Temauri Village, une vraie petite ville dans la ville, cachée à Titioro.
PAPEETE, le 20 juillet 2015 - Les locataires sociaux de la résidence Temauri Village se démènent pour tenter de devenir propriétaires. Un beau rêve qui se heurte au millefeuille des lois, réglementations et conventions qui régissent l'OPH. D'autant que le terrain où est bâtie la résidence est désormais redevenu la propriété de la mairie de Papeete…
En Polynésie, être propriétaire de son logement est une valeur presque universelle. Contrairement à la métropole, ici les locataires sont l'exception. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que les locataires des logements sociaux de l'OPH demandent à accéder à la propriété.
C'est ainsi que 114 locataires de Temauri Village, un lotissement OPH de Titioro contenant 130 maisons, ont signé une pétition demandant à racheter leurs logements. Ils ont un argument de poids : le terrain où est bâti le lotissement appartient à la mairie de Papeete. Elle l'a loué à l'OPH avec un bail emphytéotique de 23 ans en 1989… Donc depuis 2012, le terrain est revenu dans le giron de la mairie. Le terrain… et les bâtiments, assurent les locataires. Du coup ils paieraient depuis 3 ans des loyers à un organisme qui n'est même plus leur propriétaire :
À la mairie et à l'OPH, on assure que c'est plus compliqué, puisque le bail ne prévoyait pas ce qu'il adviendrait des bâtiments. Les deux administrations se comportent aujourd'hui comme si la mairie était propriétaire du terrain et l'OPH des bâtiments.
"L'OPH DEVAIT NOUS PROPOSER UNE ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ DÈS 2006"
Piqui Faahoro, lui, va encore plus loin. Ce spécialiste autodidacte en labyrinthe administratif (il s'est battu 10 ans avec la mairie et le service de l'Équipement pour qu'un abribus soit reconstruit devant la résidence) a déniché dans le Journal Officiel une convention de 2006 qui transfert la propriété de 17 lotissements d'un satellite de l'État à l'OPH.
Il y est mentionné dès l'article 2 : "Les parties ont souhaité définir un dispositif visant à garantir aux locataires actuels une proposition d'accession du logement qui tienne compte de la participation de l'État, du Pays et du montant des loyers versés à ce jour."
Piqui Faahoro, justement, rêve de racheter son fare : "Ma revendication se base sur cette convention qui a été faite en 2006 entre l'État et la Polynésie française. C'est tout ce que je demande, que cette convention soit respectée, et elle ne l'est pas. (Quand la France lui a donné les maisons qu'elle a fait construire,) l'OPH devait nous proposer une accession à la propriété. Maintenant ça fait 26 ans que je suis dans la résidence, et 26 ans que je paie sans pouvoir devenir propriétaire."
"IL Y A ENCORE DE NOMBREUX PROBLÈMES JURIDIQUES À RÉSOUDRE"
Mais à l'OPH, l'histoire se complique encore plus. La juriste de l'Office nous explique d'abord qu'avant de vendre quoi que ce soit, la réglementation oblige qu'un arrêté soit pris en conseil des ministres.
De plus, la convention de 2006 "n'était pas facilement applicable et devait être refaite". Il existe donc une nouvelle convention datant de décembre 2011, qui remplace la précédente. Mais le site internet du Journal Officiel (Lexpol.pf) n'en a aucune trace. Un bug informatique qui ne facilite pas la vie des citoyens… D'autant que cette nouvelle convention retire l'obligation faite à l'OPH de proposer à ses locataires une accession à la propriété, même si elle lui laisse cette possibilité ouverte.
"Pour Temauri Village et Vaitavatava, ça se complique encore un peu plus car la commune est propriétaire des terrains et l'OPH des constructions. Donc nous nous retrouvons avec un imbroglio judiciaire. Il faudrait vendre les bâtiments à la commune qui les vendrait aux locataires, mais ce n'est pas possible car la convention ne nous autorise à vendre qu'aux locataires en place. Donc il faut trouver un système juridique. Et il y a encore de nombreux autres problèmes juridiques qu'il faut résoudre. Nous exposeront les problématiques de chaque lotissement au conseil d'administration du 28 juillet, où l'État, le gouvernement, les syndicats et l'Assemblée sont représentés. Nous n'avons pas de préférence pour vendre ou pas. Nous exposons les problèmes à notre CA pour les informer et ce sont eux qui décideront."
