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A Wallis et Futuna, course à la vaccination sur fond d'enjeux de santé délaissés


Nouméa, France | AFP | mardi 30/03/2021 - A Wallis et Futuna, l'arrivée du Covid-19 début mars a entraîné une campagne massive de vaccination et l'envoi de nombreux renforts dans un contexte sanitaire dégradé et longtemps négligé, qui va faire l'objet d'une totale rénovation dans le cadre du "Ségur de la santé".

A la faveur d'une protection drastique de ses frontières, cet archipel français du Pacifique sud était resté exempt de Covid pendant un an, mais un cas hors quatorzaine, qui n'a pas été considéré comme le patient zéro, a été décelé le 6 mars.

L'épidémie s'est ensuite très vite propagée, particulièrement sur l'île principale de Wallis, avec 375 cas positifs contre seulement 10 à Futuna. Quatre patientes, âgées de 35 à 83 ans, sont décédées, et sept autres malades, gravement atteints, ont été évacués vers la Nouvelle-Calédonie, distante de 1.800 kilomètres.

Face à cette flambée, une campagne de vaccination de toute la population majeure a été lancée le 20 mars dans l'archipel après l'envoi en urgence de 18.000 doses.

"Au dixième jour de la campagne, nous en sommes exactement à 38,5% de la population majeure (3.190 personnes), qui a reçu la première injection de vaccin (Moderna)", a déclaré mardi à l'AFP Hervé Jonathan, administrateur supérieur (préfet).

En plus des vaccins, 72 soignants et plusieurs tonnes de matériel médical ont été dépêchés de métropole, auxquels se sont ajoutés des moyens envoyés par la Nouvelle-Calédonie. Un confinement "strict et contrôlé" est en vigueur jusqu'au 6 avril dans ce territoire français le plus éloigné de la métropole, dont la population s'érode, faute de développement économique (11.400 habitants en 2020 contre 15.000 en 2003).

Hôpital amianté 

Cette crise survient alors que depuis plusieurs années des rapports d'organismes sanitaires ou d'institutions financières dénoncent la constante dégradation de la santé des Wallisiens et des Futuniens et l'insuffisance des moyens déployés.

Le dernier en date est celui de la Commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale d'octobre 2020, rédigé après l'attribution d'une dotation exceptionnelle dans le cadre du "Ségur de la santé".

Le rapport juge "cet engagement (financier) indispensable et attendu" et dresse un constat accablant de la situation à Wallis et Futuna où "la dépense courante de santé par habitant est, avec Mayotte, la plus basse des outre-mer français".

"Les bâtiments et locaux sont vétustes, les règles de sécurité élémentaires ne sont pas respectées, le bloc opératoire ne remplit aucune norme ISO (...) Deux dispensaires sont situés en zone inondable (...) et l'hôpital de Futuna est entièrement amianté", peut-on lire.

Recruter des professionnels dans ce territoire isolé et sous-équipé étant un casse-tête, il ne compte aucun cardiologue, aucun pédiatre, aucun cancérologue, pas plus que d'ORL ou d'ophtalmologiste.

Avec 70% de la population adulte obèse, 20% de diabétiques diagnostiqués et 34% d'hypertendus, les effets en termes de santé publique sont qualifiés "d'une gravité extrême".

A Wallis et Futuna, l'espérance de vie plafonne à 76,9 ans contre 83,4 ans en Métropole, tandis que chaque mois environ 70 personnes font l'objet d'une évacuation sanitaire vers la Nouvelle-Calédonie, l'Australie ou l'Hexagone.

Si la mauvaise hygiène de vie (tabac, alcool, alimentation riche et transformée) est la cause principale, l'Agence de santé, établissement d'Etat, "ne s'est jamais réellement emparée de sa mission de prévention".

Lors du "Ségur de la santé", 49 millions d'euros ont été débloqués: 45 en investissement et 4 pour le fonctionnement de l'Agence de santé.

Ces sommes vont permettre au cours des prochaines années une rénovation profonde au travers notamment de la construction d'un nouvel hôpital à Futuna, de la création de postes, du développement de la télémédecine et d'un service de soins infirmiers à domicile et de l'élaboration d'une politique de santé publique.

 "Pour le moment, ces récents crédits ne sont pas mis en œuvre car on a été impacté par la crise du Covid mais on en a vraiment besoin", explique à l'AFP Xavier Montserrat, directeur de l'Agence de santé.

le Mardi 30 Mars 2021 à 05:16 | Lu 1221 fois