A Art Rock, une plongée décoiffante dans le monde des arts numériques


SAINT-BRIEUC, 26 mai 2012 (AFP) - "Composez le 07 62 88 64 59", intime le panneau. Le festivalier obtempère. Soudain, tous les personnages d'une immense photo représentant une scène de rue dans une ville chinoise s'animent devant lui dans un tintamarre brutal. Bienvenue à Art Rock, pionnier des arts numériques!

Sensible dès ses origines aux applications artistiques des nouvelles technologies, aux côtés de la musique ou de la danse, le festival breton, dont la 29e édition a débuté vendredi à Saint-Brieuc, présente cette année six installations numériques: fascinantes ou déroutantes, il s'agit de créations d'artistes internationaux, à l'image de cette scène de rue inattendue, oeuvre de l'artiste chinois Du Zhenjun.

L'artiste dénonce à travers cette oeuvre "l'omniprésence des technologies et l'uniformisation artificielle qu'elles induisent, que l'on soit en France ou en Chine".

La Japonaise Sachiko Kodama travaille, elle, avec le ferrofluide, un liquide qui réagit aux impulsions magnétiques. Elle parvient avec cette matière à créer des formes en perpétuel mouvement qui se hérissent dans tous les sens et se déforment quand on les touche.

L'Espagnol Alex Posada travaille le son et la lumière et propose une sculpture cinétique, baptisée "The Particle", faite d'anneaux munis de leds, pivotant autour d'un axe. La sculpture réagit selon les modulations du son et de l'espace, changeant constamment l'atmosphère et la perception. Entre chaque activation de l'installation, qui dure quelques minutes, l'ensemble doit reposer dix minutes.

Très complexes, ces installations ont en commun d'exiger une grande technicité et il n'est pas surprenant que leurs créateurs soient souvent de jeunes trentenaires de formation scientifique ou férus d'informatique. A l'image d'Alex Posada, ingénieur de formation et musicien depuis son enfance.

"Pendant mes études d'ingénieur, j'ai commencé à mêler musique et technologie, à créer mes propres instruments", explique-t-il à l'AFP. "En 2000, je suis parti vivre à Barcelone et là, j'ai découvert le monde multimédia que je pratiquais sans le savoir".

"J'ai ensuite créé plusieurs spectacles qui étaient plutôt de l'ordre de la performance. Alors que +The Particle+, c'est une oeuvre", souligne-t-il, "qui peut se voir sans aucune intervention humaine". "Une oeuvre pour observer, méditer, qui affûte le cerveau et donne un sentiment de paix".

Dès ses débuts, Art Rock a fait le pari de la pluridisciplinarité, s'ouvrant à l'image et aux nouvelles technologies. "Dans les années 1980, on accueillait un festival de vidéos musicales. Et la vidéo, c'était déjà du numérique", rappelle Jean-Michel Boinet, fondateur et directeur artistique du festival.

En 1986, Art Rock a accompagné une création de Bernard Szajner, créateur de la harpe laser et pionnier des musiques électroniques, qui mêlait vidéo, laser et robotique. "Nous avons ensuite eu un festival vidéo qui nous a permis d'avoir notre propre télé câblée, puis de nous approprier internet dès les années 1990", rappelle-il.

"Cette constance dans les nouvelles technologies fait que nous avons été progressivement sollicités par des artistes dits numériques", explique Jean-Michel Boinet. Au point d'en faire une spécificité du festival, devenu un lieu de présentation de ces oeuvres, au même titre que "le ZKM à Karlsruhe ou Ars Electronica à Linz", deux institutions - en Allemagne et en Autriche - consacrées à la promotion de la création numérique.

Le festival Art Rock se poursuit jusqu'à dimanche soir avec de nombreux artistes, parmi lesquels Sharon Jones and The Dap-Kings, Dionysos, Stephen Marley, Orelsan, Philippe Decouflé ou Daniel Linehan.

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Rédigé par Par Clarisse LUCAS le Vendredi 25 Mai 2012 à 22:17 | Lu 517 fois