous les dimanches matins : « Je suis retraité, je m’ennuie si je reste à la maison, mais on a des terres, alors on cultive, on embauche deux ou trois gars, et on vend nos légumes au marché, parfois en grande surface. En ce moment, on a plein de légumes » Surtout, il ne veut pas de coopératives, il aime sa liberté, il clame que tout est bio chez lui.

Pour Eugène, c’est différent, lui, il aimerait qu’il y ait plus d’organisation, une véritable coopérative qui permettrait d’exporter les produits du terroir, « mais les pouvoirs locaux n’ont jamais rien mis en place, il n’y a aucune organisation, c’est dommage ». Eugène est un ancien de la Marine, il vient des Marquises, Ua Pou, et sur son étal de fruits, un penu confectionné par un vieux de son île, siège au milieu des bananes de toutes tailles : « ça fait 18 ans que je cultive et que je vends des bananes, il y a huit variétés de bananes, rima rima, aha moa, poro ini, fei… Je suis arrivé ce matin vers 5 heures de Punaauia. Mais dans la semaine je suis à Papeari, c’est là bas que je cultive. Avant je venais à 3h, mais je ne suis plus pressé, c’est trop long ! Je préfère dormir un peu plus. » Son père était un grand cultivateur, il a pris la relève, tout naturellement. « ça marche très bien, le produit est 100% bio, on n’a pas besoin de mettre quoi que ce soit avec les bananes, ça pousse bien, je suis très satisfait, par contre les producteurs de salades et tout… Je suis allé voir certains d’entre eux, c’est dingue tout ce qu’ils mettent, alors je préfère éviter d’en manger. Je gère moi même ma production, la semaine, c’est fa’a’apu, nettoyage, etc. … On a un pays qui peut exporter, on a le potentiel, il nous faudrait une grande coopérative qui exporte nos produits… » Le frère d’Eugène, à côté, transforme le produit : Il vend des poe bananes, fei…



Ambiance et Couleurs du marché de Papeete, le dimanche matin.
Martine est souriante, elle respire la bonne humeur, la tête coiffée d’une couronne qu’elle a préparée le matin même, vêtue de rouge, la voix haute, elle ne passe pas inaperçue au milieu de tous ces légumes verts : « Chez nous c’est une histoire de famille. Le mitihue, les boissons noni, c’est mamie LY SAO qui prépare, elle est à Mahina. On arrive ici tous les dimanches matins vers 1h30. On se retrouve tous ici, on se connaît tous. Chacun sait ce qu’il doit faire. Ce n’est pas mon activité principale, les enfants grandissent, il faut assurer de nos jours. » Martine aime son marché de Papeete, mais « ce serait bien aussi de revenir un peu comme dans les temps anciens, et les grands jours de fête, que tout le monde soit habillé en tissu pareu, ce serait extra… On peut pas dire, le maire, il a toujours soutenu le marché… Ici on a nos habitués, il y a ceux qui viennent à 2h du matin et puis il y a notre « foule » de 4heures du matin qui vient chercher son pua’a rôti et tout… Il y a les enfants, ça sent bien la rentrée aussi aujourd’hui !» Certains enfants viennent aussi au marché pour vendre le produit de leurs pêches. C’est le cas du jeune Guillaume qui est venu à 3 heures du matin. A côté des poissons perroquets pêchés par Jim, Guillaume a disposé ses bénitiers sur de la glace pilée.

Après la fraîcheur des fruits et légumes, on entre dans l’antre des poissonniers, où se vendent toute une myriade de poissons ainsi que des plats préparés : Uru cuits, taioro variés, bananes, fei, poulet fafa, desserts poe à base de bananes et de lait de coco, taro cuits… On poursuit la traversée du marché, au milieu d’une foule dense et vive, sans doute avez vous déjà croisé Gilou, retraité, qui vend bananes, mangues et papayes à l’intérieur du marché. Il accompagne sa femme qui vend des plats préparés.

Et puis tout au fond, il y a la zone réservée à la vente du cochon, pua’a, sous toutes ses formes. Le pua’a haavare fait avec des abats de porc, des épices, comme le gingembre, du sang ; ça prend 4h de cuisson. On ne met pas de sel, les épices suffisent largement. On le mange au petit déjeuner, avec du taro, ou d’autres accompagnements. Rosina est là tous les dimanches matins, entre les bruits des coupeurs de pua’a, elle rajoute qu’il y a deux sortes de préparation du Haavare pua’a : la préparation polynésienne et la préparation chinoise. « Les Polynésiens ne mettent pas les mêmes ingrédients que les Chinois. Les Chinois rajoutent des ingrédients pour tuer l’odeur du cochon, qui est très forte, alors ils mettent du gingembre par exemple. C’est comme pour le fafaru (poisson fermenté dans de l’eau de mer), certaines personnes mettent de l’ail frais, pour couper l’odeur… »

Une jolie mamie est assise à l’extérieur, devant une petite table où il y a du Omoto, il s’agit d’un pain préparé à base de coco et cuit dans des feuilles de bananiers au four tahitien (creusé en terre, pierres chauffées). Hana ne parle pas bien français, « Tu peux le conserver une semaine, tu le mets au frigo si tu veux ; tu peux le manger avec des plats en sauce, du poisson, au petit déjeuner, c’est comme tu veux… » Elle aussi vient de la presqu’île avec sa fille et son petit fils.


Ambiance et Couleurs du marché de Papeete, le dimanche matin.
Non loin, Annie vend le pua’a Ofe préparé par son oncle à Faa’a : C’est du porc assaisonné, inséré dans un bambou et cuit dans le four tahitien. On mange le pua’a ofe avec des féculents, taro, maïore, certains en mangent avec des frites ou des pâtes, ou même, du pota, des légumes.

La surprise ce matin, c’est une petite table en aparté où deux jeunes filles de 12 ans chacune, vendent des produits végétariens, boulettes de riz, plats avec du soja. Elles s’appellent Abigaël et Mihaera. C’est la 1ère fois qu’elles sont là, l’air grave, Abigaël me dit « Comme on a un terrain à payer, on vient aider en vendant des produits végétariens. On est végétariens, c’est par conviction religieuse, nous sommes adventistes réformés du 7ème jour », Mihaera rajoute « C’est mon tonton qui a cuisiné les bonbons coco, le pâté soja, du glutten… ». Née en 1981, leur tatie, Raihere, a connu le végétarisme depuis sa naissance. Tout a été préparé avec les membres de l’église, qui veulent payer un terrain pour construire leur église…

En dépit des aléas de l’économie mondiale, le marché de Papeete n’a pas perdu ses couleurs, les produits du terroir et les produits de la mer y sont convoités, l’ambiance est vive de 4h du matin jusqu’à 7h30 du matin. Ensuite, les cultivateurs rangent leurs légumes, plient leurs étaux, les poissonniers nettoient leur quartier et ils rentrent tous, de chaque côté de l’île, jusqu’au dimanche suivant. Les rues qui encadrent le marché de Papeete s’essoufflent alors dans un lourd silence, elles languissent sûrement l’animation colorée, parfumée et vivante, jusqu’au prochain dimanche…


Rédigé par Ariirau RICHARD-VIVI le Dimanche 25 Août 2013 à 05:42 | Lu 5167 fois