Après 48 heures de garde à vue, suivies mercredi 16 janvier, d’une mise en examen pour le délit de trafic d’influence passif, assortie d’un placement sous contrôle judiciaire, Jean-Christophe Bouissou est amer. Il est soupçonné par la justice d'avoir usé de ses fonctions politiques pour oeuvrer en faveur des intérêts de Bill Ravel, en échange de pots-de-vin : une remise de 900.000 Fcfp en 2007, une deuxième de 500.000 Fcfp en janvier 2008. Il dénonce des soupçons judiciaires "tirés par les cheveux", au sujet de ce qu’il qualifie de contributions financières pour le fonctionnement de la radio qu’il préside, Taui FM. Il s'interroge aussi sur la menace qui, selon lui, pèse sur tout homme politique d’être un jour accusé d’user de son influence en échange d’avantages. Il dénonce enfin le traitement médiatique et les fuites judiciaires qu'il perçoit comme des manoeuvres "à des fins de démolition politique". Il accuse.
"Le sponsoring aux associations est quelque chose de tout à fait habituel", explique le responsable politique. "Chaque année, depuis la création de la radio, jusqu’en 2008-2009, nous avons été sponsorisés en numéraires par diverses personnes".
En ce qui vous concerne, il semble que le mode opératoire du deuxième versement au moins ait interpellé les enquêteurs : une enveloppe contenant 500.000 Fcfp en espèces, remise en janvier 2008 sur un parking à un intermédiaire, lui-même chargé de vous la transmettre.
JCB : Je pensais à cette époque-là que Bill Ravel était à l’extérieur du territoire. Je l’avais eu au téléphone et ça avait sonné comme s’il était à l’étranger. La personne qui a servi d'intermédiaire est un ami commun et un voisin de Bill Ravel. Je n’ai pas été étonné que cette contribution passe par lui. L’argent en question a bien été déposé sur les comptes de Taui FM et on retrouve trace de l’utilisation de ces sommes pour le fonctionnement de la radio.
A la même époque, ne faisiez-vous pas des démarches pour remédier au désenclavement de Bill Ravel, sur les hauteurs de Te Maru Ata ?
JCB : J’avais déjà abordé la problématique d’enclavement des terrains, lorsque j’étais ministre du Logement en 1997-1998. L’origine n’est pas l’affaire Te Maru Ata. Il est important que les gens sachent cela. Un problème s’était posé à l’époque au Fenua 'Aihere, à Tautira, pour un lotissement construit par la Sétil, devenu Sagep depuis. Depuis 4 à 5 ans, ce lotissement n’avait pas été attribué : les riverains en empêchaient l’accès (…). Lorsque je suis arrivé, il a fallu entrer dans un contentieux et une procédure judiciaire assez longue (…) et attendre deux ans avant que je puisse solliciter une intervention des forces de l’ordre. C’est ça le début de la réflexion que j’ai eu, avec le gouvernement de l’époque, sur la nécessité d’empêcher tout enclavement de terre, pour des considérations liées à l’utilisation de routes, surtout lorsque l’on souhaite continuer à développer des lotissements, des constructions, en hauteur ou dans des zones assez recluses. Cette proposition de loi, que j’ai faite à l’assemblée (…), a été transmise au niveau de la commission d’aménagement et n’a jamais été étudiée. (…)
Plus tard, il y a eu votre engagement soutenu dans l’affaire King Tamatoa.
JCB : Pour la problématique du King Tamatoa, de la desserte des Iles-sous-le-vent, de la sécurité des passagers… l’initiative que nous avons prise au niveau de notre groupe à l’assemblée, fait suite à des rencontres avec les responsables du King Tamatoa et d’autres. Je vous rappelle qu’à l’époque il y avait également le projet d’Eugène Degage, qui avait obtenu sa licence. Donc, c’est un texte de portée générale qui ne servait pas uniquement le King Tamatoa, mais concernanait toute initiative qui irait dans le sens du désenclavement des archipels.
Nous dites-vous, en somme, qu’il y a des versements d’espèces pour soutenir Taui FM d’un côté, l’action d’un homme politique qui fait son travail de l’autre et une accusation de trafic d’influence passif qui vous apparaît contestable ?