PAPEETE PRÊTE À DISCUTER
À la mairie de Papeete, la situation est plus simple. La commune admet que la propriété des bâtiments de Temauri village n'était pas claire dans le bail, mais préfère les laisser à l'OPH. Il n'y a donc pas de débat. Le secrétaire général de la mairie, Rémy Brillant, assure qu'il "faut que l'on puisse rencontrer l'OPH par rapport à la demande, certainement légitime, des résidents. Cette requête est normale, certains sont là depuis plus de 20 ans. Mais maintenant il faut bien les informer sur le coût. Quand on est propriétaire, il y a des charges à payer, il faut organiser la copropriété. Il faut bien les informer pour qu'ils puissent peser le pour et le contre, voir si c'est avantageux pour eux de devenir propriétaire ou de rester locataire avec juste leur loyer à payer. Et avant de vendre, il pourrait y avoir des travaux de rénovation à effectuer, il y a eu des extensions, il faut organiser les parties communes…"
En Polynésie, être propriétaire de son logement est une valeur presque universelle. Contrairement à la métropole, ici les locataires sont l'exception. Il n'y a donc rien de surprenant à ce que les locataires des logements sociaux de l'OPH demandent à accéder à la propriété.
C'est ainsi que 114 locataires de Temauri Village, un lotissement OPH de Titioro contenant 130 maisons, ont signé une pétition demandant à racheter leurs logements. Ils ont un argument de poids : le terrain où est bâti le lotissement appartient à la mairie de Papeete. Elle l'a loué à l'OPH avec un bail emphytéotique de 23 ans en 1989… Donc depuis 2012, le terrain est revenu dans le giron de la mairie. Le terrain… et les bâtiments, assurent les locataires. Du coup ils paieraient depuis 3 ans des loyers à un organisme qui n'est même plus leur propriétaire :
À la mairie et à l'OPH, on assure que c'est plus compliqué, puisque le bail ne prévoyait pas ce qu'il adviendrait des bâtiments. Les deux administrations se comportent aujourd'hui comme si la mairie était propriétaire du terrain et l'OPH des bâtiments.
"L'OPH DEVAIT NOUS PROPOSER UNE ACCESSION À LA PROPRIÉTÉ DÈS 2006"
Piqui Faahoro, lui, va encore plus loin. Ce spécialiste autodidacte en labyrinthe administratif (il s'est battu 10 ans avec la mairie et le service de l'Équipement pour qu'un abribus soit reconstruit devant la résidence) a déniché dans le Journal Officiel une convention de 2006 qui transfert la propriété de 17 lotissements d'un satellite de l'État à l'OPH.
Il y est mentionné dès l'article 2 : "Les parties ont souhaité définir un dispositif visant à garantir aux locataires actuels une proposition d'accession du logement qui tienne compte de la participation de l'État, du Pays et du montant des loyers versés à ce jour."
Piqui Faahoro, justement, rêve de racheter son fare : "Ma revendication se base sur cette convention qui a été faite en 2006 entre l'État et la Polynésie française. C'est tout ce que je demande, que cette convention soit respectée, et elle ne l'est pas. (Quand la France lui a donné les maisons qu'elle a fait construire,) l'OPH devait nous proposer une accession à la propriété. Maintenant ça fait 26 ans que je suis dans la résidence, et 26 ans que je paie sans pouvoir devenir propriétaire."
"IL Y A ENCORE DE NOMBREUX PROBLÈMES JURIDIQUES À RÉSOUDRE"
Mais à l'OPH, l'histoire se complique encore plus. La juriste de l'Office nous explique d'abord qu'avant de vendre quoi que ce soit, la réglementation oblige qu'un arrêté soit pris en conseil des ministres.
De plus, la convention de 2006 "n'était pas facilement applicable et devait être refaite". Il existe donc une nouvelle convention datant de décembre 2011, qui remplace la précédente. Mais le site internet du Journal Officiel (Lexpol.pf) n'en a aucune trace. Un bug informatique qui ne facilite pas la vie des citoyens… D'autant que cette nouvelle convention retire l'obligation faite à l'OPH de proposer à ses locataires une accession à la propriété, même si elle lui laisse cette possibilité ouverte.
