Plusieurs maires, un élu de chaque commune, des représentants des églises, des pêcheurs, de la culture et un prof sont à Tahiti pour présenter le projet de grande aire marine protégée des Australes : le Rāhui Nui nō Tuha'a Pae.
PAPEETE, le 5 avril 2016 - Après deux ans de discussions et de travail, les 6000 habitants des Australes sont désormais majoritairement convaincus de l'intérêt de créer une grande aire marine protégée autour de leurs îles. Par contre, le gouvernement à Papeete ne semble pas emballé par le projet, au point de bouder les maires des Australes en visite à Papeete.
Une délégation de 20 élus et représentants de la société civile des Australes est à Papeete cette semaine. Leur visite a pour seul but de présenter leur projet de grande Aire Marine Protégée (AMP) d'un million de kilomètres carrés autour des Australes. Elle s'appellera Rāhui Nui nō Tuha'a Pae ("Le grand rahui des Australes"). une conférence publique est organisée demain mercredi toute la journée à la CCISM pour présenter le projet, l'entrée est libre dès 8h30.
Après deux ans de discutions, jusqu'à 10 réunions dans chaque district, l'implication des écoles, des pêcheurs, des églises, des professionnels du tourisme et les associations environnementales (dont la fondation Pew à l'origine de l'idée), le projet est ficelé. Tout l'océan autour des Australes serait protégé, à l'exception d'une zone de pêche libre dans la limite des 20 milles nautiques des côtes pour les pêcheurs locaux, et quelques zones de pêche réglementée sur des hauts fonds à proximité des îles.
L'idée est de préserver la ressource à long terme, laisser le temps aux poissons de se reproduire et de grandir, puis de capturer ceux qui sortiraient de la zone protégée. Des impacts positifs sont attendus au niveau culturels et pour le développement de l'éco-tourisme. Un grand projet collectif pour la protection des écosystèmes marins, qui s'accompagnera d'efforts plus près des côtes avec des rahui traditionnels dans les lagons et des initiatives pour protéger l'environnement à terre.
CONVAINCRE LE GOUVERNEMENT NE SERA PAS SI FACILE
Maintenant que tout est prêt aux Australes et que la population est derrière le projet, il s'agit de convaincre ceux qui peuvent légalement créer l'AMP. La délégation est à Tahiti cette semaine pour faire avancer le projet. Ils organisent une conférence publique dans le grand amphi de la CCISM toute la journée de mercredi, donc demain, pour la population. Ils ont aussi rencontré le président de l'Assemblée ce mardi, et parleront au CESC et à la communauté protestante ce jeudi.
Il manque juste un acteur essentiel pour leur projet : le gouvernement d'Édouard Fritch et sa majorité à l'Assemblée. Malgré la visite de deux maires et d'au moins un élu de chacune des îles Australes, aucun membre du gouvernement n'a accepté de les recevoir. Officiellement, le projet des Australes entre en contradiction avec le projet "d'Aire Marine Gérée" sur toute la ZEE polynésienne avancé par Édouard Fritch à la COP21. Le Rāhui Nui serait intégré dans ce projet plus tard. Officieusement, c'est le fait que la fondation Pew, une ONG étrangère, soit à l'origine du projet qui hérisserait le gouvernement. Mais pour la délégation "aujourd'hui ce n'est plus le projet de Pew, c'est le projet des 6000 habitants des Australes"…
>>> Le rapport final du projet Rāhui Nui nō Tuha'a Pae
Une délégation de 20 élus et représentants de la société civile des Australes est à Papeete cette semaine. Leur visite a pour seul but de présenter leur projet de grande Aire Marine Protégée (AMP) d'un million de kilomètres carrés autour des Australes. Elle s'appellera Rāhui Nui nō Tuha'a Pae ("Le grand rahui des Australes"). une conférence publique est organisée demain mercredi toute la journée à la CCISM pour présenter le projet, l'entrée est libre dès 8h30.
Après deux ans de discutions, jusqu'à 10 réunions dans chaque district, l'implication des écoles, des pêcheurs, des églises, des professionnels du tourisme et les associations environnementales (dont la fondation Pew à l'origine de l'idée), le projet est ficelé. Tout l'océan autour des Australes serait protégé, à l'exception d'une zone de pêche libre dans la limite des 20 milles nautiques des côtes pour les pêcheurs locaux, et quelques zones de pêche réglementée sur des hauts fonds à proximité des îles.
