Aire marine gérée, un nouveau plan de gestion pour promouvoir l'économie bleue


L'aire marine gérée, Tainui Atea, s'étale sur 95% de l'espace maritime polynésien. Crédit photo : Greg Boissy.
Tahiti, le 5 juin 2023 – Le Pays a lancé cette année son nouveau plan de gestion 2023-2037, de l'aire marine gérée Tainui Ātea, qui s'étale sur la quasi-totalité de l'espace maritime polynésien. Ce plan, dévoilé aux différents acteurs publics et privés du maritime il y a deux semaines, a pour vocation de définir une stratégie environnementale pour cet espace tout en conciliant pêche et protection de l'environnement.
 
Alors que la finalisation du plan de gestion 2023-2037 de l'aire marine gérée (AMG) Tainui Ātea a eu lieu le 1er mars dernier, ce plan a été présenté aux différents acteurs publics et privés du maritime – comme la Direction des ressources marines, le bureau de l'Action de l'État en mer, le service des Affaires maritimes ou encore la fédération des associations de protection de l'environnement – le 25 mai dernier. Ainsi, lors de cette réunion, les principaux thèmes de ce plan, établi sur une durée de quinze ans, ont été abordés. Ceux-ci s'articulent en quatre points distincts : la sauvegarde des espèces ciblées par la pêche hauturière, le renforcement de la protection des écosystèmes profonds et la préservation des espèces marines emblématiques. Concrètement, l'objectif de ce plan de gestion est de promouvoir l'économie bleue en faisant coexister la pêche, essentielle à la sécurité alimentaire, et la protection de l'environnement, à travers une stratégie bien établie. À noter qu'en 2022, un rapport de la Chambre territoriale des comptes (CTC), soulignait, à propos de l'AMG, le manque de “plan stratégique défini” et “d'actions concrètes”. Par conséquent avec ce nouveau plan de gestion, le Pays affirme enfin sa volonté d'établir une politique claire sur cet espace maritime.
 
Pour rappel l'aire marine gérée Tainui Ātea créée en 2018, est un espace classé au code de l'environnement polynésien. Il couvre la quasi-totalité de la Zone économique exclusive (ZEE) de la Polynésie, soit près de 4,55 millions de kilomètres carrés. Cela représente 95% de l'espace maritime du fenua et 45% de celui de la France. Face à la velléité de nombreuses associations dans ces archipels de créer des aires marines protégées, avec une protection environnementale très stricte, aux Australes ou encore aux Marquises, la création de Tainui Ātea semblait à l'époque être un compromis entre la protection absolue de la ZEE et son développement. Concernant la gouvernance de l'AMG, celle-ci est effectuée par un conseil de gestion, co-présidé par les ministres en charge de l'environnement et de l'économie bleue. Ce conseil doit se réunir chaque année afin d'évaluer l'avancement des mesures et actions mises en place.
 
Environnement et écosystème profonds
 
L'un des principaux objectifs au long terme de ce plan est donc de renforcer la protection de l'environnement marin polynésien. Avec ce nouveau programme, le Pays espère premièrement préserver les espèces marines emblématiques du fenua, comme les tortues, les requins ou encore les raies mobulas, en atténuant les pressions générées par les activités maritimes. Plusieurs programmes d'études vont également être lancés sur différentes espèces, tels que les oiseaux marins, puffins et pétrels, afin de d'identifier leurs zones d'alimentation.
 