"Pour Temauri Village et Vaitavatava, ça se complique encore un peu plus car la commune est propriétaire des terrains et l'OPH des constructions. Donc nous nous retrouvons avec un imbroglio judiciaire. Il faudrait vendre les bâtiments à la commune qui les vendrait aux locataires, mais ce n'est pas possible car la convention ne nous autorise à vendre qu'aux locataires en place. Donc il faut trouver un système juridique. Et il y a encore de nombreux autres problèmes juridiques qu'il faut résoudre. Nous exposeront les problématiques de chaque lotissement au conseil d'administration du 28 juillet, où l'État, le gouvernement, les syndicats et l'Assemblée sont représentés. Nous n'avons pas de préférence pour vendre ou pas. Nous exposons les problèmes à notre CA pour les informer et ce sont eux qui décideront."
PAPEETE PRÊTE À DISCUTER
À la mairie de Papeete, la situation est plus simple. La commune admet que la propriété des bâtiments de Temauri village n'était pas claire dans le bail, mais préfère les laisser à l'OPH. Il n'y a donc pas de débat. Le secrétaire général de la mairie, Rémy Brillant, assure qu'il "faut que l'on puisse rencontrer l'OPH par rapport à la demande, certainement légitime, des résidents. Cette requête est normale, certains sont là depuis plus de 20 ans. Mais maintenant il faut bien les informer sur le coût. Quand on est propriétaire, il y a des charges à payer, il faut organiser la copropriété. Il faut bien les informer pour qu'ils puissent peser le pour et le contre, voir si c'est avantageux pour eux de devenir propriétaire ou de rester locataire avec juste leur loyer à payer. Et avant de vendre, il pourrait y avoir des travaux de rénovation à effectuer, il y a eu des extensions, il faut organiser les parties communes…"
Extrait du préambule de la convention de 2011 où le dispositif d'accès à la propriété de 2006 est jugé "inadapté"
À l'origine de ces lotissements, un investissement de la France
La juriste de l'OPH nous explique l'origine de la convention de 2006 : "L'histoire commence par Fare de France, une opération qui remonte à 1988, où 1000 logements sociaux ont été financés par l'État à 100%, uniquement pour la construction. 766 logements sont allés à l'OPH et les autres pour les communes. Ca a fait 16 opérations, dont 2 ont été édifiées sur des terrains à Papeete dont l'OPH a été rendue locataires : Temauri Village (130 logements) et Vaitavatava (122 logements). Tous les autres ont été construits sur des terrains de l'OPH.
Ce qu'il s'est passé c'est qu'au fur et à mesure, les constructions ont été cédées à l'OPH, ce qui nous a permis de les mettre à louer à 18 300 Fcp de loyer chacun. Toutes les opérations ont fait l'objet de conventions particulières avec l'OPH, qui stipulaient qu'ils n'étaient destinés qu'à la location. Si l'OPH devait les vendre, il devrait rembourser ces logements à l'État.
Maintenant, en 2006 ce qu'il se passe c'est que la SAEM Fare de France ayant accompli son objet, elle devait disparaitre. Elle est dissoute au niveau du registre du commerce. À cette époque, la contrainte de rembourser en cas de vente a été transformée, dans la convention de 2006. Les conditions en cas de vente ont été fixées, sauf que cette convention a dû être refaite en 2011 parce qu'elle n'était pas facilement applicable."
La juriste de l'OPH nous explique l'origine de la convention de 2006 : "L'histoire commence par Fare de France, une opération qui remonte à 1988, où 1000 logements sociaux ont été financés par l'État à 100%, uniquement pour la construction. 766 logements sont allés à l'OPH et les autres pour les communes. Ca a fait 16 opérations, dont 2 ont été édifiées sur des terrains à Papeete dont l'OPH a été rendue locataires : Temauri Village (130 logements) et Vaitavatava (122 logements). Tous les autres ont été construits sur des terrains de l'OPH.
Ce qu'il s'est passé c'est qu'au fur et à mesure, les constructions ont été cédées à l'OPH, ce qui nous a permis de les mettre à louer à 18 300 Fcp de loyer chacun. Toutes les opérations ont fait l'objet de conventions particulières avec l'OPH, qui stipulaient qu'ils n'étaient destinés qu'à la location. Si l'OPH devait les vendre, il devrait rembourser ces logements à l'État.
