Paris, France | AFP | jeudi 25/03/2020 - "Encore un apéro-visio! Je vais finir alcoolique..." "Au boulot je peux pas descendre fumer à la moindre contrariété, en télétravail je te dis pas!" Les témoignages du genre se multiplient sur les réseaux sociaux, rigolards ou angoissés.
Alors, tous "accros" à la fin du confinement? Pas forcément, mais attention, répondent des spécialistes.
"Les liens entre les situations de stress traumatique et la consommation sont tout à fait établis. On répond avec les moyens du bord habituels, calmants, alcool, drogues récréatives", explique Philippe Batel, psychiatre et addictologue, chef du pôle addiction de Charente.
"En situation de confinement, la plupart des stratégies d'adaptation au stress, comme le sport ou les sorties, n'existent plus. Mais il y a de plus en plus de stress. Et la stratégie d'adaptation qui existe toujours, c'est l'utilisation de substances", abonde Elsa Taschini, psychologue spécialisée et co-fondatrice de l'association Addict'Elles.
Le phénomène est donc attendu, même chez les gens ne souffrant pas d'addictions lourdes, et l'OMS l'aborde dans ses recommandations pour "faire face au stress" pendant l'épidémie: "Ne cherchez pas à canaliser vos émotions en fumant, en buvant de l’alcool ou en consommant d'autres produits stupéfiants".
Cavistes
Reste que les débits de tabac -gros pourvoyeurs de taxes pour l'Etat- ont été autorisés à rester ouverts, tout comme, après une certaine hésitation, les cavistes, au grand dam de certains alcoologues.
Pour les fumeurs, dépendants à la nicotine, le problème est particulier.
"Quand on est enfermé, ce n'est pas le moment de se priver", relève le professeur Bertrand Dautzenberg, secrétaire général de l'Alliance contre le tabac. "Le mieux c'est de remplacer, mettre des patchs ou utiliser des substituts, ou une cigarette électronique. Mais on peut aussi essayer de se dire: c'est un moment compliqué mais qu'est-ce que je peux faire de bien? Arrêter de fumer..."
"Il faut réussir à gérer cette question du +craving+ (l'envie)", souligne aussi Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération addiction. "Se demander, est-ce que je peux faire autrement?", et pas seulement pour le tabac.
"On voit la multiplication des e-apéros, un besoin de convivialité, de décompression qui s'associe à la consommation d'alcool", poursuit cette spécialiste. Il faut donc "éviter de tomber dans le systématisme: convivialité égale alcool, stress égale alcool".
Alors chacun peut se dire, "et si finalement on utilisait cette période pour trouver d'autres modes de décompensation?" Car sinon "on a des normes d'usage qui risquent d'augmenter".
Et plus le confinement durera, plus les effets négatifs risquent de se faire sentir, avertit Philippe Batel. "La consommation répond à un +délai d'attente+: on se dit ça va m'apaiser, me permettre de mettre les choses à distance. Mais au fur et à mesure, il y a de moins en moins d'effet d'apaisement et le bénéfice attendu bascule de l'autre côté". Vers le caractère dépressif et anxiogène de la (sur)consommation d'alcool.
Blague ?
Pour Elsa Taschini il y a comme un inconscient collectif de ces dangers, que traduit la multiplication des vidéos humoristiques sur les excès en confinement. "Si on en fait autant de blagues, c'est qu'en fait on sait que ce n'est pas vraiment une blague".
Elle aussi recommande de "faire un bilan" et de s'interroger sur la place qu'occupent pour chacun d'entre nous ces "modérateurs de stress pas comme les autres" par rapport à d'autres activités aux vertus apaisantes possibles en confinement: films, lecture ou animaux de compagnie, sans oublier la sexualité.
Autres utilisateurs de "substances" concernés, les millions de Français adeptes de drogues "récréatives".
Ils font face à une situation un peu différente, car "on se demande comment ils vont s'approvisionner", souligne le docteur Bernard Basset, président de l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie. Et Nathalie Latour estime qu'on "pourrait voir des gens rebasculer sur d'autres substances".
Pas certain pourtant que l'offre fasse défaut. "Je fume peut-être un peu plus de clopes", explique Thomas (le prénom a été changé), 24 ans, étudiant parisien. "Mais si au début du confinement il n'y avait presque plus de dealers qui se déplaçaient, ils se sont réorganisés. Il faut commander la veille, en plus grosse quantité, mais ils ont repris les tournées".
