Airbnb: le Sénat s'attaque à la régulation des meublés touristiques


Crédit Lionel BONAVENTURE / AFP
Paris, France | AFP | mardi 21/05/2024 - Le Sénat a commencé mardi à débattre sur plusieurs mesures de régulation du marché des meublés touristiques comme Airbnb, une initiative transpartisane pour redonner du pouvoir aux maires, s'attaquer à une niche fiscale décriée et répondre partiellement à la crise du logement.

La proposition de loi portée par les députés Annaïg Le Meur (Renaissance) et Iñaki Echaniz (Parti socialiste), déjà adoptée par l'Assemblée nationale, est plutôt bien accueillie à la chambre haute, même dans les rangs de la droite majoritaire. 

Pourtant Les Républicains (LR) s'y étaient opposés très largement à l'Assemblée nationale, aux côtés du Rassemblement national, invoquant notamment la défense des "petits propriétaires".

Mais il se dégage un consensus dans la "chambre des territoires" pour donner aux élus locaux des clés pour réguler la prolifération des meublés touristiques, accusés parfois de nuire à la location de longue durée.

"Il en va de notre responsabilité de permettre aux Français de se loger dans les territoires les plus tendus, les plus touristiques, de rouvrir des logements aux travailleurs saisonniers, d'empêcher l'éviction future des étudiants et de rétablir de l'équité", a plaidé le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, en ouverture des débats. 

"Emballement spéculatif"

La mesure la plus emblématique est d'ordre fiscal: le texte propose de réduire à 30% le taux d'abattement sur les revenus issus des locations des meublés de tourisme, contre 71% ou 50% actuellement.

De nombreux élus, notamment en bord de mer ou dans les grandes villes, s'alarment en effet de la pénurie de logements dans leurs territoires et ciblent l'explosion du nombre d'Airbnb, favorisée par une fiscalité très avantageuse.

Plus réticent, le Sénat a légèrement atténué la mesure en commission à l'initiative de la droite, en maintenant un abattement de 50% pour les seuls meublés classés, pour "conserver un caractère incitatif au classement" de ces logements touristiques.

Mais des sénateurs de tous bords vont tenter d'aller plus loin à travers divers amendements. "Dans une période de grave crise du logement, rien ne justifie qu'on conserve cette niche fiscale", martèle le communiste Ian Brossat, ex-adjoint au Logement à la mairie de Paris. 

A l'autre bout de l'hémicycle, le LR Max Brisson abonde dans le même sens. "Cette niche fiscale est choquante", estime le sénateur qui dénonce "un emballement spéculatif totalement incontrôlable".

Ce n'est pas la première fois que la "niche Airbnb" est combattue au Sénat: lors de l'examen du budget 2024 à l'automne, l'abattement avait déjà été ramené à 30% dans les zones tendues contre l'avis du gouvernement... Qui avait ensuite omis de supprimer l'amendement via son recours à l'article 49.3 de la Constitution.

L'exécutif est resté flou sur ce point mardi, M. Kasbarian se contentant d'estimer que "le statu quo n'est pas satisfaisant", sans se positionner clairement.

"Réflexion globale"

De son côté, Airbnb s'est dit ouvert à des modifications fiscales mais a appelé les sénateurs "à mieux cibler ces mesures pour s'attaquer spécifiquement à la spéculation", a déclaré Clément Eulry, directeur d'Airbnb France. Celui-ci regrette certaines mesures comme la possibilité pour les élus d'abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale pendant laquelle une résidence principale peut être louée.

Le texte "vise à restreindre indûment les droits des propriétaires, parce qu'il ne produira aucun résultat bénéfique pour l'intérêt général du logement", a pour sa part dénoncé l'Union nationale pour la promotion de la location de vacances (UNPLV).

La proposition de loi généralise par ailleurs le numéro d'enregistrement de toute location d'un meublé de tourisme, utile pour assurer un meilleur suivi et un meilleur contrôle de ces logements sur un territoire. 

Elle régule également la prolifération des résidences secondaires dans les villes les plus touchées par ce phénomène, en donnant la possibilité aux élus locaux de réserver les constructions nouvelles dans certains quartiers aux seules résidences principales.

Malgré le soutien très large du Sénat à ce texte, plusieurs parlementaires ont alerté sur le champ restreint du texte. "L'essor des meublés de tourisme est loin de résumer l'ampleur du déséquilibre du marché locatif actuel", a prévenu la rapporteure LR Sylviane Noël, appelant à une "réflexion globale" qui devrait se poursuivre lors de l'examen du projet de loi logement à partir du 17 juin au Sénat.

le Mardi 21 Mai 2024 à 07:50 | Lu 851 fois