Monsieur le président de l’Assemblée
Monsieur le Président de la Polynésie française, absent
Monsieur le vice-président
Madame et Messieurs les ministres,
Chers collègues,
Le 2 mars dernier, le gouvernement représenté par le vice-président Géros, en l’absence du président Temaru, a décidé à l’occasion de la réunion du comité de suivi Etat-Pays sur le plan de redressement, de rompre toute discussion dans l’attente de l’élection du président de la République.
Cette rupture était pour le moins étonnante puisque le 7 février, à l’occasion de la précédente réunion de ce comité, le vice-président Géros, en l’absence du président Temaru, avait fait état de la signature d’un « gentlemen agreement » qui permettrait à l’Etat de débloquer l’avance de 6 milliards votés à la fin de l’année dernière par le Parlement.
Sans épiloguer sur ce revirement qui, selon la version officielle du gouvernement serait due aux conditionnalités imposées par l’Etat, nous nous attendions aujourd’hui à avoir quelques explications de la part du président Temaru. D’ailleurs, ces explications avaient été annoncées par le vice-président qui, juste après le clash avec l’Etat, déclarait, je cite : « le 29 mars, nous avons prévu de nous rencontrer à l’assemblée dans le cadre d’une session extraordinaire. Là, le président du Pays va dévoiler la stratégie du pays ».
Nous y sommes ! Mais il ne semble pas que le président de la Polynésie soit présent pour nous dévoiler sa stratégie. Il est vrai qu’il nous a donné de manière assez fracassante un des axes de sa politique de développement vendredi soir sur nos deux chaines de télévision en promettant de créer 60.000 emplois dans les Tuamotu grâce aux investisseurs étrangers qu’il compte faire venir. 60.000 emplois ! Autant dire qu’il faudrait importer de la main d’œuvre pour tenir ce cap.
Après les provocations à l’encontre du président de la République, il fallait bien que notre président intermittent tente de nous faire un peu rêver. Mais je crois que sa promesse a fait un flop dans l’auditoire qui ne se berce plus d’illusions depuis bien longtemps, trop habituée à voir un gouvernement totalement inactif face à la destruction quotidienne des emplois et la montée en flèche de la précarité et la désespérance sociale.
A défaut des 6 milliards d’avance de l’Etat, à défaut de pouvoir emprunter sur les marchés ordinaires, vous semblez avoir trouvé un auprès de Tikiphone un généreux prêt de 5 milliards.
Ce prêt reste toutefois hypothétique. Même si une consultation d’un cabinet d’avocats parisiens laisse penser que l’opération est possible, nous restons dubitatifs.
Nous sommes d’autant plus dubitatifs quand nous avons appris que vous aviez très récemment consulté le tribunal administratif de Papeete. Une consultation, certes qui portait sur la possibilité d’emprunter sur les marchés étrangers, ce qui ne semble pas être possible.
Mais au détour de cette consultation, le tribunal administratif a quelque peu étendu son avis et l’on peut ainsi conclure que l’emprunt auprès de Tikiphone ne respecterait pas les règles, en tant notamment qu’il n’y aurait pas eu d’agrément de l’Autorité de contrôle prudentiel. Vous ne manquerez de nous éclairer sur l’interprétation que vous donnez de cet avis du tribunal administratif.
Alors oui, la stratégie du pays, ou plus exactement la stratégie du gouvernement, nous l’attendons. Nous l’attendons d’ailleurs depuis le 1er avril 2011, c’est-à-dire depuis maintenant un an.
Et ce n’est évidemment pas au travers de ce collectif budgétaire que nous allons voire poindre le moindre axe !
Ah, si ! peut-être puisque nous apprenons que le gouvernement s’est attaché, les services d’un expert européen pour mettre en place des outils d’aide à la décision afin de vous permettre, dites-vous, de présenter dans le cadre du débat d’orientation budgétaire 2013, c’est-à-dire vers la fin de cette année, un plan de développement économique de la Polynésie.
