Affaire des douaniers : prison avec sursis et interdiction d'exercer pour les protagonistes


PAPEETE, le 26 juillet 2016 - Ce mardi matin, après des semaines de délibération, le tribunal de Papeete a rendu son verdict dans une affaire où comparaissaient des douaniers, du personnel d'Air Tahiti Nui et des agents de change.

La foule se presse à l'intérieur du palais de justice de Papeete ce mardi matin. Il est un peu moins de 8 heures. Près d'une trentaine de personnes, accompagnée de leurs avocats, s'apprête à entrer dans la grande salle d'audience. Ils sont douaniers, personnel de la compagnie aérienne Air Tahiti Nui ou encore agents de change. Selon leurs profils, ils sont poursuivis pour une affaire de concussion, corruption, faux ou importation de marchandises sans déclaration. Les faits qui leur sont reprochés s'étalent de 2008 à 2011.

Tout a été révélé lors de l'interpellation d'un garagiste de Paea. Ancien ami du chef des douanes, les enquêteurs s'intéressent à lui dans une affaire de trafic d'ice venant des Etats-Unis. En outre, les forces de l'ordre découvrent que l'individu ne s'acquitte plus, depuis plusieurs années, de l'intégralité des taxes de douane quand il importe ses pièces détachées. En échange, ce dernier s'occupent des voitures des douaniers impliqués et leur ramène de la marchandise. Au gré de leurs investigations, les forces de l'ordre ont réussi à mettre en lumière toute une série de "petits arrangements entre amis", comme l'indiquait Tahiti Infos en avril dernier.

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Le procès a eu lieu en avril dernier. Après des semaines de délibération, le tribunal a rendu son jugement ce mardi matin. Dans cette affaire hors-norme, les juges ont en grande partie suivi les réquisitions du procureur et sont même allés plus loin dans certains cas.

FINI LA VIE DE DOUANIER

Deux des treize douaniers impliqués ont reçu l'interdiction définitive d'exercer leurs fonctions. Les autres sont condamnés à des interdictions allant de 1 à 5 ans pour le délit de concussion.
Plusieurs peines de prisons avec sursis simple on été prononcées à l'encontre des 24 protagonistes de l'affaire. Les peines privatives de liberté s'échelonnent de deux mois à trois ans de prison avec sursis simple.

Des peines d'amende sont en outre prononcées à l'encontre de sept des douaniers prévenus. Celles-ci oscillent entre trois millions et un million de francs.

Les parties civiles ont été jugées recevables. Les dommages et intérêts vont de 500 000 francs à cinq millions de francs.

Les différentes parties ont 10 jours pour faire appel de ce jugement.

Selon le chargé de communication du service des douanes de Papeete, des procédures disciplinaires seront engagées prochainement. Reste à la direction parisienne de décider desquelles. Pour l'heure, l'affaire suit son cours.

Maitre Gilles Jourdainne : "C'est une peine qui est relativement sévère"

Maitre Jourdainne est un des avocats des douaniers :

"C'est pratiquement conforme aux réquisitions du procureur de la République même si les peines ont été aggravées pour certains dans le sens où l'interdiction d'exercer temporaire et définitive ont été prononcées. C'est vrai que le tribunal a tout de même reconnu coupable l'ensemble des prévenus sur les faits de concussion et à lourdement sanctionné ces faits, notamment au regard des interdictions d'exercer qui ont été prononcées. C'est une peine qui est relativement sévère. En ce qui concerne la possibilité de faire appel, je vais faire le point avec mon client. Pour lui, l'interdiction d'exercer n'est que temporaire. Maintenant, c'est à lui de voir la décision qu'il va prendre pour contester ou non ce délibéré. Il est jugé dans un contexte et effectivement si ces faits étaient jugés en dehors de ce contexte, je ne pense pas que la peine qui a été prononcée aurait été aussi sévère. "

Maitre Marie Eftimie-Spitz : "Certains douaniers sont condamnés alors qu’ils n’ont jamais souhaité faire de cadeau."

Maitre Eftimie-Spitz est l'avocate de prévenus douaniers :

" C’est un jugement sévère qui va au-delà des réquisitions en ce qui concerne les peines d’interdiction d’exercer. Le tribunal n’a pas souhaité distinguer les douaniers responsables d’actes normaux faits à l’égard de tous les voyageurs pour arriver à une taxation normale des biens transportés, de ceux commis par des agents qui savaient très bien qu’A.L. transportait des quantités énormes de marchandises et qui ont voulu lui faire un cadeau. Certains douaniers sont condamnés, et parfois sévèrement, alors qu’ils n’ont jamais souhaité faire de cadeau. Ce que je regrette c’est qu’il n’y ait pas eu de distinction entre le fonctionnement interne normal de la douane et la volonté manifeste de certains douaniers d’avantager A.L. A mon sens, il y a deux catégories de douaniers dans ce dossier et le jugement ne tient pas compte de cela. L’administration des douanes va réagir, c’est certain. Tout le monde s’attend à une procédure disciplinaire. "

Maitre Stéphane Maillard : "Ça correspond pour l'essentiel à ce que nous avions demandé."

Maitre Stéphane Maillard est l'avocat de la Polynésie française dans ce dossier qui s'est constituée partie civile :

" Dans ce dossier, c'est le comportement des douaniers qui a causé un préjudice à la Polynésie française. Préjudice financier et moral. Tous les douaniers ont été condamnés. A peu de chose près, les condamnations correspondent aux réquisitions. S'agissant plus particulièrement de la Polynésie, ma demande était évidemment une demande de dommages et intérêts. Ça correspond pour l'essentiel à ce que nous avions demandé. C'est une très bonne chose pour la Polynésie et pour l'ensemble du territoire. Nous attendions beaucoup de cette décision et celle-ci va dans notre sens. Sachant qu'il y a quand même fort à penser que beaucoup vont faire appel, au vue des condamnations. Je pense que là c'était l'acte 1 mais il faut s'attendre à l'acte 2 devant la cour d'appel, d'ici quelques mois. "


Rédigé par Amelie David le Mardi 26 Juillet 2016 à 14:44 | Lu 12507 fois