Air Moorea : Peines de prison avec sursis requises pour trois employés


Il était reproché aux trois employés de la compagnie, un pilote, un contrôleur de production et un technicien, de ne pas avoir respecté les conditions de sécurité lors d’un vol aux Marquises en 2007.
PAPEETE, le 3 octobre 2017 - Ce matin, trois individus étaient présentés au tribunal de Papeete dans le cadre de l’affaire d’Air Moorea. Il était reproché aux trois employés de la compagnie, un pilote, un contrôleur de production et un technicien, de ne pas avoir respecté les conditions de sécurité lors d’un vol aux Marquises en 2007. AIR Moorea était également poursuivie en tant que personne morale.

Comme l’a exprimé le président du tribunal ce matin, « l’affaire arrive enfin devant le tribunal ». C’est ainsi qu’a débuté le procès de trois employés de la compagnie Air Moorea poursuivis, pour deux d’entre eux, pour avoir « maintenu en circulation un aéronef ne répondant pas aux conditions de navigabilité et pour avoir, ainsi, « exposé l’équipage et les passagers à un danger de mort, d’infirmité ou de blessure. » Le troisième prévenu, un pilote, était, quant à lui, poursuivi pour avoir conduit un aéronef « non conforme aux règles de sécurité » et pour « faux et usage de faux. »

L’affaire remonte à l’année 2007 lors du festival de Ua Pou aux Marquises. Alors qu’un équipage de la compagnie effectuait une relève, il avait signalé un problème technique à l’autre équipage, décrivant « une sensation de dureté ou d’effort important sur la commande d’aileron en gauchissement. » En dépit de ce signalement, le pilote avait pris la décision de continuer les vols. L’incident technique avait été signalé deux jours après sa découverte.

Les trois hommes qui comparaissaient, ce matin, pour avoir mis en danger la vie des passagers de cet aéronef possédaient tous un casier vierge. Au début de l’audience, le président du tribunal a « regretté » l’absence du représentant d’Air Moorea auquel il aurait bien aimé « poser quelques questions. »

Cette affaire s’inscrivait dans un contexte particulier car, quatre mois auparavant, un appareil du même type s’était abimé en mer au large de Moorea, tuant tous ses passagers. Comme l’a indiqué le président du tribunal, « Cet évènement tragique a marqué la Polynésie. La desserte entre les îles est une réalité aussi bien qu’une nécessité. »

A la barre, les trois prévenus ont tenté d’expliquer, dans un langage peu compréhensible pour les néophytes de l’aviation, que la compagnie traversait alors une période très sensible inscrite dans le douloureux contexte du récent crash. Ils ont également indiqué qu’ils n’avaient subi aucune pression de la part de leur direction.

Dans ses réquisitions, qui ont eu le mérite d’éclaircir cette affaire techniquement difficile, le procureur de la République a mis en avant la grande expérience professionnelle des trois hommes, « Je comprends que les prévenus ne se reprochent rien, cela est de bonne guerre car les enjeux sont importants en termes d’exercice de la profession. Je suis apte à entendre et comprendre des arguments. Dans certaines des conclusions, certaines erreurs ont pu être faites sur, notamment le rôle du BEA qui n’est pas là pour déterminer la culpabilité d’une personne. Sur les faits reprochés, chacun a développé ses arguments, sa mission. Il faut prendre en compte une situation où, à un moment donné, on constate qu’un câble essentiel dans le pilotage ne passait pas dans la gorge de la poulie. De surcroît ce câble était usé de manière anormale, c’est un fait objectif qui a été constaté. Si ce câble avait cédé, inévitablement, nous aurions été devant une nouvelle catastrophe. Cette situation se situe au pire moment, au moment où l’on attendait de la compagnie qu’elle fasse particulièrement attention. On s’explique mal qu’un tel disfonctionnement puisse exister et encore plus pourquoi cela n’a pas été porté sur un compte rendu technique le jour de sa découverte. Dans ce dossier, la sensation de dureté de l’aileron avait été signalé le 14 décembre. C’est constant, c’est dans le dossier. Le pilote a délibérément omis de mentionner ce constat dans les comptes rendu matériels les 14 et 15 décembre 2007. Il a, d’ailleurs, a reconnu avoir attendu la fin du festival pour répertorier officiellement cet incident technique le 16 décembre. Je ne comprends pas comment le pilote peut négliger un élément et ne pas immobiliser l’appareil. Je n’ose pas imaginer que, pour des basses besognes commerciales, il ait mis sa vie et celle des autres en danger. Pour moi, c’est une violation manifestement délibérée des obligations de sécurité. Aujourd’hui, c’est comme ça, il faut trouver des responsables. A propos de l’un des deux techniciens, les faits se passent à un autre moment, on lui reproche d’avoir mis en circuit l’aéronef ne répondant pas aux conditions. Il était chargé de superviser le travail des deux mécaniciens qui étaient intervenus sur l’appareil, il a reconnu qu’il n’avait pas, lui-même, vérifié le câble. Lorsque l’incident lui est rapporté par les pilotes, il minimise en disant que c’est normal. Il aurait dû empêcher que cet avion prenne des vols commerciaux. Le contrôleur de production, quant à lui, a signé la fiche technique mais n’a pas décelé la mauvaise installation de ce câble. On est étonnés, avec son expérience, qu’il n’ait pas opéré ce contrôle. Il valide un travail qui n’a pas été vérifié par une personne accréditée et qui permet à l’avion de voler. On comprend bien qu’il y a une situation humaine, du fait du crash, ou l’on veut sauver la compagnie. C’une question d’argent où l’on n’hésite pas à mettre la vie des gens en danger. Même si cela est difficile, en aucun cas, la stabilité économique ne doit supplanter la sécurité. C’est un dossier technique, compliqué mais qui, sur le plan juridique, est simple, il y a eu des violations manifestement délibérées des obligations de sécurité. »

A l’encontre du contrôleur de production et du technicien ont été requises des peines d’emprisonnement d’un an avec sursis, accompagnées d’un an d’interdiction d’exercer leur profession. Contre le pilote, le procureur de la République a été plus ferme, en requérant un an de prison avec sursis et trois années d’interdiction d’exercer. Pour la compagnie Air Moorea, une amende d’un million et demi de Fcfp a été demandée.


Rédigé par Garance Colbert le Mardi 3 Octobre 2017 à 17:04 | Lu 3816 fois