En plus des espèces marines, ce plan de gestion vise à protéger les écosystèmes profonds, souvent associés aux monts sous-marins et aux plaines abyssales. Ceux-ci sont également menacés, à travers le monde, par la surpêche, les déchets marins ou encore les exploitations de minerais. Et afin de sauvegarder ces écosystèmes, des textes et protections règlementaires seront rédigés. Des études de et des cartographies des reliefs sous-marins seront aussi réalisées afin “d'acquérir des connaissances physico-chimiques, biologiques et géologiques” sur ces zones. Avec cette mesure, la Polynésie réaffirme également sa volonté de ne pas exploiter ses fonds marins.  Il est d'ailleurs détaillé dans le rapport du plan que “les activités de prospection et d'exploitation minière en eau profonde, ne sont pas d'actualité”. Un moratoire sur ce sujet, rédigé sous forme d'une déclaration solennelle, a été adopté en fin d'année 2022. “L'exploitation et la prospection minière pourrait avoir un impact fort sur les mammifères marins en raison de la pollution sonore.” À noter que les extractions minières les ZEE voisines peuvent également avoir de forts impacts sur les espèces marines qui vivent au fenua en raison de la dispersion de sédiments sur de longues distances.
 
Vers une pêche durable
 
Si assurer la protection de la biodiversité marine est essentiel, les espèces ciblées par la pêche hauturière ont une importance capitale en matière de sécurité alimentaire pour la Polynésie. Ainsi, maintenir, voire augmenter, des quotas de pêche, tout en respectant l'environnement par le biais de ce nouveau plan de gestion était une priorité économique. Pour mener à bien cette mission, les fiches d'actions du nouveau plan détaillent plusieurs opérations. Tout d'abord, “développer l'acquisition de connaissances sur les espèces ciblées et leur exploitation”, en collectant des données qui seront récoltées via la Direction des ressources marines et des programmes scientifiques. Ces données seront essentielles afin d'établir les bons quotas pour allier sécurité économique et protection de l'environnement. Si de nombreuses mesures de gestion durable des ressources marines sont déjà en œuvre, de nombreuses autres actions vont voir le jour, comme le renforcement du programme observateur et du e-monitoring (suivi vidéo des navires), le développement de la dimension environnementale de la formation des marins-pêcheurs, la création de voies maritimes recommandées ou encore l'élaboration de zonages de protection. Autre point d'orgue de ce nouveau plan, la guerre contre les dispositifs de concentration de poisson (DCP) dérivants. En Polynésie, la pêche hauturière se fait principalement à bord de palangriers. En 2021, 6 000 tonnes de poisson ont été pêchées, par 73 navires, principalement dans l’archipel de la Société, au nord des Tuamotu et au sud des Marquises. Un quart de cette pêche est exporté. À contrario, dans les zones adjacentes à notre ZEE, ce sont des senneurs, principalement issus de Taiwan, de Chine, de Corée du Sud et du Vanuatu, qui sont présents. L'activité de pêche y est forte, notamment à cause de l'utilisant de DCP dérivants. En Polynésie, seuls les DCP fixes sont autorisés. À l'échelle du Pacifique, les captures polynésiennes ne représentent seulement que 0,2% du total.
 

Les enjeux internationaux de l'aire marine gérée

La ZEE polynésienne. Crédit photo : Archive TI.
En plus de pérenniser sa propre ZEE, l'aire marine gérée Tainui Ātea s'inscrit également dans un objectif de stratégie régionale et internationale. En effet depuis de nombreuses années, le Pays a une attitude proactive dans le Pacifique en matière de gestions de ses eaux et des eaux internationales. Avec ce nouveau plan de gestion, la Polynésie va consolider ses trois principaux points d'ancrage internationaux qui sont : La participation et/ou le soutien aux travaux des Organisations régionales de gestion de pêches (WCPFC ET l'IATTC) afin d'améliorer le cadre de gestion de pêche et par conséquent la sauvegarde des ressources, la représentation et la participation aux événements et sommets internationaux comme le Forum des îles du Pacifique ou le One Planet Summit – pour mettre en avant les efforts de la Polynésie en matière d'environnement – et la participation au projet du Grand mur bleu du Pacifique. Avec ce nouveau plan de gestion, le Pays ambitionne également de promouvoir le modèle de son AMG à travers les instances et organisations à travers le monde mais également de négocier des accords de coopération avec les nations insulaires voisines.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Lundi 5 Juin 2023 à 19:53 | Lu 1799 fois