A Tautira, la mobilisation retarde le dynamitage


Tahiti, le 18 mai 2021 - Le dynamitage des trois grosses pierres de la montagne Tahua Reva à Tautira devrait avoir du retard. Les habitants de Tautira ne lâchent rien et campent au pied de la montagne pour contester la destruction de ce qu'ils considèrent comme un patrimoine matériel et immatériel. Ils pointent du doigt “le mutisme” du ministre de la Culture. Ministre qui affirme ne pas avoir les mêmes éléments que les contestataires. La direction de la Culture effectue des recherches dans ce sens. Une marche des opposants est prévue samedi matin.
 
Les habitants de Tautira font tout pour se faire entendre et éviter que les trois pierres de leur montagne Tahua Reva ne soient détruites. Ils ont mis en place des pétitions en ligne, fait appel aux associations et même sensibilisé les médias du Pacifique. Enfin, ils organisent une marche pacifique ce samedi pour “protéger notre patrimoine matériel et immatériel et pour mobiliser un maximum de personnes dans notre combat pour sauver notre montagne et notre patrimoine”, indique Vaihei Paepaetaata, une habitante de Tautira. Lors de la présentation du projet de “travaux de sécurisation du talus” par le ministre des Grands travaux, René Temeharo, à la presse, le 4 mai dernier, plusieurs habitants de Tautira avaient fait connaître leur mécontentement et leur désaccord. Ils avaient pointé du doigt le manque de transparence du gouvernement et de leur tavana, Anthony Jamet, regrettant surtout la disparition de leur patrimoine.
 
Dès le début des travaux, le 11 mai dernier, ces habitants se sont rendus sur le site, d'abord en dehors de la zone sécurisée, puis directement sur site en contrebas de la montagne Tahua Reva. Selon Vaihei Paepaetaata, “la semaine dernière ils n'ont rien pu faire. Du coup je pense qu'avec tous les retards, ils vont devoir reporter la date du dynamitage. Nous sommes juste au pied de la montagne pour montrer notre opposition”. L'utilisation des explosifs pour fragmenter les trois roches doit en effet avoir lieu mardi prochain. Contacté, le ministre de l'Equipement et des Grands travaux, René Temeharo, confirme qu'avec la présence des habitants de Tautira sur le site, les travaux, et notamment le dynamitage de ces trois grosses pierres, vont sans doute être retardés d'une ou deux semaines.

“Ces pierres ont une énergie”

Selon Vaihei Paepaetaata, “les pierres que le gouvernement veut dynamiter ont une énergie”. D'où l'opposition des riverains. La jeune femme indique que plusieurs associations de protection de l'environnement ont apporté leur soutien à leur action. Action isolée ou partagée par les riverains de Tautira ? Vaihei assure que les activistes ont le soutien de la population mais que “les gens ici à Tautira ont peur de s'afficher, ils veulent bien venir nous soutenir mais ils n'osent pas”. Elle dit par ailleurs s'étonner que le ministre de la Culture, Heremoana Maamaatuaiahutapu, “ne se bouge pas”. “Il faut que le ministre se réveille”. Lundi, le président de Heiura-Les Verts, Jacky Bryant, a rendu visite aux habitants mobilisés. Mardi, l'ancien ministre s'est fendu d'un communiqué de soutien aux manifestants. Il considère que la destruction de cet “énième” patrimoine historique “ne gêne plus le gouvernement”, taclant lui-aussi “le mutisme plus ou moins inquiétant du ministre de la Culture”.
 
Contacté, Heremoana Maamaatuaiahutapu affirme qu'il n'a pas les “mêmes éléments” que les habitants de Tautira et des associations de protection de l'environnement concernant Tahua Reva. Il ajoute que le seul site connu au fenua pour l'envol des âmes est la pointe Tataa à Faa'a. La direction de la Culture est d'ailleurs en train de faire des recherches concernant Tahua Reva. Le ministre précise d'ailleurs que, s'il s'avère que cette montagne est également un lieu d'envol des âmes, “il le fera savoir”.

Jacky Bryant Président de Heiura-Les-Verts “Tahua Reva représente l'envol des âmes”

Que pensez-vous du dynamitage des trois pierres de Tahua Reva à Tautira ? 
“On est dans la énième destruction de notre patrimoine, cela ne gêne plus le gouvernement. Le pire c'est le mutisme plus ou moins inquiétant du ministre de la Culture Heremoana Maamaatuaiahutapu. Tahua Reva représente l'envol des âmes, de plus, c'est le site pour lequel Honoura, le guerrier légendaire de Tautira, est connu dans tout le Pacifique. La seule réponse que le Pays a, c'est de dire qu'on va sécuriser la route pour éviter que trois petits cailloux tombent du ciel. On ne peut pas dévier la route et gagner sur la mer et faire un détournement sur l'océan pour pouvoir sauvegarder cet espace ? En plus, le financement est de plus de 100 millions Fcfp juste pour trois cailloux ? Il y a un petit souci non ?”
 
Vous êtes allé lundi à la rencontre des habitants de Tautira ?
“En allant à la rencontre des défenseurs qui sont fiers de leur culture, de leur identité, de leur patrimoine historique, ils m'ont montré un chemin en contrebas qui longe cette colline pour pouvoir accéder à un projet de lotissement. Ce serait dramatique de permettre une installation hôtelière ainsi que des bungalows sur ce site patrimonial, historique. Je rappelle que huit pirogues dont Hokulea ne sont allées ni à Pira'e, ni à Faa'a ni à Papeete. Ils sont allés à Tautira, donc on est bien dans un site extraordinaire. Vous allez au Tuamotu, Australes, Hawaii tout le monde va vous parler de Honoura. Qu'est ce qu'on a comme attache par rapport à nos anciens guerriers, qui représentent l'identité d'une population ? La seule réponse c'est de dynamiter, c'est le monde à l'envers. On tourne en bourrique l'ensemble de la population par rapport à cette notion de sécurité. Et d'ailleurs, pourquoi avoir enlevé le filet de sécurité, il n'était pas au point, ou conforme aux dispositions de protection ?”
 
Le gouvernement met en avant la sécurité de la population, qu'en pensez-vous ?
“Il faut détourner la route, et sécuriser les éventuelles chutes de pierres avec les grandes barres de fer métalliques pour protéger nos rebords. Il y a tout un arsenal aujourd'hui qui permet d'assurer la sécurité mais il faut arrêter de prendre les habitants pour des moins que rien. La seule identité qui nous reste aujourd'hui, c'est cela qu'il faut sauvegarder et développer.”
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 18 Mai 2021 à 18:08 | Lu 1788 fois