8 ans après le drame, l’hommage de Kamakea à son « petit prince », Malik Joyeux


2 décembre 2013. Il y a exactement huit ans à 10h09, Malik prenait une vague à la rame qui allait lui ôter la vie, à l’âge de 25 ans. Ce 2 décembre 2005, sur le spot de Banzaï Pipeline à Hawaii, Malik démarre sur une vague de 3m environ, une taille quasi anodine par rapport aux monstres de Teahupo’o qu’il a été un des premiers à surfer. Juste après la descente, alors qu’il amorce son virage, il se fait rattraper par la lèvre. Il se noie, vraisemblablement après avoir perdu connaissance après avoir heurté sa planche, que l’on retrouvera cassée en deux.

Malik, originaire de Moorea, ne participait pas beaucoup aux compétitions, il préférait le surf ‘libre’, le surf de gros. Humble, gentil, simple, espiègle et malicieux, il possédait un aura qui faisait de lui quelqu’un de spécial. Sa disparition reste une cicatrice douloureuse pour celles et ceux qui ont eu la chance de le connaître.

Huit ans après l’accident, force est de constater qu’il a laissé un héritage, cette façon de vivre la Polynésie le sourire aux lèvres, malgré les difficultés du quotidien : ‘Malik would smile’. Ce talent téméraire, cet esprit d’innovation et surtout cette gentillesse bien polynésienne auront marqué les esprits.

Après un silence qui aura duré huit ans, pour commémorer les 10 ans d’une vague fabuleuse qui l’aura fait rentrer dans la légende de Teahupo’o dès avril 2003, Kamakea Bambridge, sa fiancée au moment de sa tragique disparition, nous a proposé de recueillir cet hommage, sans détour, sincère : une énième preuve d’Amour. C’est la première fois qu’elle se confie à un média à ce sujet. Elle nous montre également quelques photos. L’émotion aura été très forte, plusieurs passages trop intenses ou trop personnels auront été coupés en tentant ainsi d’esquisser un sourire, celui de Malik, véritable leçon de vie et hymne à l’Amour.







Kamakea Bambridge au micro de Tahiti Infos :

C’était important de lui rendre cet hommage ?

« J’ai croisé de belles personnes sur terre, j’ai fait de belles rencontres mais…il y a des gens qui passent dans ta vie…et puis pas que dans ma vie d’ailleurs, il avait une influence positive partout où il passait. Il avait cet aura qui faisait qu’il faisait ressortir le meilleur chez les gens, chez tout le monde. C’est rare cet amour inconditionnel, et cette façon de voir les gens sans jugement... »

Que t’a-t-il apporté, que lui as-tu apporté ?

« Lui, il disait que je lui apportais beaucoup mais il m’a apporté tellement …C’était comme un énorme échange, c’est comme si on surenchérissait sur l’Amour, il n’y avait pas de limite, ça n’arrêtait pas de grossir. Je sais que lorsque nous sommes sortis ensemble il s’est calmé de lui même, je lui ai rien demandé. On s’est trouvé, ça été juste…Ce n’est pas explicable en fait… »

Les meilleurs partent les premiers…

« Franchement, cela a été très dur de trouver une morale à tout ça…C’est sûr que ce sont les meilleurs qui partent en premier et on se rend compte que certains ont comme des missions…Tu vois, comme cet acteur qui vient de partir : certains sont là en train de dire ‘Il y a des millions de personnes qui meurent de faim’ etc… Je suis d’accord, mais quand il y a des personnes aussi belles qui te rappellent que la vie est précieuse…Même si ce n’est pas évident sans lui, car j’ai vraiment l’impression d’avoir la moitié de moi qui manque. Mais je ne peux ignorer l’image qu’il a toujours renvoyé…Le drame a donné comme un ‘boost’ a beaucoup de monde, c’est dur pour moi de ne pas me laisser abattre, mais j’essaye, par respect pour tout ce qu’il m’a fait vivre. »

Savoir qu’il parti en pratiquant sa passion est une toute petite consolation ?

