Tahiti, le 16 novembre 2022 - L’historien Louis-José Barbançon, “Océanien d’origine européenne”, et le journaliste Walles Kotra sont invités au 22e Salon du livre avec l’ouvrage publié chez Au vent des îles, À la recherche du “nous”. Au cours de conversations avec Walles Kotra, Louis-José Barbançon revient sur ce qui fait de lui ce qu’il est aujourd’hui : un esprit en mouvement, un homme de conviction. Alors que le débat identitaire plane sur la société calédonienne, il partage l’expérience d’une vie pour esquisser un chemin possible, celui du "nous".
La Nouvelle-Calédonie a beau être le pays de la parole, Louis-José Barbançon a un itinéraire pavé par l’écrit. Ses décennies d’étude et d’enseignement, son engagement politique dans la FNSC autonomiste ou le gouvernement Tjibaou, ses travaux historiques, ses interventions publiques, parfois décriées mais toujours remarquées sur le Caillou… Cet “Océanien d’origine européenne” qui continue de refuser de se laisser “classer sur une étagère” comme “certains aiment tant le faire”, aurait pu, pour tenter de laisser une trace de sa pensée, compiler les textes rédigés au fil d’une réflexion de plus de 50 ans. Chroniques médiatiques, discours de colloques, préfaces, extraits de récits ou d’essais, textes politiques ou plus personnels, ou même oraisons funèbres… Des archives qu’il met sur la table de son éditeur, Au Vent des îles, où il a publié l’année passée un grand Mémorial du bagne calédonien, qui sonnait déjà comme un aboutissement pour sa carrière d’historien.
Ouvrage hybride
Mais de la discussion avec Christian Robert naît une autre idée : pourquoi, pour une fois, ne pas se “laisser écrire”, se confier à une autre plume. Certains textes resteraient, pour plonger dans certains chapitres de son parcours, développer sa vision, expliquer ses engagements. Mais c’est par un entretien, au travers du regard d’un autre, que serait tissé le lien entre les grandes pages de sa vie. Cette proposition d’ouvrage hybride, à la fois discussions et “mélanges”, sorte de mémoires “qui contournent le problème de la paresse”, le Calédonien l’accepte à une condition : que le regard en face de lui soit celui de Walles Kotra. “Certains ne s’en rendent pas compte, mais c’est une des plus belles plumes du pays”, assure l’historien à propos du journaliste originaire de la petite île de Tiga, et qui, entre deux postes à responsabilités dans l’audiovisuel, a écrit sur ou avec les plus grands noms de la Calédonie. “Je ne l'aurais fait avec personne d'autre. C’est une question de confiance avant tout”, insiste-t-il.
“Conversations de Bourail”
Après Nidoïsh Naisseline, Jacques Lafleur ou Antoine Kombouaré, Walles Kotra s’est donc assis en face d’un autre observateur de son époque. Et si Barbançon parle, bien sûr, de sa “Calédonitude”, de sa relation “si particulière” au monde kanak, ou du poids de l’histoire sur un descendant de bagnards et fils d’un disparu de La Monique, il se confie aussi sur la pêche, le sport, sur son enfance ou sa surdité. Les deux hommes se connaissaient déjà, “bien sûr”, et le journaliste, même pendant ses périodes parisiennes, a toujours suivi avec intérêt cette voix iconoclaste du Caillou, souvent pointée du doigt pour des discours ou des idées qui ne “collent” pas à sa “communauté”. “Il y a eu la colonisation, le bagne, l’indigénat… L’histoire a fait que la société calédonienne est parcellisée et il y a comme des assignations à résidence”, explique l’ancien responsable de l’outre-mer chez France Télévision. “Chacun doit rester chez soi et celui qui essaie de sortir de sa réserve, il est flingué. Louis-José illustre ça”.
Ces “conversations de Bourail” – capitale rurale et caldoche du Caillou où les deux hommes se sont retrouvés pour l’essentiel des entretiens – ne laissent aucun doute à l’intervieweur. Depuis les quartiers de Motor Pool ou de la Conception jusqu’aux archives de la colonisation, d’où Louis-José Barbançon a tenté de faire comprendre le bagne à tous ceux qui voudraient l’oublier, l’historien a “un itinéraire qui raconte l’histoire du pays, avec tous ses ingrédients, ses contradictions, ses richesses”. Aux écrits de l’un, succèdent les questions de l’autre. Et le fil rouge de cette vie parait à chaque épisode un peu plus clair : un “entêtement”, une “obstination”, même, à rechercher un “‘nous’ qui ne détruit par les ‘je’”. Difficile, sur un Caillou où “des mots comme ‘destin commun’ inondent l’espace public, mais où ceux qui œuvrent vraiment à le rechercher sont marginalisés et même proscrits, rejetés”. “Et ça n’est pas seulement l’itinéraire de Louis-josé, c’est aussi des questions sur nous-mêmes, les Calédoniens”, insiste Wallès Kotra, qui prend lui aussi la parole en préface et en “post-scriptum”. “On a un historien caldoche et un journaliste kanak qui sont pris dans cette interrogation presque existentielle : tenir compte de ses racines et en même temps prendre en compte l’évolution des choses, les racines et l’histoire des autres.” Une obligation, puisque “sans les autres, les Calédoniens n’existeraient pas”, précise Louis-José Barbançon, qui tient à nuancer lui-même la portée de son discours : “Je ne veux pas parler au nom des Calédoniens, je parle en tant que Calédonien, ça n'est pas la même chose”.