Alors, tous "accros" à la fin du confinement? Pas forcément, mais attention, répondent des spécialistes.
"Les liens entre les situations de stress traumatique et la consommation sont tout à fait établis. On répond avec les moyens du bord habituels, calmants, alcool, drogues récréatives", explique Philippe Batel, psychiatre et addictologue, chef du pôle addiction de Charente.
"En situation de confinement, la plupart des stratégies d'adaptation au stress, comme le sport ou les sorties, n'existent plus. Mais il y a de plus en plus de stress. Et la stratégie d'adaptation qui existe toujours, c'est l'utilisation de substances", abonde Elsa Taschini, psychologue spécialisée et co-fondatrice de l'association Addict'Elles.
Le phénomène est donc attendu, même chez les gens ne souffrant pas d'addictions lourdes, et l'OMS l'aborde dans ses recommandations pour "faire face au stress" pendant l'épidémie: "Ne cherchez pas à canaliser vos émotions en fumant, en buvant de l’alcool ou en consommant d'autres produits stupéfiants".
Cavistes
Reste que les débits de tabac -gros pourvoyeurs de taxes pour l'Etat- ont été autorisés à rester ouverts, tout comme, après une certaine hésitation, les cavistes, au grand dam de certains alcoologues.
Pour les fumeurs, dépendants à la nicotine, le problème est particulier.
"Quand on est enfermé, ce n'est pas le moment de se priver", relève le professeur Bertrand Dautzenberg, secrétaire général de l'Alliance contre le tabac. "Le mieux c'est de remplacer, mettre des patchs ou utiliser des substituts, ou une cigarette électronique. Mais on peut aussi essayer de se dire: c'est un moment compliqué mais qu'est-ce que je peux faire de bien? Arrêter de fumer..."
"Il faut réussir à gérer cette question du +craving+ (l'envie)", souligne aussi Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération addiction. "Se demander, est-ce que je peux faire autrement?", et pas seulement pour le tabac.
"On voit la multiplication des e-apéros, un besoin de convivialité, de décompression qui s'associe à la consommation d'alcool", poursuit cette spécialiste. Il faut donc "éviter de tomber dans le systématisme: convivialité égale alcool, stress égale alcool".
Alors chacun peut se dire, "et si finalement on utilisait cette période pour trouver d'autres modes de décompensation?" Car sinon "on a des normes d'usage qui risquent d'augmenter".
Et plus le confinement durera, plus les effets négatifs risquent de se faire sentir, avertit Philippe Batel. "La consommation répond à un +délai d'attente+: on se dit ça va m'apaiser, me permettre de mettre les choses à distance. Mais au fur et à mesure, il y a de moins en moins d'effet d'apaisement et le bénéfice attendu bascule de l'autre côté". Vers le caractère dépressif et anxiogène de la (sur)consommation d'alcool.
Blague ?
Pour Elsa Taschini il y a comme un inconscient collectif de ces dangers, que traduit la multiplication des vidéos humoristiques sur les excès en confinement. "Si on en fait autant de blagues, c'est qu'en fait on sait que ce n'est pas vraiment une blague".
Elle aussi recommande de "faire un bilan" et de s'interroger sur la place qu'occupent pour chacun d'entre nous ces "modérateurs de stress pas comme les autres" par rapport à d'autres activités aux vertus apaisantes possibles en confinement: films, lecture ou animaux de compagnie, sans oublier la sexualité.
Autres utilisateurs de "substances" concernés, les millions de Français adeptes de drogues "récréatives".
Ils font face à une situation un peu différente, car "on se demande comment ils vont s'approvisionner", souligne le docteur Bernard Basset, président de l’Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie. Et Nathalie Latour estime qu'on "pourrait voir des gens rebasculer sur d'autres substances".
Pas certain pourtant que l'offre fasse défaut. "Je fume peut-être un peu plus de clopes", explique Thomas (le prénom a été changé), 24 ans, étudiant parisien. "Mais si au début du confinement il n'y avait presque plus de dealers qui se déplaçaient, ils se sont réorganisés. Il faut commander la veille, en plus grosse quantité, mais ils ont repris les tournées".