A Noël, la solitude est toujours au rendez-vous malgré les amis virtuels


PARIS, 15 déc 2012 (AFP) - A l'heure des "amis" virtuels, la solitude et son cortège de détresses touchent nombre de personnes, âgées, mais aussi pères et mères de famille isolés et jeunes adolescents, un phénomène exacerbé par Noël, disent des professionnels à l'écoute de cette souffrance, interrogés par l'AFP.

Parmi eux, SOS-amitié, née en 1960 et immortalisée par le film "Le Père Noël est une ordure" (1982) de Jean-Marie Poiré, "ne parvient à répondre qu'à un appel sur quatre" et recherche des bénévoles, déplore Nicole Viallat, présidente de la section Ile-de-France.

Les 1.600 "écoutants" anonymes de SOS-Amitié sont "à l'écoute" de la détresse 365 jours par an et 24H/24, au téléphone, sur messagerie internet et par le biais d'un tchat mais "il en faudrait le double !", estime Mme Viallat.

"La famille a explosé et le public qui fait appel à nous a changé : les 45-60 ans, hommes en tête, constituent la majorité des +appelants+ mais on a de plus en plus de parents isolés qui ressentent très durement leur solitude à Noël lorsque l'enfant est avec l'autre parent", détaille la responsable.

"La tristesse est terriblement amplifiée à Noël face à un bonheur fantasmé, au flon-flon commercial et médiatique où tout n'est que cadeaux, recettes et trucs qui brillent. La personne seule se sent totalement hors du coup, exclue", confirme Marie, écoutante à SOS-chrétiens à l'écoute.

"Pourtant, Noël en famille c'est parfois très tendu, bien loin de la Sainte famille !", ironise-t-elle.

Précarité, problèmes de surendettement, d'emploi et de logement, en constante hausse depuis cinq ans, renforcent ce sentiment d'exclusion, selon les enquêtes statistiques fournies par les associations.

"Paradoxe facebook"

Phénomène nouveau, et pas seulement à Noël, selon Mme Viallat, "25% des +appelants+ de SOS-Amitié ont moins de 30 ans et il y a des très jeunes de 11, 12 ans, qui s'expriment par écrit sur le tchat et confessent automutilations et pensées suicidaires".

"Sur le clavier, à l'écrit, ils osent parler et vont à l'essentiel. Cela va bien au-delà de la simple peine de coeur. Il y a des conflits extrêmes avec les parents, qui d'ailleurs n'ont de cesse que de devancer leurs désirs", déplore la responsable.

"C'est le paradoxe facebook", dit Serge Guérin, sociologue spécialiste de l'entraide, car si les jeunes ont un lien affirmé avec les nouvelles technologies et des milliers d'amis sur facebook, dans la vraie vie, ils n'ont aucune oreille à qui se confier".

L'hyperconnexion "masque notre vide intérieur", commente la psychiatre et psychothérapeute familiale Marie-France Hirigoyen, qui évoque le cas, de plus en plus fréquent, de "jeunes très seuls face à leur écran", vivant reclus au sein de leur propre famille, appelé hikikomori au Japon.

"On est dans une société qui fabrique de la solitude, au travail, et dans un contexte de précarisation des liens intimes avec des relations amoureuses qui se soldent une fois sur deux par un divorce", ajoute Mme Hirigoyen pour qui "Noël réactive ce qui s'est joué au moment de la rupture".

Les plus âgés, qui souvent manquent d'autonomie et de moyens, sont eux aussi coupés du monde. "40% des plus de 75 ans et 50% à Paris" sont seuls, dit Philippe Conerardy de l'association "Au bout du fil", créée en 2008, qui pour "maintenir le lien" appelle régulièrement près de 1.000 personnes âgées qui en ont fait la demande grâce à 150 bénévoles et une plate-forme IP.

"Pour nous, Noël c'est tous les jours", dit Alain Thomas, son secrétaire général. "Nous assurons gratuitement un service psychique quotidien dans la continuité. Les appelés parlent de choses dont ils ne parlent jamais avec personne. Pour les bénévoles appelants, de plus en plus jeunes, c'est très gratifiant", ajoute-t-il.

"Au bout du fil" fait partie d'une vingtaine d'associations avec lesquelles le gouvernement a lancé mi-novembre une "mobilisation nationale" pour lutter contre l'isolement des personnes âgées.

Rédigé par Par Sandra LACUT le Samedi 15 Décembre 2012 à 06:12 | Lu 1046 fois