L'idée est de préserver la ressource à long terme, laisser le temps aux poissons de se reproduire et de grandir, puis de capturer ceux qui sortiraient de la zone protégée. Des impacts positifs sont attendus au niveau culturels et pour le développement de l'éco-tourisme. Un grand projet collectif pour la protection des écosystèmes marins, qui s'accompagnera d'efforts plus près des côtes avec des rahui traditionnels dans les lagons et des initiatives pour protéger l'environnement à terre.
CONVAINCRE LE GOUVERNEMENT NE SERA PAS SI FACILE
Maintenant que tout est prêt aux Australes et que la population est derrière le projet, il s'agit de convaincre ceux qui peuvent légalement créer l'AMP. La délégation est à Tahiti cette semaine pour faire avancer le projet. Ils organisent une conférence publique dans le grand amphi de la CCISM toute la journée de mercredi, donc demain, pour la population. Ils ont aussi rencontré le président de l'Assemblée ce mardi, et parleront au CESC et à la communauté protestante ce jeudi.
Il manque juste un acteur essentiel pour leur projet : le gouvernement d'Édouard Fritch et sa majorité à l'Assemblée. Malgré la visite de deux maires et d'au moins un élu de chacune des îles Australes, aucun membre du gouvernement n'a accepté de les recevoir. Officiellement, le projet des Australes entre en contradiction avec le projet "d'Aire Marine Gérée" sur toute la ZEE polynésienne avancé par Édouard Fritch à la COP21. Le Rāhui Nui serait intégré dans ce projet plus tard. Officieusement, c'est le fait que la fondation Pew, une ONG étrangère, soit à l'origine du projet qui hérisserait le gouvernement. Mais pour la délégation "aujourd'hui ce n'est plus le projet de Pew, c'est le projet des 6000 habitants des Australes"…
>>> Le rapport final du projet Rāhui Nui nō Tuha'a Pae
Fernand Tahiata, maire de Tubuai
"Nous avons beaucoup discuté de ce projet en conseil municipal et avec les acteurs de la pêche sur l'île. C'est également la volonté des habitants de Tubuai qui veulent participer à ce projet. On voit que dans le monde entier il y a énormément de surpêche, ça vide les réserves. Aux Australes, nous sommes encore loin de ça, mais il faut protéger maintenant nos réserves. On a bien vu à Tubuai avec le bénitier qu'il y a eu trop de prises, les bénitiers se sont retrouvés tout au fond. Il faut maintenant créer des zones réservées, et pour l'océan c'est la même chose.
Nous avons décidé, entre les maires des Australes, de demander à rencontrer le président du Pays pour lui présenter le projet. C'est le maire de Rimatara, le doyen, qui lui a adressé un courrier. Normalement, comme c'est la volonté des Australes, il devrait voir le projet favorablement, mais jusqu'à ce matin on a eu aucune réponse. On est surpris, et un peu déçu. Il faut que le gouvernement nous dise son avis, s'ils veulent du Rāhui Nui ou pas. Mais nous sommes déterminés à avoir cette réserve aux Australes."
"Nous avons beaucoup discuté de ce projet en conseil municipal et avec les acteurs de la pêche sur l'île. C'est également la volonté des habitants de Tubuai qui veulent participer à ce projet. On voit que dans le monde entier il y a énormément de surpêche, ça vide les réserves. Aux Australes, nous sommes encore loin de ça, mais il faut protéger maintenant nos réserves. On a bien vu à Tubuai avec le bénitier qu'il y a eu trop de prises, les bénitiers se sont retrouvés tout au fond. Il faut maintenant créer des zones réservées, et pour l'océan c'est la même chose.
Nous avons décidé, entre les maires des Australes, de demander à rencontrer le président du Pays pour lui présenter le projet. C'est le maire de Rimatara, le doyen, qui lui a adressé un courrier. Normalement, comme c'est la volonté des Australes, il devrait voir le projet favorablement, mais jusqu'à ce matin on a eu aucune réponse. On est surpris, et un peu déçu. Il faut que le gouvernement nous dise son avis, s'ils veulent du Rāhui Nui ou pas. Mais nous sommes déterminés à avoir cette réserve aux Australes."
Joachim Tevaatua, maire de Raivavae
"Il faut penser à nos enfants. D'abord on a consulté la population, on leur a bien expliqué le projet à chaque visite de Pew, et la population est d'accord pour protéger son océan. C'est l'avenir des poissons, pour nos enfants, qui nous inquiète. S'il y a beaucoup de grands pêcheurs qui viennent chez nous, il ne nous restera plus beaucoup de poissons. On voit déjà les gros bateaux passer pas loin de Raivavae."
