À Arutua, des poules, des arbres... et de l'audace


Tahiti, le 10 septembre 2022 - Après avoir reçu le label Bio Pasifika pour ses œufs de Arutua, Steve Pommier va plus loin dans sa démarche. Il s'est lancé dans un projet d'agroforesterie unique en Polynésie, en plantant des arbres fruitiers et en replantant des espèces locales pour apporter de l'ombre à ses poules. Un sacré défi sur un atoll au sol aride et sans source d'eau. 
 
C'est le Covid qui a conduit Steve Pommier, perliculteur à Arutua à se diversifier. Il a choisi l'agriculture en produisant du miel, un peu de vanille, du pitaya et surtout il s'est lancé dans l'élevage de poules pondeuses. Ses œufs I feel bio ont reçu le label Bio Pasifika en novembre 2021. Depuis, sensible au bien-être animal, il a fait un pas de plus dans sa démarche, en plantant des arbres pour apporter de l'ombre à ses poules. C'est ce qu'on appelle, l'agroforesterie, une technique agricole qui associe sur une même parcelle des cultures ou des plantations avec l'élevage. Cela permet de favoriser la vie microbienne des sols et la biodiversité. Un sacré challenge sur un atoll avec ses sols coralliens, très pauvres en humus, sans argile qui ne retiennent pas l’eau ni les nutriments, une difficulté à laquelle s'ajoute l'absence de cours d'eau ou de captage. “Le défi c'est surtout de faire pousser des arbres, des arbres fruitiers sur un sol aride et perméable où l'eau ne reste pas. Il a fallu creuser, mettre de la bourre de coco justement pour retenir l'eau et créer de l'humidité à la base de la plante”, nous confie Steve Pommier.

Pour se lancer dans ce chantier, il a fait appel à Sylvain Todesco, ancien agriculteur et formateur qui l'a accompagné dans sa démarche : “Pour des œufs bio, pour avoir le label, on a besoin d'un parcours ombragé. Et comme mon site à Arutua n'est pas très ombragé, nous avons fait appel à Sylvain pour reboiser le parcours pour que les poules aient de l'ombre. On faisait ça au début avec des ombrière mais c'est quand même beaucoup mieux avec des arbres !”
 
Arbres fruitiers et maquis paumotu
 
Les premières plantations ont été faites en décembre 2021, le choix s'est porté sur la re-végétalisation en associant des arbres fruitiers (manguiers , figuiers , papayers, fruits de passion) à du maquis paumotu composé de kahaia, tohonu , miki miki, noni, tumu nou... Sylvain Todesco qualifie cette démarche de “projet pilote” précisant que “les travaux et les aménagements sont sans équivalent en Polynésie.”  Effectivement, le projet a nécessité la création d'une pépinière sous abri pour les boutures, d'une serre pour la croissance des plants et enfin d'un composteur. Comme l'explique Steve Pommier : “L'une des clés de ce projet pour replanter tous ces arbres, c'est qu'on fait nous-même notre compost bio. Pour les litières, on se sert de palmes de cocotier broyées, comme on les renouvelle tous les mois on s'en sert pour fabriquer notre compost.” Un réseau d'irrigation en goutte à goutte a également été mis en place ainsi qu'un réservoir d'eau saumâtre qui alimente une cuve de 7 500 litres.
 

De la ferme perlière à l'élevage des poules

L'idée première de Steve Pommier n'était pas de faire un business : “À l'origine, c'était pour être autonomes, pour manger nous-mêmes les œufs. Mais en parallèle, comme c'était difficile avec la perle, on n'avait plus accès aux acheteurs extérieurs. Alors on a voulu lancer un autre business pour préserver les emplois. Deux personnes sont concernées, elles ont migré de la ferme perlière vers les poules... ”
Ces deux employés de la ferme perlière ont donc radicalement changé d'univers et ont été formés, entre autres, à la connaissance des plantes et des arbres, à leur culture en sol corallien, à l'irrigation et la fertilisation, à l'élevage de poules pondeuses et au respect du cahier des charges d'une production bio.
 

Sylvain Tadesco, ancien agriculteur et formateur : L'agroforesterie c'est quoi ?

L'agroforesterie, c'est faire de l'agriculture avec des arbres. Elle était pratiquée en France dans les bocages avant le remembrement. Il s’agissait alors d’associer sur une même parcelle des cultures ou des plantations d’arbres avec une activité d’élevage de manière à favoriser la vie microbienne des sols et la biodiversité. Dans les parcours de poules pondeuses en plein air, on cultive des arbres (fruitiers ou non) et on fait du maraichage pendant les rotations de parcelles. Les avantages sont multiples pour un éleveur de poules. Tout d'abord cela permet de fournir l'ombre, indispensable aux poules pour qu'elles aillent à l'extérieur. D'un point de vue économique, des revenus supplémentaires peuvent être générés par la vente de fruits ou de légumes. Enfin, cela permet de régénérer les sols par les déjections animales et faire disparaître les vers (ascaris) néfastes pour les poules.”
 




Rédigé par Julie Barnac le Mardi 13 Septembre 2022 à 20:20 | Lu 4796 fois