Bref, nous l’avions déjà compris, et ce collectif budgétaire qui rabote dans tous les coins vient le confirmer, cette année 2012 sera une nouvelle année blanche pour notre économie et les chefs d’entreprises sont priés de faire le dos rond.
On peu noter au passage, extraordinaire hasard, que vous prévoyez de nous présenter un plan de développement, dont l’élaboration aura été financée sur des fonds publics, juste au moment de l’approche du renouvellement de notre assemblée.
Je vais rassurer mes collègues, pour ce qui nous concerne, nous n’aurons pas besoin de faire appel à des experts étrangers pour soumettre un plan de développement à la sanction des électeurs dans le cadre des prochaines échéances électorales.
En attendant, donc, nous ne voyons toujours rien venir, si ce n’est le report de crédits que vous êtes incapables de mettre en œuvre, en nous expliquant qu’il s’agit d’une bonne gestion dictée par votre dépoussiéreur, la MEPPI. Ainsi, ce sont donc 17 milliards d’autorisations de programme qui sortent du document budgétaire.
C’est d’ailleurs le constat qui vient d’être fait par l’institut d’émission d’outre mer qui, dans ses perspectives pour la Polynésie note que nos difficultés budgétaires « ne permettant pas une relance de la commande publique, la reprise de la croissance économique semble compromise en 2012. La crise de confiance des entrepreneurs polynésiens s’installe durablement, laissant place à un attentisme généralisé à l’ensemble des secteurs d’activité ».
Et l’IEOM d’ajouter : « Les premières tendances conjoncturelles enregistrées au premier trimestre sont, dans l’ensemble, mal orientées, notamment dans les secteurs du tourisme et du commerce. Les solutions provisoires prévues par l’État, dans le cadre du contrat de projets 2008-2013, avec une réorientation d’une partie des financements vers la construction d’établissements scolaires et d’abris de survie, n’auront probablement que peu d’effet sur l’année 2012, compte tenu du calendrier prévisionnel de réalisation ».
Votre collectif n’est donc finalement que la transcription budgétaire des inquiétudes de l’Institut, mais surtout de l’ensemble des acteurs économiques.
Au passage, on note dans votre document la mise à la trappe de ce qui devait être un axe essentiel du développement agricole, cher à notre président voyageur, avec la mise entre parenthèse, pour ne pas dire la suppression, de 850 millions qui étaient destinés à Kai Hotu Rau, de même d’ailleurs que les crédits destinés aux zones de stockage et de conservation dans les archipels.
Mais c’est vrai que l’écoulement des produits de la terre est devenu secondaire puisque grâce aux Chinois nous allons sans doute devenir le premier producteur mondial de Rori. Après les promesses d’or vert du noni qui allait nous assurer l’indépendance économique, voici le temps de la corne d’abondance du concombre de mer. Attention à l’indigestion !
Si votre collectif ne laisse aucun espoir en terme de dynamisation de l’économie, par contre, il ne manque pas de coller à l’actualité immédiate puisque vous vous êtes empressés de créer de nouveaux postes de catégorie D dans notre administration afin de pouvoir accueillir, sans concours, quelques une de vos « petites mains » qui oeuvraient dans vos cabinets jusqu’à la décision du tribunal administratif.
Donc, ces emplois cabinets sortis par la porte vont pouvoir retrouver un emploi sous le statut de fonctionnaire, au prétexte annoncé par le vice-président que nus n’aurions pas dans notre administration suffisamment de chauffeurs et de plantons disponibles.
Nous avions cru comprendre que le ministre en charge de la fonction publique voulait mettre un terme aux recrutements sur des emplois de catégorie D dans notre administration. En tout état de cause, cela en dit long sur votre réelle volonté de redimensionner notre administration dans le cadre de votre pseudo plan de redressement des comptes publics.
Au travers ces exemples, nous voyons bien que vos priorités restent confinées à une gestion à la petite semaine, sans réelle perspective pour nos compatriotes.
Nous reviendrons bien sûr plus en détail au moment de la discussion par article ce qui ne fera que confirmer le vide sidéral dans lequel vous demandez aux polynésiens d’évoluer.
Je vous remercie de votre attention.