"Il faut penser à nos enfants. D'abord on a consulté la population, on leur a bien expliqué le projet à chaque visite de Pew, et la population est d'accord pour protéger son océan. C'est l'avenir des poissons, pour nos enfants, qui nous inquiète. S'il y a beaucoup de grands pêcheurs qui viennent chez nous, il ne nous restera plus beaucoup de poissons. On voit déjà les gros bateaux passer pas loin de Raivavae."
Artigas Hatitio, pêcheur de Rimatara
"Nous sommes en phase de création de l'association Les amis de Rāhui Nui nō Tuha'a Pae, parce qu'elle est nécessaire pour faire entendre notre voix. Aujourd'hui nous sommes venus en délégation des cinq îles, et le président ne veut pas nous recevoir. Donc il faut constituer l'association pour nous donner un plus de force pour monter notre projet. Il faut juste convaincre nos pouvoirs politiques qu'il est temps de réagir avant le désastre. Nous, nous sommes déjà convaincus qu'il faut cette AMP pour renouveler les ressources et protéger les stocks. On est pas contre les pêcheurs, comme l'ont bien expliqué les scientifiques, par effet de débordement les poissons dépassent les limites, ils n'ont pas de frontières, et à ce moment-là ils vont se faire capturer. Mais là, il aura eu le temps de se reproduire.
Au départ le gouvernement nous soutenait, mais selon frère Maxime maintenant ils parlent de mi-réserve, où c'est tantôt ouvert, tantôt fermé à la pêche. Mais ce n'est pas ça que nous voulons ! Nous on veut une réserve intégrale pour que le poisson ait le temps de se reproduire et les fonds marins de se régénérer."
"Nous sommes en phase de création de l'association Les amis de Rāhui Nui nō Tuha'a Pae, parce qu'elle est nécessaire pour faire entendre notre voix. Aujourd'hui nous sommes venus en délégation des cinq îles, et le président ne veut pas nous recevoir. Donc il faut constituer l'association pour nous donner un plus de force pour monter notre projet. Il faut juste convaincre nos pouvoirs politiques qu'il est temps de réagir avant le désastre. Nous, nous sommes déjà convaincus qu'il faut cette AMP pour renouveler les ressources et protéger les stocks. On est pas contre les pêcheurs, comme l'ont bien expliqué les scientifiques, par effet de débordement les poissons dépassent les limites, ils n'ont pas de frontières, et à ce moment-là ils vont se faire capturer. Mais là, il aura eu le temps de se reproduire.
Au départ le gouvernement nous soutenait, mais selon frère Maxime maintenant ils parlent de mi-réserve, où c'est tantôt ouvert, tantôt fermé à la pêche. Mais ce n'est pas ça que nous voulons ! Nous on veut une réserve intégrale pour que le poisson ait le temps de se reproduire et les fonds marins de se régénérer."
Hanohano Naehu, de Molokai, membre du mouvement de conservation hawaiien Aloha ʻĀina
"En 2006 nous avons créé une grande aire marine protégée au nord-ouest de Hawaii, nommée Papahānaumokuākea. Elle a été longtemps la plus grande réserve marine au monde. Aujourd'hui on voit que l'impact a été excellent pour les habitants. Parce qu'il y a les pêcheurs qui capturent du poisson pour leurs familles, et ceux qui le font pour l'argent. Donc ceux qui pêchent pour l'argent ne s'en sortent plus très bien, mais le reste d'entre nous, qui pêchons pour nos familles, allons très bien maintenant, et ça s'améliore encore. C'est le message que je veux amener ici, surtout qu'à Hawaii la surpêche était très forte. Il y aussi d'autres impacts positifs. À chaque fois qu'il y a une abondance dans la nature, qu'on appelle momona, "être très gros, très productif", ça a un effet domino sur la culture, la santé…"
"En 2006 nous avons créé une grande aire marine protégée au nord-ouest de Hawaii, nommée Papahānaumokuākea. Elle a été longtemps la plus grande réserve marine au monde. Aujourd'hui on voit que l'impact a été excellent pour les habitants. Parce qu'il y a les pêcheurs qui capturent du poisson pour leurs familles, et ceux qui le font pour l'argent. Donc ceux qui pêchent pour l'argent ne s'en sortent plus très bien, mais le reste d'entre nous, qui pêchons pour nos familles, allons très bien maintenant, et ça s'améliore encore. C'est le message que je veux amener ici, surtout qu'à Hawaii la surpêche était très forte. Il y aussi d'autres impacts positifs. À chaque fois qu'il y a une abondance dans la nature, qu'on appelle momona, "être très gros, très productif", ça a un effet domino sur la culture, la santé…"