« Il m’avait dit qu’il ne supporterait pas de partir dans une situation ‘banale’ derrière un ordinateur, alors j’ai été obligée de respecter ça. Il envisageait de partir comme ça, mais pas aussi tôt... C’était l’année où il avait envie de se lancer dans une carrière au cinéma. Tu sais, il avait ce film avec son frère qu’ils étaient en train de produire, c’était prometteur, il dégageait un truc devant la camera qui était hallucinant. Quand cela arrive, même si ton monde s’écroule, tu te dis que c’était son chemin, c’était sa voie, je sais qu’un jour je le retrouverais. Cela va arriver. Mais il faut que je reste là pour l’instant, que je fasse de mon mieux. »

Tu peux me décrire les photos ?


« Sur cette photo, il était en Australie, sur la côte ouest. Il était chez Dean Morisson un grand copain à lui. Il a adoré ce pays, on se disait qu’un jour on irait vivre là-bas. Cette photo me fait rire, parce que pendant ce voyage, il a rencontré la tante de Dean qui est peintre. Quand il a eu cette vague en 2003, il n’y avait pas facebook (rire). Cette femme avait eu la vision d’une vague démesurée et en avait fait une peinture, qui est aujourd’hui chez Thi Lan, sa soeur. Cette peinture, c’était exactement la vague de Malik, les couleurs, la position, c’était juste incroyable, cela nous a toujours fait sourire, le fait qu’il y ait des choses qui se passent dans l’univers qui sont inexplicables. La tante de Dean est née un 31 mars, le même jour que Malik… »


« L’autre photo devant le moteur d’avion, c’est aux îles Mentawai (Indonésie). Il était parti avec Manoa –Drollet- et Tim –Mc Kenna- pour le premier surf trip en binôme avec Manoa. L’autre, avec le tuyau, on est à Paea, ça c’est tout lui, toujours l’autodérision. Ce n’est pas qu’un surfeur de tow-in. C’est plus que ça. L’autre photo, il travaillait sur un prototype de camera embarquée de type ‘Gopro’. Il s’était lancé dans les ‘hélicoptères’ à l’époque, pour pouvoir mettre des cameras dessus. Le soir, il fallait que je ‘gueule’ pour qu’il aille au lit. Il avait trop d’idées. Un vrai ‘geek’. (rires). Il était ‘foufou’, les gens le voyaient toujours avec un énorme sourire mais c’était quelqu’un qui avait beaucoup de sagesse, qui avait conscience de plein de choses de la vie, une maturité qui était parfois un peu lourde pour lui. Cela ne se voyait pas, car il ne montrait pas ce côté là, mais moi je le voyais à la maison. »

« Il a grandi à Moorea et il y a là bas des amis vraiment proches, il avait beaucoup d’amour et de reconnaissance pour ces gens qui étaient comme une famille, qui étaient là pour lui lorsqu’ils n’allait pas bien. Cela me fait de la peine, car je ne les ai jamais remerciés pour tout ça. Il pensait souvent eux. Maire Amaru par exemple. D’autres, comme Evaina Tuataa étaient également très importants à ses yeux. Si ces gens pouvaient sentir cet Amour, je pense qu’il en serait heureux. »


C’est important de continuer à sourire à la vie ?

« Quand j’étais plus jeune, j’étais rebelle parce que je n’était pas bien dans ma peau et c’est quelqu’un qui m’a beaucoup aidé à m’aimer, je ne comprenais même pas pourquoi il m’aimait autant. Il me donnait tellement. Mon âme sœur. J’ai de la chance d’avoir ma famille qui est là pour moi, sa sœur et son frère qui sont comme des petits bouts de lui. »

« J’étais son cameraman, toutes ces images de tow-in, je les ai passées à Gillou –Gilles Hucault- car je le respecte et je l’adore, et je sais qu’il en fera bon usage. J’espère qu’un jour, ils sortiront un film, une biographie sur lui, sur cette personne vraiment surnaturelle. Il est rentré dans ma vie et je sais ce qu’est le bonheur grâce à lui. Perdre ce bonheur, c’est comme une malédiction…Mais je ne me permettrais jamais de ne pas sourire par rapport à ça, car il me donne beaucoup de force, jusqu’à maintenant. Il fait partie de moi, il me manque tout le temps, c’est particulier, j’ai du mal à le décrire. Plein de fois, j’ai envie de tout laisser tomber, c’est trop dur et après, non, ce n’est juste pas possible. Je l’aime mais j’ai aussi une famille qui m’aime à la folie, l’Amour que j’ai pour lui et l’Amour qu’il a pour moi, c’est ma force. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui j’avance. » SB


Rédigé par SB le Lundi 2 Décembre 2013 à 06:36 | Lu 26905 fois