JCB : Qu’est-ce qu’un trafic d’influence ? : imaginons un père de famille qui sollicite mon aide pour son fils qui a toute capacité pour occuper un emploi, par exemple dans un établissement du territoire. Si, en tant qu’homme politique, je prends mon téléphone, que j’appelle le directeur de cet établissement pour vanter les compétences de ce jeune homme et solliciter qu’on lui accorde un entretien, je suis déjà sous le coup d’un trafic d’influence.
Un autre exemple : Clive Palmer vient voir une personnalité politique – qui peut être le président –, obtient des autorisations d’investissements étrangers en Polynésie française, lance son opération d’achat d’un hôtel : trafic d’influence. Allons plus loin : le président de la République se rend à Dubai avec les patrons du Cac 40, use de sa fonction pour faire passer des affaires : trafic d’influence.
Vous pensez sérieusement qu’un homme politique est condamné à être dans le trafic d’influence.
JCB : La question que je pose aujourd’hui c’est : quel est le statut d’un homme politique, à ce moment-là ? Comment un élu à l’assemblée, dont la fonction est de faire des propositions de loi pour régler des problèmes que rencontre la population, dès lors qu’un lobbying existe pour attirer son attention sur les problèmes en question, peut-il échapper à la suspicion de trafic d’influence ? Nous sommes aujourd’hui dans une situation de danger. Il faut que les hommes politiques sachent que le seul fait de recevoir des gens pour écouter leur demande les place sous le coup d’une accusation pour trafic d’influence.
Quelle impression vous laisse tout cela ?
JCB : Mon implication est strictement politique, dans tous les sujets pour lesquels on m’accuse d’avoir usé de mon influence (…). Je me soucie vraiment des questions d’enclavement dans les archipels. (…) C’est la première fois que je me retrouve en garde à vue. (…)
Maintenant, le traitement médiatique que ça a provoqué m’amène à considérer que notre système est très mal fait. On tend à vouloir montrer cette mise en examen comme étant une condamnation par avance. Lorsque je vois le traitement fait de tout cela par la presse écrite, je me pose des questions sur l’intérêt réel qu’il y a derrière. Manifestement, vue la couverture de cette affaire et le traitement qui lui a été réservé, à l’approche des élections, il y a des intérêts politiques qui sont inavoués.
Lorsqu’ici de manière générale, tout le monde est scandalisé de la manière dont l’instruction de certaines affaires se retrouve sur la place publique. Je ne pointe personne mais enfin, si je peux interpeller tout le monde, y compris dans le monde judiciaire, c’est pour dire d’arrêter d’user de ces éléments, de les communiquer, pour qu’ils soient utilisés à des fins de démolition politique.
"Le sponsoring aux associations est quelque chose de tout à fait habituel", explique le responsable politique. "Chaque année, depuis la création de la radio, jusqu’en 2008-2009, nous avons été sponsorisés en numéraires par diverses personnes".
En ce qui vous concerne, il semble que le mode opératoire du deuxième versement au moins ait interpellé les enquêteurs : une enveloppe contenant 500.000 Fcfp en espèces, remise en janvier 2008 sur un parking à un intermédiaire, lui-même chargé de vous la transmettre.
JCB : Je pensais à cette époque-là que Bill Ravel était à l’extérieur du territoire. Je l’avais eu au téléphone et ça avait sonné comme s’il était à l’étranger. La personne qui a servi d'intermédiaire est un ami commun et un voisin de Bill Ravel. Je n’ai pas été étonné que cette contribution passe par lui. L’argent en question a bien été déposé sur les comptes de Taui FM et on retrouve trace de l’utilisation de ces sommes pour le fonctionnement de la radio.
A la même époque, ne faisiez-vous pas des démarches pour remédier au désenclavement de Bill Ravel, sur les hauteurs de Te Maru Ata ?
