À Mahina le parc aquatique tombe à l'eau


Le projet de toboggan à capsule le plus haut du monde, à presque 40 mètres de hauteur, pourrait devenir l'attraction principale du parc.
PAPEETE, le 28 juillet 2015 - Des problèmes de squatteurs, des riverains hostiles et des embrouilles avec les propriétaires du terrain qui ne veulent pas désamianter leurs bâtiments mettent le projet de parc aquatique à Mahina en pause indéfinie. Les investisseurs mexicains d'Aquakita étudient une nouvelle possibilité, près du golf d'Atimaono à Papara.

Une source proche du dossier Aquakita nous a révélé un important changement les plans des investisseurs mexicains. Patrick Genet, P-dg de Paradise Parks, la société locale montée par Aquakita, confirme que les derniers plans pour un grand parc aquatique à Mahina, évoqués dans nos colonnes, sont caducs : "Le terrain de Mahina pose effectivement quelques difficultés. Les squatteurs de la plage ne veulent pas partir parce que la commune ne leur propose pas de solution de relogement qui leur convienne, les habitants des logements alentour ne veulent pas du parc parce qu'ils pensent qu'il fera trop de bruit, et de toute façon ils nous interdisent d'utiliser la route du lotissement. On pourrait négocier un accès par les terrains militaires, mais il reste encore le désamiantage des structures en place, où nous n'arrivons pas à nous mettre d'accord avec les propriétaires sur celui qui devrait le faire. Et enfin il y a le problème du vent, très fort dans la zone, qui augmente les coûts pour tout fixer".

On se souvient que le leader mondial des parcs aquatiques tente de monter un projet en Polynésie depuis plus d'un an. Les investisseurs mexicains sont prêts à mettre l'argent (jusqu'à 9 milliards Fcfp ont déjà été évoqués) et à démarrer les travaux dès que le terrain sera trouvé et les différents permis obtenus. Le 21 mai, après avoir visité un grand terrain à Mahina appartenant à TDF, ils pensaient avoir enfin trouvé leur bonheur, la mairie de la commune promettait alors de pouvoir déloger les squatteurs et convaincre les voisins. Tahiti Infos en faisait même sa Une.

TROIS PISTES DE TERRAIN, TROIS DÉCEPTIONS

Mais, c'était peine perdue. Après avoir dû renoncer au projet imaginé avec l'ancien hôtel du Tahara'a à cause de l'insécurité juridique qui l'entoure (présenté en février, le projet incluait un toboggan qui irait de l'hôtel à la mer) ; après avoir été découragés par les délais à rallonge qui entourent le Mahana Beach à Outumaoro ; le plan C à Mahina est maintenant lui-aussi mis en stand-by. Il semble même que ce projet ait été caduc sitôt après avoir été présenté ! Une situation pour le moins frustrante pour les investisseurs, comme l'explique Patrick Genet : "Nous sommes de nouveau coincés. Nous sommes toujours à la recherche de notre terrain, pourtant on pourrait commencer tout de suite. J'ai une équipe de huit personnes, avec des architectes, qui en sont à leur troisième plan du parc… Là on ne fait plus de plans, ça coûte très cher. On a un plan pour Papara, avec toutes les études de prêtes, et on va rester sur ça."

Car les Mexicains d'Aquakita ne renoncent pas. Ils n'ont besoin que "d'un terrain de 5 ou 6 hectares, sur Tahiti Nui mais pouvant être éloigné de Papeete." Patrick Genet parle maintenant d'un plan D, proposé par le Pays : des terrains à Atimaono, juxtaposés au golf de Papara. Mais là encore il y a un problème : le gouvernement a signé, en juin dernier, une convention avec le groupe chinois Hainan pour lui permettre de construire un complexe hôtelier, justement sur ce secteur, avec un foncier disponible allant jusqu'à 300 hectares. Mais depuis la signature de cette convention, les Chinois ne donneraient plus signe de vie pour dire s'ils accepteraient de céder quelques hectares de ce terrain, côté mer, pour les rendre disponibles pour le parc aquatique… Le P-dg de Paradise Parks s'exclame d'ailleurs que le gouvernement "nous avait affecté les terrains côté Papara une semaine avant son départ pour la Chine…"

L'IMPATIENCE N'EST PAS DE "BON CONSEIL"

Les dirigeants d'Aquakita visitaient le grand terrain de TDF à Mahina en mai. Ils avaient alors bon espoir que ce serait le lieu idéal…
"Aucune décision ne sera prise par le Pays sans que le groupe chinois Hainan avec lequel une convention a été signée pour ces parcelles d'Atimaono ne soit informé. C'est important pour les investisseurs étrangers que nous présentions une position qui ne varie pas d'un mois sur l'autre" indiquait la semaine dernière Jean-Christophe Bouissou, le porte-parole du gouvernement que nous interrogions à ce sujet. "On prend très au sérieux le projet du groupe Aquakita, mais l'impatience dans le monde des affaires n'est pas de bon conseil" poursuivait-il.

Patrick Genet, lui, remet le destin de ce projet entre les mains du nouveau ministre en charge des Grands projets : "Je fais confiance à Teva Rohfritsch, qui m'assure qu'il s'en occupera très rapidement." Il faut dire que le ministre a déclaré, dans une interview qu'il nous a accordé début juillet, que sa priorité était "ces petits projets qui peuvent démarrer vite, pour passer le temps qu'il nous reste pour bien définir les grands projets." Il n'en reste pas moins que des investisseurs prêts à financer des projets sont laissés dans une situation d'attente qui commence à leur devenir insupportable. Pendant ce temps, d'autres territoires ou états du Pacifique, alléchés par l'attractivité de ces projets quasi "clés en main", sont déjà en train de leur faire les yeux doux…

Le projet Aquakita en chiffres

- 4,5 milliards Fcfp pour un parc de 9 attractions, dont un toboggan qui établirait un record du monde et une vague artificielle pour le surf
- de 3,5 à 4,5 milliards Fcfp pour un hôtel 3 étoiles de 100 chambres
- 100 à 120 emplois directs, dont 60 pour le parc ; une centaine d'emplois indirect
- 2000 visiteurs par jour, pour un prix autour de 3500 Fcfp par personne (avec également des tarifs sociaux, des passes saisonniers, etc.)

Au golf de Moorea le tribunal de commerce doit encore valider le plan mexicain

Aquakita, via sa société locale Paradise Parks, avait signé en mai un protocole d'accord pour prendre une participation majoritaire dans le golf de Moorea, en échange de la construction de plusieurs infrastructures (hôtel et mini parc aquatique, pour 4,7 milliards Fcfp). Mais le golf est toujours légalement en redressement judiciaire après deux ans de procédures. Lors d'une audience le 10 juillet, le tribunal de commerce a étudié ce nouveau plan de continuation. Les juges ont demandé plus de détails et rendront un jugement définitif le 12 octobre. Les nouveaux propriétaires du golf vont devoir contacter tous les acteurs de ce dossier très complexe, en particulier les 108 investisseurs en défiscalisation qui ont plusieurs centaines de millions de francs bloqués en Polynésie.


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 28 Juillet 2015 à 16:01 | Lu 4526 fois