Trente ans après “Le Pays du non-dit”, “À la recherche du nous” et sa réflexion à “deux fois deux voix” est-il une suite qui ne dit pas son nom ? “C’est au lecteur de voir”, répond Louis-José Barbançon. Sa sortie, alors que la Nouvelle-Calédonie doit se chercher un avenir dans le dialogue après l’avoir mis en jeu dans les urnes, n’est, elle, “sûrement pas un hasard”.
La Nouvelle-Calédonie a beau être le pays de la parole, Louis-José Barbançon a un itinéraire pavé par l’écrit. Ses décennies d’étude et d’enseignement, son engagement politique dans la FNSC autonomiste ou le gouvernement Tjibaou, ses travaux historiques, ses interventions publiques, parfois décriées mais toujours remarquées sur le Caillou… Cet “Océanien d’origine européenne” qui continue de refuser de se laisser “classer sur une étagère” comme “certains aiment tant le faire”, aurait pu, pour tenter de laisser une trace de sa pensée, compiler les textes rédigés au fil d’une réflexion de plus de 50 ans. Chroniques médiatiques, discours de colloques, préfaces, extraits de récits ou d’essais, textes politiques ou plus personnels, ou même oraisons funèbres… Des archives qu’il met sur la table de son éditeur, Au Vent des îles, où il a publié l’année passée un grand Mémorial du bagne calédonien, qui sonnait déjà comme un aboutissement pour sa carrière d’historien.
Ouvrage hybride
Mais de la discussion avec Christian Robert naît une autre idée : pourquoi, pour une fois, ne pas se “laisser écrire”, se confier à une autre plume. Certains textes resteraient, pour plonger dans certains chapitres de son parcours, développer sa vision, expliquer ses engagements. Mais c’est par un entretien, au travers du regard d’un autre, que serait tissé le lien entre les grandes pages de sa vie. Cette proposition d’ouvrage hybride, à la fois discussions et “mélanges”, sorte de mémoires “qui contournent le problème de la paresse”, le Calédonien l’accepte à une condition : que le regard en face de lui soit celui de Walles Kotra. “Certains ne s’en rendent pas compte, mais c’est une des plus belles plumes du pays”, assure l’historien à propos du journaliste originaire de la petite île de Tiga, et qui, entre deux postes à responsabilités dans l’audiovisuel, a écrit sur ou avec les plus grands noms de la Calédonie. “Je ne l'aurais fait avec personne d'autre. C’est une question de confiance avant tout”, insiste-t-il.
“Conversations de Bourail”
Après Nidoïsh Naisseline, Jacques Lafleur ou Antoine Kombouaré, Walles Kotra s’est donc assis en face d’un autre observateur de son époque. Et si Barbançon parle, bien sûr, de sa “Calédonitude”, de sa relation “si particulière” au monde kanak, ou du poids de l’histoire sur un descendant de bagnards et fils d’un disparu de La Monique, il se confie aussi sur la pêche, le sport, sur son enfance ou sa surdité. Les deux hommes se connaissaient déjà, “bien sûr”, et le journaliste, même pendant ses périodes parisiennes, a toujours suivi avec intérêt cette voix iconoclaste du Caillou, souvent pointée du doigt pour des discours ou des idées qui ne “collent” pas à sa “communauté”. “Il y a eu la colonisation, le bagne, l’indigénat… L’histoire a fait que la société calédonienne est parcellisée et il y a comme des assignations à résidence”, explique l’ancien responsable de l’outre-mer chez France Télévision. “Chacun doit rester chez soi et celui qui essaie de sortir de sa réserve, il est flingué. Louis-José illustre ça”.
Ces “conversations de Bourail” – capitale rurale et caldoche du Caillou où les deux hommes se sont retrouvés pour l’essentiel des entretiens – ne laissent aucun doute à l’intervieweur. Depuis les quartiers de Motor Pool ou de la Conception jusqu’aux archives de la colonisation, d’où Louis-José Barbançon a tenté de faire comprendre le bagne à tous ceux qui voudraient l’oublier, l’historien a “un itinéraire qui raconte l’histoire du pays, avec tous ses ingrédients, ses contradictions, ses richesses”. Aux écrits de l’un, succèdent les questions de l’autre. Et le fil rouge de cette vie parait à chaque épisode un peu plus clair : un “entêtement”, une “obstination”, même, à rechercher un “‘nous’ qui ne détruit par les ‘je’”. Difficile, sur un Caillou où “des mots comme ‘destin commun’ inondent l’espace public, mais où ceux qui œuvrent vraiment à le rechercher sont marginalisés et même proscrits, rejetés”. “Et ça n’est pas seulement l’itinéraire de Louis-josé, c’est aussi des questions sur nous-mêmes, les Calédoniens”, insiste Wallès Kotra, qui prend lui aussi la parole en préface et en “post-scriptum”. “On a un historien caldoche et un journaliste kanak qui sont pris dans cette interrogation presque existentielle : tenir compte de ses racines et en même temps prendre en compte l’évolution des choses, les racines et l’histoire des autres.” Une obligation, puisque “sans les autres, les Calédoniens n’existeraient pas”, précise Louis-José Barbançon, qui tient à nuancer lui-même la portée de son discours : “Je ne veux pas parler au nom des Calédoniens, je parle en tant que Calédonien, ça n'est pas la même chose”.
Trente ans après “Le Pays du non-dit”, “À la recherche du nous” et sa réflexion à “deux fois deux voix” est-il une suite qui ne dit pas son nom ? “C’est au lecteur de voir”, répond Louis-José Barbançon. Sa sortie, alors que la Nouvelle-Calédonie doit se chercher un avenir dans le dialogue après l’avoir mis en jeu dans les urnes, n’est, elle, “sûrement pas un hasard”.