JCB : J’avais déjà abordé la problématique d’enclavement des terrains, lorsque j’étais ministre du Logement en 1997-1998. L’origine n’est pas l’affaire Te Maru Ata. Il est important que les gens sachent cela. Un problème s’était posé à l’époque au Fenua 'Aihere, à Tautira, pour un lotissement construit par la Sétil, devenu Sagep depuis. Depuis 4 à 5 ans, ce lotissement n’avait pas été attribué : les riverains en empêchaient l’accès (…). Lorsque je suis arrivé, il a fallu entrer dans un contentieux et une procédure judiciaire assez longue (…) et attendre deux ans avant que je puisse solliciter une intervention des forces de l’ordre. C’est ça le début de la réflexion que j’ai eu, avec le gouvernement de l’époque, sur la nécessité d’empêcher tout enclavement de terre, pour des considérations liées à l’utilisation de routes, surtout lorsque l’on souhaite continuer à développer des lotissements, des constructions, en hauteur ou dans des zones assez recluses. Cette proposition de loi, que j’ai faite à l’assemblée (…), a été transmise au niveau de la commission d’aménagement et n’a jamais été étudiée. (…)
Plus tard, il y a eu votre engagement soutenu dans l’affaire King Tamatoa.
JCB : Pour la problématique du King Tamatoa, de la desserte des Iles-sous-le-vent, de la sécurité des passagers… l’initiative que nous avons prise au niveau de notre groupe à l’assemblée, fait suite à des rencontres avec les responsables du King Tamatoa et d’autres. Je vous rappelle qu’à l’époque il y avait également le projet d’Eugène Degage, qui avait obtenu sa licence. Donc, c’est un texte de portée générale qui ne servait pas uniquement le King Tamatoa, mais concernanait toute initiative qui irait dans le sens du désenclavement des archipels.
Nous dites-vous, en somme, qu’il y a des versements d’espèces pour soutenir Taui FM d’un côté, l’action d’un homme politique qui fait son travail de l’autre et une accusation de trafic d’influence passif qui vous apparaît contestable ?
JCB : Qu’est-ce qu’un trafic d’influence ? : imaginons un père de famille qui sollicite mon aide pour son fils qui a toute capacité pour occuper un emploi, par exemple dans un établissement du territoire. Si, en tant qu’homme politique, je prends mon téléphone, que j’appelle le directeur de cet établissement pour vanter les compétences de ce jeune homme et solliciter qu’on lui accorde un entretien, je suis déjà sous le coup d’un trafic d’influence.
Un autre exemple : Clive Palmer vient voir une personnalité politique – qui peut être le président –, obtient des autorisations d’investissements étrangers en Polynésie française, lance son opération d’achat d’un hôtel : trafic d’influence. Allons plus loin : le président de la République se rend à Dubai avec les patrons du Cac 40, use de sa fonction pour faire passer des affaires : trafic d’influence.
Vous pensez sérieusement qu’un homme politique est condamné à être dans le trafic d’influence.
JCB : La question que je pose aujourd’hui c’est : quel est le statut d’un homme politique, à ce moment-là ? Comment un élu à l’assemblée, dont la fonction est de faire des propositions de loi pour régler des problèmes que rencontre la population, dès lors qu’un lobbying existe pour attirer son attention sur les problèmes en question, peut-il échapper à la suspicion de trafic d’influence ? Nous sommes aujourd’hui dans une situation de danger. Il faut que les hommes politiques sachent que le seul fait de recevoir des gens pour écouter leur demande les place sous le coup d’une accusation pour trafic d’influence.
Quelle impression vous laisse tout cela ?
JCB : Mon implication est strictement politique, dans tous les sujets pour lesquels on m’accuse d’avoir usé de mon influence (…). Je me soucie vraiment des questions d’enclavement dans les archipels. (…) C’est la première fois que je me retrouve en garde à vue. (…)
Maintenant, le traitement médiatique que ça a provoqué m’amène à considérer que notre système est très mal fait. On tend à vouloir montrer cette mise en examen comme étant une condamnation par avance. Lorsque je vois le traitement fait de tout cela par la presse écrite, je me pose des questions sur l’intérêt réel qu’il y a derrière. Manifestement, vue la couverture de cette affaire et le traitement qui lui a été réservé, à l’approche des élections, il y a des intérêts politiques qui sont inavoués.
Lorsqu’ici de manière générale, tout le monde est scandalisé de la manière dont l’instruction de certaines affaires se retrouve sur la place publique. Je ne pointe personne mais enfin, si je peux interpeller tout le monde, y compris dans le monde judiciaire, c’est pour dire d’arrêter d’user de ces éléments, de les communiquer, pour qu’ils soient utilisés à des fins de démolition politique.