A Tahiti, la cour criminelle malgré tout


Tahiti, le 13 avril 2023 – Bien que le parquet général de Papeete a demandé à la chancellerie que la Polynésie soit exclue du dispositif de cour criminelle qui prévoit le remplacement des jurés populaires de la cour d'assises par des magistrats professionnels pour certains faits, le ministère de la Justice n'a pas encore produit de texte permettant cette exclusion. Deux affaires vont donc être jugées en juin par une cour criminelle qui devrait notamment être renforcée par des magistrats du tribunal de première instance. 

Un peu moins de quatre mois après l'entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2021 qui prévoit que les cours d'assises composées par un jury populaire sont désormais remplacées par des cours criminelles formée par cinq magistrats pour les crimes punis de vingt ans et moins, le ministère de la Justice n'a pas encore pris de texte excluant ce dispositif en Polynésie. Car, tel que le rappelle l'avocat général du parquet général de Papeete, Jacques Louvier, la juridiction avait demandé que les cours criminelles ne soient pas appliquées en Polynésie : “Nous avions demandé à ce que ce dispositif ne soit pas appliqué en Polynésie pour deux raisons. Tout d'abord pour une question d'organisation puisque nous avons une petite cour d'appel avec assez peu de magistrats, très peu de magistrats honoraires et nous n'avons pas de magistrats à titre temporaire. Il faut donc trouver quatre magistrats pour compléter la formation, c'est une ressource rare et c'est quelque chose de difficile à trouver.”
 
La seconde raison, précise Jacques Louvier, est qu'il y a “une spécificité quant à la culture polynésienne et que les accusés sont Polynésiens” : “Il est important que des Polynésiens jugent des Polynésiens pour que l'on ait cet éclairage qui aide les magistrats professionnels à prendre des décisions. C'est pour cela que nous avions demandé à être exclus du système de généralisation de la cour criminelle sachant qu'ici, nous n'avons pas de retard, les dossiers sont audiencés rapidement et que la plupart des dossiers jugés ici sont dans le champ de la cour criminelle. En effet, la plupart des faits commis jugés aux assises sont des viols et coups mortels.”
 
“Échanges rassurants”
 
Si le parquet général avait demandé, tout comme la Nouvelle-Calédonie, qu'un texte vienne exclure la Polynésie de ce dispositif à l'instar de ce qui a déjà été fait à Mayotte, il est toujours, tel que l'explique Jacques Louvier, en attente “d'une réforme qui permettrait de continuer de juger comme on le faisait avant”. Malgré des “échanges rassurants avec la chancellerie”, la juridiction de Polynésie va donc devoir instaurer la cour criminelle dès le mois de juin prochain avec les procès de deux détenus poursuivis pour des faits passibles d'une peine maximum de vingt ans de réclusion criminelle. Pour ce faire, Jacques Louvier indique qu'il va “sûrement” falloir recourir à des magistrats du tribunal de première instance. 
 
Rappelons par ailleurs que les cours criminelles ont été mises en place afin, notamment, de désengorger les cours d'assises départementales qui, à la différence de la Polynésie, sont souvent surchargées. La loi prévoit que ces cours criminelles jugent tous les crimes punis de vingt ans de prison maximum tels que les viols, les violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ou bien encore les vols à main armée. 
 

Rédigé par Garance Colbert le Jeudi 13 Avril 2023 à 16:39 | Lu 2142 fois