A son procès, le suspect du meurtre du policier Eric Masson continue de nier


BENOIT PEYRUCQ / AFP
Avignon, France | AFP | lundi 19/02/2024 - Au premier jour de son procès, Ilias Akoudad, accusé du meurtre du brigadier Eric Masson, tué en 2021 sur un point de deal à Avignon, a continué de nier en bloc. Une position "intenable", selon les parties civiles, face à un dossier accablant.

Très attentif, poli, lançant des "monsieur le président" à la cour d'assises du Vaucluse, le principal accusé, survêtement noir et gris, a répété avec assurance: "Je conteste les faits qui me sont reprochés, je maintiens mes déclarations".

Face à lui, sur les bancs des parties civiles, la famille, très discrète, évitant les nombreuses caméras, fixait de façon impassible le box des accusés. Des dizaines de policiers, visages graves, étaient venus les soutenir. Parmi eux, le patron de la police nationale, Frédéric Veaux, qui avait fait le déplacement lundi matin face à ce qui "reste un traumatisme pour la police".

Ilias Akoudad, 22 ans, nie donc farouchement les faits, depuis le début. Il l'a toujours assuré: il n'était pas présent, le 5 mai 2021, rue du Râteau, à moins de 200 mètres du tribunal où il est jugé aujourd'hui, lorsqu'Eric Masson a été abattu à bout portant, en marge d'une banale opération de surveillance d'un point de deal.

Quatre jours plus tard, deux jeunes de 19 et 20 ans sont arrêtés sur l'autoroute en direction de l'Espagne. Le plus jeune est alors désigné comme le tireur par au moins deux témoins, son camarade de fuite, présent lors du contrôle fatal, et le coéquipier d'Eric Masson.

L'enquête montrera également qu'une ligne téléphonique, dont il a finalement reconnu l'utilisation, avait borné dans cette rue à l'heure des faits. En outre, des résidus de tirs ont été retrouvés sur ses vêtements. 

Pour Me Philippe Expert, l'un des avocats de la famille, les dénégations d'Ilias Akoudad sont vécues comme une forme "d'arrogance", qui accentue la "douleur" des proches.

"Mon fils est innocent" 

"Le procès dure quinze jours, laissons à l'audience le temps peut-être de produire ses effets", car "si on s'en tient à l'instruction c'est une position difficilement tenable", a ajouté l'avocat, qui conseille les parents et la soeur et le frère de la victime, eux aussi policiers, dans le sillage de leur père.

Les avocats d'Ilias Akoudad, le ténor lillois Frank Berton et l'avocate parisienne Elise Arfi, ont refusé jusqu'à présent de s'exprimer auprès de la presse. Mais sa mère, Loubna Zaman, a sollicité l'AFP: "Mon fils est innocent, l'affaire est très médiatisée mais ce n'est pas lui qui a tiré sur le policier. Dans les quartiers à Avignon, tout le monde le sait et me le dit".

Citée comme témoin, notamment concernant ses déclarations floues sur le fait de savoir si son fils a dormi chez elle ou pas les nuits suivant les faits, elle sera entendue en début de semaine prochaine. 

En attendant, les experts psychiatrique et psychologique ont décrit lundi après-midi l'enfance de son fils, l'absence du père jusqu'à ses 10 ans, son placement dans trois famille d'accueil, une scolarité peu brillante. Puis, vers 15 ans, le cannabis. Lorsqu'il est arrêté, Ilias Akoudad fumait une dizaine de joints par jour.

Les experts n'ont pas relevé de pathologie mais des fragilités: cette addiction, un manque d'insertion professionnelle, des bagarres en détention, notamment avec des surveillants, et des injonctions parentales contradictoires, avec une mère permissive et un père très strict quand il est revenu dans sa vie.

A l'expert psychiatrique, au sujet de cette accusation de meurtre, il a évoqué une "dénonciation calomnieuse", de façon sereine, sans colère ni abattement, se disant "victime d'une injustice".

Déjà condamné six fois, notamment pour trafic de stupéfiants, le jeune homme, poursuivi pour meurtre et tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique -pour avoir aussi tiré sur le coéquipier d'Eric Masson- risque la perpétuité. Le statut de policier d'Eric Masson est, en effet, une circonstance aggravante "lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur". 

Mais l'accusé savait-il, comme l'a conclu l'enquête, qu'il tirait sur un policier ? 

Le verdict est attendu le 29 février ou le 1er mars.

le Lundi 19 Février 2024 à 07:20 | Lu 471 fois