Maintenant, en 2006 ce qu'il se passe c'est que la SAEM Fare de France ayant accompli son objet, elle devait disparaitre. Elle est dissoute au niveau du registre du commerce. À cette époque, la contrainte de rembourser en cas de vente a été transformée, dans la convention de 2006. Les conditions en cas de vente ont été fixées, sauf que cette convention a dû être refaite en 2011 parce qu'elle n'était pas facilement applicable."
Piqui Faahoro
Un locataire qui veut devenir propriétaire
Quelles démarches as-tu entrepris ?
Piqui Faahoro : "J'ai écrit à tout le monde, à l'OPH, au Pays, au Haut-commissariat, mais aucun ne m'a répondu. Mais la convention de 2006 qui donne le droit d'accéder à la propriété expire en 2016… Je suis en train d'attendre, de leur tendre la main pour voir ce qu'ils vont faire. Parce que tout ce que je veux c'est devenir propriétaire de ma maison. S'ils ne font rien, je pense aller encore plus haut, et s'il faut aller au tribunal, j'irai."
Combien de personnes sont concernées en Polynésie ?
"Ce sont 761 logements qui sont concernés. Je suis là aujourd'hui pour que tous soient avertis. Moi j'ai eu les documents, mais peut-être qu'ils ne savent pas. Moi j'ai fouillé parce que je n'y comprends rien. Ça fait 26 ans que je suis dans ce lotissement, que je paie, je paie je paie. Il y a un moment où il y en marre. C'est une location simple, et si je meurs un jour, mes enfants devront continuer à payer…"
Quand tu as pris la maison en 1989 on t'avait dit que tu deviendrais propriétaire ?
"Non, mais maintenant il y a la convention qui est là, où il est dit combien je dois payer pour racheter mon fare. Il y a quelque chose qui se réveille maintenant, il faut que tout le monde sache. C'est une question de justice. Moi j'ai toujours payé mon loyer, et je vois que la loi dit que je peux devenir propriétaire. Ça devient traumatisant là, je vois que quelque chose ne va pas bien.
Par exemple quand il y a un problème dans le quartier je vais voir à l'OPH on me dit d'aller à la mairie. Quand je vais voir la mairie, on me dit d'aller à l'OPH. C'est comme ça qu'est venue l'idée, il faut faire quelque chose parce que là on nous traite comme des riens du tout."
Quelles démarches as-tu entrepris ?
Piqui Faahoro : "J'ai écrit à tout le monde, à l'OPH, au Pays, au Haut-commissariat, mais aucun ne m'a répondu. Mais la convention de 2006 qui donne le droit d'accéder à la propriété expire en 2016… Je suis en train d'attendre, de leur tendre la main pour voir ce qu'ils vont faire. Parce que tout ce que je veux c'est devenir propriétaire de ma maison. S'ils ne font rien, je pense aller encore plus haut, et s'il faut aller au tribunal, j'irai."
Combien de personnes sont concernées en Polynésie ?
"Ce sont 761 logements qui sont concernés. Je suis là aujourd'hui pour que tous soient avertis. Moi j'ai eu les documents, mais peut-être qu'ils ne savent pas. Moi j'ai fouillé parce que je n'y comprends rien. Ça fait 26 ans que je suis dans ce lotissement, que je paie, je paie je paie. Il y a un moment où il y en marre. C'est une location simple, et si je meurs un jour, mes enfants devront continuer à payer…"
Quand tu as pris la maison en 1989 on t'avait dit que tu deviendrais propriétaire ?
"Non, mais maintenant il y a la convention qui est là, où il est dit combien je dois payer pour racheter mon fare. Il y a quelque chose qui se réveille maintenant, il faut que tout le monde sache. C'est une question de justice. Moi j'ai toujours payé mon loyer, et je vois que la loi dit que je peux devenir propriétaire. Ça devient traumatisant là, je vois que quelque chose ne va pas bien.
Par exemple quand il y a un problème dans le quartier je vais voir à l'OPH on me dit d'aller à la mairie. Quand je vais voir la mairie, on me dit d'aller à l'OPH. C'est comme ça qu'est venue l'idée, il faut faire quelque chose parce que là on nous traite comme des riens du tout."