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A Maré, des habitants traumatisés et divisés après les violences


A Maré, des habitants traumatisés et divisés après les violences
MARE, 9 août 2011 (AFP) - "On peut pas parler, on est est sous tension", murmure une jeune Maréenne. Sur le marché de Maré en Nouvelle-Calédonie, les visages sont fermés et la colère est à fleur de peau, trois jours après les violences entre tribus kanak, qui ont fait quatre morts et trente blessés.

En cet hiver austral, un soleil radieux inonde le lagon, qui borde le petit marché coincé entre la mairie et la gendarmerie de cette île de 6.000 habitants, mais les étals sont presque vides et personne ne s'attarde pour discuter.

"Les gens ont peur, ils sont sous le choc, alors ils font leurs courses et rentrent chez eux. Chacun reste sur son territoire. Nous à Guahma et les autres à La Roche", confie un habitant, qui préfère garder l'anonymat.

Samedi, sur cette île de 650 km carrés de l'archipel des Loyauté, une flambée de violence a opposé les chefferies kanak, sur fond de conflit sur le prix des billets de la compagnie domestique Aircal, en déficit chronique.

"On ne veut plus payer 24.000 francs CFP (200 euros) pour faire 35 minutes d'avion jusqu'à Nouméa, ça suffit", martèle une employée de la mairie de Maré.

Comme dans d'autres îles de Calédonie, l'aéroport de Maré était bloqué depuis le 22 juillet par des collectifs d'usagers. Mais à Maré, le mouvement a pris une tournure dramatique car le président d'Aircal, Nidoish Naisseline, est aussi le puissant chef kanak du district de Guahma.

Le conflit à Aircal est ainsi venu se greffer sur les rivalités foncières, religieuses et coutumières, qui empoisonnent la vie de l'île depuis des années.

Entre 60 et 300 habitants de Guahma, selon les sources, ont mené une expédition samedi pour déloger les usagers de l'aéroport de La Roche, mais sur la route, les deux camps se sont violemment affrontés.

Des carcasses de voitures calcinées gisent sur le bord de la chausée tandis qu'à la tribu de Hnaenedre, les biens de la famille de Willy Pujapujane, leader du collectif des usagers, ont été saccagés.

"Ils n'ont pas fait semblant", dit ce quinquagénaire, montrant des voitures incendiées, sa boulangerie vandalisée et une grande case brûlée.

"Tout est parti d'Aircal, mais on n'en peut plus de l'omnipotence de M. Naisseline. Maintenant, c'est chacun chez soi. On a peur et on se défendra", assène-t-il.

Selon lui, tout a basculé après qu'un jeune issu des rangs des usagers a reçu une balle mortelle. Ensuite, ce sont trois jeunes Kanak de Guahma qui ont été tués et, selon un dernier bilan, le nombre de blessés s'est alourdi de 23 à 30.

Plus d'une centaines de gardes mobiles ont été déployés sur place. Sur la route reliant les territoires rivaux, des patrouilles fouillent les voitures, en quête d'armes.

Les barrages des usagers ont été levés lundi et l'aérodrome a été déserté, mais aucun avion ne s'y pose.

"Les avions militaires peuvent se poser, mais pas d'appareil d'Aircal. On veut le billet à 10.000 francs (83 euros)", déclare Willy Pujapujane.

A Nouméa, le gouvernement local, en concertation avec l'Etat, a mis sur pied une médiation, composée du président de l'église évangélique, Philippe Capoa, et du prêtre catholique Roch Apikaoua. Ils doivent se rendre à Maré mercredi.

Avec la coutume kanak, les églises exercent un forte influence sur les populations des Loyauté.

A Maré, les protestants du district de Guahma et les catholiques se sont fait la guerre dans les années 1900, déjà sur fond de litiges fonciers.

"C'est notre histoire, il faut faire avec", confie un habitant de La Roche, qui doute que la mission religieuse puisse calmer le jeu.

cw/mad/cgd

Rédigé par Par Claudine WERY le Mardi 9 Août 2011 à 05:48 | Lu 601 fois