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Additifs nitrés dans la charcuterie: les députés contre une interdiction dès à présent


Paris, France | AFP | mercredi 26/01/2022 - "La guerre du saucisson n'aura pas lieu": les députés ont voté mercredi en commission en faveur d'une "trajectoire de baisse" des doses maximales d’additifs nitrés dans la charcuterie, mais sans aller dès à présent vers une interdiction de ces conservateurs controversés.

Historiquement, les charcutiers recourent aux composants nitrés pour allonger la durée de conservation des produits et prévenir le développement de bactéries pathogènes à l'origine notamment du botulisme, une affection neurologique grave largement oubliée du fait des progrès sanitaires de l'agroalimentaire moderne.

En plus de donner sa couleur rose au jambon, naturellement gris, ils permettent aussi d'utiliser de la viande de moins bonne qualité, moins chère, tout en gagnant du temps dans les procédés de séchage, selon un rapport parlementaire de 2021, cosigné par M. Ramos. 

En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a classé la viande transformée, notamment la charcuterie, comme cancérogène (catégorie 1). Elle favoriserait, entre autres, les cancers colorectaux. Les nitrites ingérés sont quant à eux considérés comme des cancérogènes probables (catégorie 2A). 

La commission des Affaires économiques de l'Assemblée examinait mercredi en première lecture une proposition de loi de Richard Ramos (MoDem) visant une interdiction par étapes de ces additifs nitrés d'ici à 2025. 

Le député du Loiret a défendu avec vigueur l'interdiction d'un "poison", qui irait de pair avec un accompagnement des producteurs. "La France doit montrer la voie en Europe", a lancé ce défenseur d'"une alimentation plus saine, plus sûre, accessible aux plus pauvres".

"Certains industriels agitent les peurs", a-t-il souligné. Mais "continuons de manger de la bonne cochonnaille, supprimons de la cochonnerie!".

A ses côtés, le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie a assuré ne pas vouloir "éluder" la question. Mais c'est "un sujet majeur que nous devons traiter avec méthode": il souhaite pour cela attendre l'avis de l'agence sanitaire Anses, qui était prévu courant 2021 et a été reporté à la fin du premier semestre 2022.

Le ministre a été suivi par la plupart des députés, qui ont voté une série d'amendements réécrivant la proposition de loi. 

Ainsi, un an après sa promulgation, et en fonction de l'avis de l'Anses, un décret devra fixer "une trajectoire de baisse de la dose maximale d’additifs nitrés au regard des risques avérés pour la santé humaine". Ce décret pourra aussi "fixer une liste et un calendrier" d'interdiction de commercialisation de produits incorporant ces additifs.

En outre, dans les dix-huit mois, un étiquetage spécifique de ces produits sera élaboré. 

La proposition de loi revue et corrigée sera au menu dans l'hémicycle le 3 février, pour un examen selon une procédure simplifiée.

Dès la commission, l'ensemble des députés ont dit leur soutien à "l'objectif de santé publique" de M. Ramos, mais opté pour "sagesse et prudence" dans l'attente de l'avis de l'Anses. "Comment imposer une contrainte franco-française? Ne brûlons pas les étapes", a plaidé Jean-Pierre Vigier (LR).

L'ancienne ministre Delphine Batho, porte-parole du candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot, a pointé une "situation parfaitement anormale" dans cette attente de rapport, évoquant "des questions déontologiques" à l'Anses. Le ministre s'est inscrit en faux: "c'est une autorité indépendante".

Antoine Herth (groupe Agir) a résumé: cette proposition de loi dans sa version originelle "a tout de la bombe à la nitroglycérine" mais "la guerre du saucisson n'aura pas lieu".

L'application nutritionnelle Yuka, l'association de défense des consommateurs Foodwatch et la Ligue contre le cancer ont salué avec le vote de mercredi "une première avancée" mais déploré que "le gouvernement freine".

le Mercredi 26 Janvier 2022 à 06:26 | Lu 360 fois