Alberto V. : "la mode s’inspire de la rue, la période…la vie"


Crédit : Teikidev.
TAHITI, le 8 juin 2022 - Responsable du concours de mannequins organisé à l’occasion de la Tahiti Fashion Week, Alberto Vivian, est l’homme qui a lancé l’événement mode polynésien en 2014. Il revient sur son parcourt et sur l’évolution du secteur et de ses acteurs sur le territoire.

Alberto Vivian, qui signe ses créations d’un simple Alberto V., est né à Milan en Italie. Il avait, petit déjà, envie de travailler dans la mode. "C’est inné", résume-t-il. “Ça a toujours été là." Il se rappelle qu’à l’âge de 9/10 ans, il tenait à accompagner sa tante qui se rendait régulièrement chez une grande couturière appelée Biki pour y passer commande.

Le cursus scolaire italien n’est pas tout à fait comparable au cursus français. Mais, quoi qu’il en soit, il a d’abord étudié les beaux-arts avant de suivre une école d’architecture. "Tout le monde pense qu’il faut faire une école de mode pour travailler dans ce milieu, je ne le crois pas. Ce que je pense c’est que l’indispensable est de connaître l’histoire des arts. La mode, c’est de l’art." Quant à l’architecture, c’est un non choix. "Pour mes parents, je m’engageais dans un monde qui avait mauvaise réputation, eux voulaient que je sois architecte, je leur ai fait plaisir."

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Il est entré à l’académie des beaux-arts de Brera (Accademia di Belle arti di Brera) à 14 ans, pour 5 ans. "C’était en fait une école et en même temps un musée", précise Alberto V qui y a trouvé son compte. "La mode, tu la fais avec ce que tu vois tous les jours, des photographies, une belle femme ou un bel homme, un tableau. On ne s’inspire pas des autres couturiers mais de la rue, de la période, de la vie en somme. " Ensuite, Alberto V. est allé à l’université d’architecture pour cinq ans également. Là encore il y a trouvé son compte. "Beaucoup de stylistes sont formés à l’architecture." Mais il n’a pu se résoudre à attendre la fin de son cursus université pour mettre un pied dans cet univers qui l’attirait depuis toujours.

Toujours étudiant, il entre dans le monde de la mode

Il a décidé de commencer à travailler en parallèle de ses cours. Il a appris qu’une nouvelle boutique branchée allait s’ouvrir dans sa ville. C’était la boutique Gérald qui proposait des grandes marques comme Mugler, Montana mais aussi sa propre ligne de vêtements. "Ils avaient déjà un espace de vente à Florence que je fréquentais. C’est comme ça que j’ai su pour l’ouverture à Milan, j’ai tout fait pour y bosser." Alberto V. était prêt à démarrer tout en bas de l’échelle, vendre, nettoyer, peu lui importait alors. Il a été accepté et a, rapidement, été sollicité pour dessiner des vêtements. "Ils avaient leur équipe mais ils ont peut-être senti que j’avais quelque chose ? "

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Plus tard, au cours d’un dîner arrangé, il a fait la rencontre de Elio Fiorucci. À l’issue du repas, la porte de la maison de couture Fiorucci s’est ouvetre pour Alberto V. "Une semaine plus tard je partais pour un tour du monde", raconte-t-il. New-York, puis Hawaii, l’Inde, la Thaïlande, la Chine, Taïwan, Tokyo, Londres. "Il y avait des voyages d’inspirations et des voyages, disons, de fabrication." Les stylistes, toujours escortés d’une assistante "parce que les idées fusent tout le temps, il faut quelqu’un pour les noter sans attendre", devaient nourrir leur imagination en divers endroits de la planète mais également bien comprendre les processus de fabrication des vêtements. Ils visitaient des musées, rencontraient des personnalités, (Alberto V. a pu croiser Andy Warhol, Madonna, Jean-Michel Basquiat, Keith Harring…), assistaient à des défilés, arpentaient les usines. "La belle époque ! " Une belle époque qui a duré au moins une dizaine d’années.

Alberto V. étaient sur la route en permanence. Son port d’attache restait cependant milan où il revenait régulièrement. Alors, il dessinait des vêtements qui passaient ensuite à l’étape de réalisation. "Il fallait vérifier qu’ils étaient commercialisables." Il pouvait intervenir jusqu’au prototype final. "On pouvait le retoucher une fois qu’on l’avait devant les yeux", précise Alberto V. qui insiste et répète : "chacun son rôle" ! Dans l’univers de la mode de nombreux métiers cohabitent. Et tous apportent leur connaissances et savoir-faire aux différentes étapes de réalisation : de l’idée au défilé (quand il y a, certaines créations sont faites sur commande).

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Un jour, il a pris la direction de la Polynésie française pour passer des vacances. Il s’est rendu à Moorea et a rencontré "des gens extraordinaires et des endroits magnifiques". Son séjour a duré un mois. Aujourd’hui, il est toujours là. Il a continué pendant plusieurs années à travailler pour Fiorucci depuis Tahiti. "Je faisais des allers-retours jusqu’au jour ou monsieur Fiorucci est venu me voir pour m’annoncer qu’il vendait. J’ai arrêté à ce moment-là."

De Fiorucci à la Tahiti Fashion Week

Alberto V. a alors "fait des petites robes à droite, à gauche". Il travaillait avec des couturières. Dans les années 1980, il a ouvert une première boutique avec un associé à Fare Tony, la Dolce Vita. Puis, dans les années 1990, il a ouvert une boutique baptisée Alberto V. Il a dessiné des collections de vêtements pour une marque locale. Enfin, Tahitian Moove est née. C’était en 2007. En parallèle, cette même année Alberto V. a cherché à faire évoluer le secteur de la mode en Polynésie en lançant le concours de mannequins Marylin Agency. "On voulait lancer une dynamique. " En 2014 est née la Tahiti Fashion Week. " D’autres pays du Pacifique avaient déjà leur semaine fashion. Pourquoi pas Tahiti ? On s’est empressé de déposer la marque."

Avec la Tahiti Fashion Week et le concours de mannequin, le secteur de la mode en Polynésie a évolué, des liens se sont tissés, des personnalités sont passées suscitant au passage des vocations, des envies de changer et de créer autrement. "Pour faire de la mode, il faut toujours regarder le futur, jamais le passé." Les graines semées aujourd’hui, germeront demain. Certaines, plantées ces dernières années, ont déjà poussé. "Je ne jugerai pas ni les créateurs, ni les créations, les goûts et les couleurs ne se discutent pas mais les invités qui reviennent d’une année sur l’autre nous disent eux que c’est de mieux en mieux ! "

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 8 Juin 2022 à 20:56 | Lu 1131 fois