Aelan Vaast se ressource à Vairao avant d’attaquer la saison au Maroc et les partiels en France (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 11 avril 2024 - Les pieds dans l’eau, la tête sur les épaules. À 19 ans, Aelan Vaast est sur tous les fronts. Plusieurs fois championne de Tahiti, et plus récemment vice-championne d’Europe junior, elle a terminé l’année 2023 à la sixième place du classement européen. La petite sœur de Kauli Vaast suit les traces de son grand frère, à sa façon. Venue passer quelques semaines en famille à Vairao, elle nous a reçus entre deux sessions de surf et de révisions pour évoquer sa carrière de surfeuse professionnelle et son nouveau quotidien d’étudiante en école de commerce. Deux mondes finalement pas si éloignés... Interview.
Tu surfes depuis l’enfance. Comment cette passion sportive a-t-elle commencé ?
“J’ai pris mes premières vagues de plage sur la côte nord de Tahiti, à Ahonu. Comme dans beaucoup de fratries, j’ai voulu suivre mon grand frère, Kauli. On allait tous les après-midis là-bas. C’est un sport auquel tu t’attaches très vite. Ma maman fait du longboard et mon père du surf, donc c’est vraiment un sport de famille et un vrai moment de plaisir. J’ai grandi à Vairao, donc j’adore les vagues de récif. Et j’ai commencé à surfer à Teahupo’o à 12 ans, toujours avec un casque.”
Tu as aussi rapidement pris goût aux compétitions ?
“Mes premières compétitions du Tamarii Surf Tour, j’avais 6 ans. On se retrouvait entre amis pendant tout le week-end. Ce sont vraiment des moments inoubliables ! J’ai continué les compétitions locales et, à 12 ans, on est parti en vacances en France et j’ai participé à une GromSearch à Anglet, où j’ai pris de bonnes vagues avec de bons scores. J’ai fini deuxième et c’est comme ça qu’on s’est dit que j’avais peut-être la possibilité d’aller plus loin. J’ai beaucoup voyagé, à Hawai’i et aux États-Unis notamment, puis à 15 ans, j’ai décidé de rejoindre le Pôle France encadré par la Fédération française de surf.”
Grâce au Pôle France, tu as eu l’opportunité de continuer à partager ton temps entre les études et le surf ?
“J’ai continué le lycée en première et terminale en internat et famille d’accueil. Grâce à l’équipe, j’ai pu continuer toutes les compétitions en Europe et passer mon bac, car il y a un vrai suivi. Pour toutes nos spécialités, on était en classe deux ou quatre heures par jour, et pour le reste, c’était par le Cned (Centre national d’enseignement à distance, NDLR), pour faciliter les entraînements. C’était difficile au début, mais ça m’a vraiment bien convenu.”
À Razo, en Espagne, où elle s’est hissée jusqu’en finale du Junior Pro, en septembre dernier (Crédit : WSL).
Quel est ton meilleur souvenir en compétition ?
“J’ai envie de dire au Salvador, il y a deux ans avec l’équipe de France. C’étaient les championnats du monde ISA et l’ambiance avec toutes les élites qui se motivent était unique et incroyable ! On a eu de bonnes vagues, donc c’était très motivant. J’étais arrivée septième mondiale et quatrième par équipe.”
Aimerais-tu te lancer dans une carrière de surfeuse professionnelle à plein temps ?
“J’ai déjà commencé ma carrière en tant que surfeuse professionnelle, mais en vivre sur le long terme, ce n’est pas évident… Tant que je peux continuer le surf et les compétitions, je le ferai, et je fais tout pour conserver le soutien de mes sponsors, comme Air Tahiti Nui et la Banque de Tahiti. Sans eux, en habitant à Tahiti, c’est hyper compliqué. Je tiens quand même à poursuivre mes études à côté, car j’ai d’autres ambitions.”
Pour quelle voie as-tu opté ?
“Je suis en première année d’école de commerce à la Kedge Business School, à Bayonne. Pour l’instant, ce sont des enseignements généraux. Je pourrai me spécialiser en deuxième année, en sachant que j’hésite encore entre le sport et le luxe. J’ai choisi ces études parce que c’est un domaine qui m’intéresse et qui m’aide beaucoup en tant que surfeuse. On étudie les contrats, comment se vendre, etc. Et l’école est juste à côté des spots de surf de Hossegor, dans une région tournée vers le surf.”
Comment parviens-tu à concilier tes études supérieures et les compétitions de surf ?
“Je n’ai pas d’emploi du temps aménagé, mais comme je bénéficie du statut de sportif de haut niveau, j’ai le droit de m’absenter pour les entraînements et les compétitions. Mon école est complètement en accord avec ce fonctionnement. J’ai accès aux cours en ligne pour travailler à distance. Pour les travaux de groupe, ce n’est pas évident, mais je fais en sorte de rattraper. J’ai l’habitude, et je ne suis pas la seule sportive de haut niveau dans la classe.”
Dans cet emploi du temps chargé, trouves-tu le temps de revenir au Fenua ?
“C’est important pour moi de revenir plusieurs fois par an. Je surfe beaucoup et j’ai des entraînements, mais c’est reposant. En même temps, je pense que quitter Tahiti et voyager, c’est essentiel pour gagner en expérience et progresser. Il faut se donner les moyens, même si c’est parfois difficile. C’est comme ça qu’on apprend et qu’on grandit. En France ou ailleurs, selon les opportunités.”
Quels sont les gros challenges qui t’attendent cette année ?
“Pour les études, j’ai des partiels à la fin du mois, donc je suis sur les révisions de droit, de marketing, de comptabilité, de maths, de géopolitique, etc. J’ai réussi mes examens du premier semestre, donc j’ai pour objectif de faire pareil avant d’entamer huit semaines de stage, sûrement en France. Pour le surf, j’aurais aimé participer aux Trials du CT (Championship Tour, NDLR) à Teahupo’o, mais il n’y en aura pas pour les femmes, car nous ne sommes pas assez nombreuses. Pour 2024, j’aimerais prendre de très bonnes vagues à Teahupo’o en free surf. Je voudrais performer sur toutes les compétitions junior, vu que c’est ma dernière année, en commençant par la première étape au Maroc. Et aussi en QS (Qualifying Series, NDLR) pour pouvoir atteindre les Challenger Series.”
Seras-tu présente à Tahiti pour les épreuves de surf des Jeux olympiques à Teahupo’o ?
“J’espère vraiment ! Oui, je vais revenir pour les JO pour soutenir mon frère et voir comment ça va se passer. Chaque année, on est habitué à la Tahiti Pro, alors j’ai hâte de voir à quoi va ressembler cette grande compétition. Et si notre club ou la fédération a besoin d’aide, je serai toujours volontaire.”